Union européenne : les Pays-Bas ont cédé pour préserver leur fiscalité très favorable et qui commence à énerver les autres membres de l’UE<!-- --> | Atlantico.fr
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Mark Rutte Pays-Bas accord européen
Mark Rutte Pays-Bas accord européen
©STEPHANIE LECOCQ / POOL / AFP

Atlantico Business

Si les Pays-Bas, chef de file des cinq pays frugaux qui s’opposaient à la France et l’Allemagne dans la négociation du plan de relance, se sont finalement entendus avec les autres Européens, c’est aussi qu’ils tenaient à préserver leurs avantages fiscaux.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le Premier ministre des Pays-Bas a changé de ton au moment où les Français et les Allemands ont commencé à suggérer à l’Union européen de regarder de très près une fiscalité locale qui a tendance à attirer les sièges sociaux des européens. Recevoir des leçons de morale concernant la gestion des services publics ça passe encore, mais bloquer un accord historique qui ouvre la porte au fédéralisme quand on est assis sur un coffre fort remplis d’avantages fiscaux, ça ne passe plus. Les Hollandais aiment faire des affaires mais n’aiment guère penser qu’ils sont en Europe un paradis fiscal. 

Si les Hollandais étaient prêts à passer un peu moins leurs vacances sur les côtes italiennes ou espagnoles, l’élément de négociation qui consistait à revenir en arrière sur un système fiscal particulièrement attractif a évidemment permis de faire pencher la balance du côté d’une négociation pour un plan de relance ambitieux, à hauteur de 750 milliards d’euros et avec, pour la première fois, une part de mutualisation des dettes européennes (pour 390 milliards), l’autre partie plus conventionnelle avec des prêts remboursables (360 milliards d’euros).

L’aide concentrée vers les plus fragiles et la possibilité de contracter des dettes, sortes d’Eurobonds, constituent une avancée très forte vers des mécanismes fédéraux.

On connait pourtant les déboires de l’Union européenne pour se faire dédommager des cadeaux fiscaux de l’Irlande attribués à Apple, Google et autres multinationales face à la justice européenne, mais les manœuvres fiscales des Pays-Bas, au moins aussi attractives, font beaucoup moins parler d’elles, et pourtant.

Dans un rapport publié en plein mois d’avril pendant que le plan de relance européen se dessinait, Tax Justice Network, une ONG qui milite pour un système fiscal plus juste au niveau mondial, précisaient quelles étaient les pertes fiscales des voisins européens, dues aux avantages fiscaux hollandais.

Parce que les Pays-Bas ont toujours joué avec la ligne jaune de l’illégalité, mais l’optimisation fiscale proposée aux entreprises reste dans les clous, sans être de l’évasion.  Comme dans le système irlandais, ce sont surtout les entreprises qui bénéficient de taux d’imposition avantageux et d’un système de domiciliation de sociétés en commandite qui leur permet de rester discrètes.

Pour les taux pratiqués, soit l’entreprise, par le biais du système dit de « rulings » a négocié en amont le taux auquel elle sera imposée pendant les années qui viennent, quelques soient le montant ou l’évolution de la réglementation fiscale. Soit elle fait remonter les bénéfices dans sa holding, en les taxant comme de la propriété intellectuelle, avec un taux affiché à 7% actuellement et 9% à compter de 2021, ce qui est toujours beaucoup moins qu’un impôt sur les sociétés, aux alentours de 25% dans les pays voisins.

Ces mécanismes fiscaux profitent surtout aux entreprises américaines, précise l’ONG Tax Justice Network, pour leurs bénéfices européens qui sont en général remontés vers les Pays-Bas.

Et les pays les plus lourdement touchés par ce manque à gagner fiscal sont justement les pays touchés par la crise du Covid et à qui profiterait la relance européenne. 

La France aurait perdu plus de 2,7 milliards d’euros par an, l’Italie 1,5 milliard, tout comme l’Allemagne. Et l’Espagne comptabiliserait un manque de recettes fiscales de près d’un milliard. En tout 10 milliards d’euros, répartis entre pays européens.

Dans sa bataille contre un niveau de subventions jugé trop élevé (450 milliards, finalement ramené à 390, sur les 750 milliards du plan global), les Pays-Bas en sont finalement venus au compromis avec le reste des pays de l’Union européenne. La comparaison qu’Emmanuel Macron a tenté dimanche, d’un Mark Rutte, le Premier ministre hollandais, semblable à David Cameron, partisan de la ligne dure lors de négociations européennes et aujourd’hui sorti de l’Union européenne, n’a pas été faite par hasard. Les Pays-Bas auraient tout à perdre d’une sortie de l’Union européenne, autant sur le plan commercial que sur le plan fiscal. 

En revanche, les Européens ont tout à craindre du dumping fiscal qui sévit toujours en Europe et malgré certaines réglementations qui demandent plus de transparence, s’ils veulent aller un jour, plus loin dans l’intégration européenne.

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