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Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, lors d'une conférence de presse.
Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, lors d'une conférence de presse.
©ÉRIC PIERMONT / AFP

Successeur de Geoffroy Roux de Bézieux

Les adhérents de l'organisation patronale départageront Patrick Martin et Dominique Carlac'h pour élire leur nouveau président le 6 juillet. Les deux candidats présentent leurs programmes ce mardi 30 mai aux grands électeurs du Medef.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : A quoi sert un président du Medef ?

Philippe Crevel : Sa première fonction, c'est de représenter l'ensemble des entreprises françaises. Il est élu à la fois par  les représentants des entreprises et des fédérations qui composent le Medef. Il fait partie des partenaires sociaux. Il est donc à la foi chargé de défendre les intérêts des entreprises et de négocier avec les autres partenaires sociaux, dont les syndicats de salariés, des accords concernant la vie des salariés des entreprises. Par ailleurs, il est évidemment un relais d'opinion important, tout comme peut l'être le secrétaire général de la CGT ou de la CFDT.

Les intérêts des entreprises, que ce soit donc par rapport aux autres partenaires sociaux et syndicats et également par rapport à l'État - dont le rôle en France est évidemment extrêmement important et surtout dans le domaine social - l'État est un acteur clé, qui peut infléchir fortement la politique sociale du pays. Il n’y a pas de domaine social réservé, comme d'ailleurs cela a pu être constaté dernièrement sur les retraites ou avec l'assurance chômage. Le Medef a comme interlocuteur pas exclusivement les autres partenaires sociaux, mais aussi l'État, voire parfois surtout l'Etat.

Est-ce qu’il y a un profil type de patron du MEDEF ?

Les profils des patrons du Medef ont évolué entre Seillière, Parisot, Gattaz et Roux de Bézieux. Seillière incarnait plus le patron des patrons, en étant moins dans le participatif et plus dans la contestation et dans l'affirmation du poids des entreprises. Monsieur Gattaz était plus rond dans la négociation. Roux de Bézieux, lui, a essayé de moderniser un peu l'image du patronat. Donc on voit qu'il y a des infléchissements, en fonction des interlocuteurs et du contexte économique, financier dans lequel le président du Medef doit intervenir.

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Le fait que certains soient issus de l'industrie pure et dure quand d’autres venaient de l'industrie des services, cela a-t-il changé les choses ?

Le Medef a longtemps été dominé par la métallurgie mais cela a évolué ces dernières années, du fait de la modification de l'économie française et de la désindustrialisation. Laurence Parisot était issue des services, de l’IFOP. Pierre Gattaz était issu de l'industrie, avec Radiall. Roux de Bézieux est plutôt dans les nouvelles technologies. Aujourd’hui, le président du Medef doit obligatoirement faire la synthèse entre certains secteurs d'activité : la banque, l'assurance, les services mais il reste aussi la métallurgie, et l’industrie. Mais aujourd’hui, ils ne peuvent plus être l'unique représentant de la métallurgie. Et Laurence Parisot, en était un véritable symbole.

L'origine des patrons du Medef se ressent-elle dans la manière dont il agissent, dont ils défendent les intérêts des patrons ?

De plus en plus, le Medef a une direction collégiale. Quand on représente les entreprises françaises, il faut tenir compte des grosses fédérations dont il est difficile de prendre des positions qui iraient à l'encontre de ces dernières. Donc il y a forcément aujourd'hui une prise en compte assez large d'intérêts des entreprises et beaucoup plus que ce n’était le cas dans les années 80. Malgré tout, il peut y avoir des styles différents. Le baron Ernest-Antoine Seillière et le style Roux de Bézieux, n’avaient pas le même style. Laurence Parisot a infléchi l'orientation du Medef en allant vers plus de communication et on voit que ces successeurs  ont plutôt conservé cette nouvelle façon d'être du Medef qu'elle avait créé.

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Qu’est-ce qui distingue un bon d’un mauvais patron du Medef ?

Ce n’est pas une sinécure que d’être patron du Medef parce que, à la fois, il faut mettre d'accord toutes les fédérations d'entreprises des différents secteurs d'activité. Il faut également être capable de négocier avec l'État et de négocier avec les partenaires sociaux. Et savoir-faire de la communication car, quand on est patron du Medef, on n'est pas la personne la plus aimée de la planète française. Le patronat n’a pas forcément bonne presse. Donc il est difficile de faire plaisir aux mandants et de faire plaisir à la presse, aux partenaires sociaux et à l'État. Et parfois d'ailleurs, l'État ne souhaite pas avoir l'appui du Medef, parce que c'est encombrant. Donc il faut être, pour être un bon patron du Medef, il faut être un super diplomate, il faut être doué dans le relationnel. Il faut avoir une vision de l'entreprise française, avoir une vision de l'économie, être capable de se projeter et d’être audible et lisible.

Est-ce que jusqu'à présent il y en a qui ont plus ou moins réussi ?

Comme je l'ai dit, tout dépend aussi des circonstances. Le président du Medef ne peut rien tout seul. Il lui faut des interlocuteurs au niveau de l'État et au niveau des autres partenaires sociaux pour faire des accords. Ernest-Antoine Seillière, avec son style, ses prises de position, a modifié fortement le fonctionnement et le rôle du Medef. Laurence Parisot, qui a été la première femme à occuper ce poste, a placé le Medef dans une nouvelle communication. Pierre Gattaz était un homme doué pour obtenir des accords. Il était moins en première ligne mais plus négociateur. Roux de Bézieux a essayé de jouer une certaine sorte de synthèse et d'essayer de moderniser le Medef sur les statuts, le fonctionnement tout en annonçant qu’il ne se représenterait pas. Mais il avait un contexte très compliqué avec un État beaucoup plus interventionniste. Il a connu la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et la réforme des retraites qui n'étaient pas forcément des terrains propices pour faire du Medef, le cœur de la négociation sociale, l'État ayant préempté le champ de la négociation.

Vous en parliez tout à l'heure, un patron du Medef doit avoir une vision de l'entreprise, une vision de l'économie. A quel point les visions peuvent-elles diverger et impacter les objectifs ?

Il y a forcément des directions différentes sur comment organiser le dialogue avec l'État et les partenaires sociaux : un Medef plus de combat ou un Medef plus négociateur pour faire avancer ses positions ? Est-ce qu’il faut un Medef qui favorise plus l'industrie ou les services ? Il y a forcément la recherche de consensus mais, en fonction des personnalités, des expériences les positionnements peuvent évoluer. Mais la direction collégiale rend les ruptures moins importantes qu’au temps de Seillière.

Quels sont là aujourd'hui, dans le contexte actuel, les grands défis d'un patron du Medef et donc du futur patron du Medef ?

Donc aujourd'hui les grands défis sont nombreux. Premièrement, évidemment, il y a la question de la transition énergétique. Les entreprises sont directement concernées par cette transition avec des risques de surcoût important. Là-dessus, il faut à la fois être un acteur de la transition énergétique et ne pas être la victime. Il y a également le vieillissement de la population et le problème de l'emploi des seniors, de l'adaptation de l'emploi à des salariés plus âgés et derrière les pénuries de main d'œuvre. C’est par conséquent aussi un débat sur l'immigration. Et puis il y a évidemment, à court terme la question de l'inflation, du pouvoir d'achat, de l'entreprise et du pouvoir d'achat des salariés, qui se posent. Sachant que les syndicats de salariés regardent les entreprises de près .D'autant plus que certaines d'entre elles dégagent des bénéfices qui peuvent être jugés importants.

Le gouvernement actuel induit-il des manières de devoir gérer le dialogue social ?

La la série de crise que nous avons connue et l'interventionnisme important de l'État a évidemment réduit le champ de la négociation sociale. Il faut néanmoins souligner qu'il y a eu d'accord national portant sur le partage du pouvoir d'achat. Les partenaires sociaux se sont entendus et ce devrait être repris au niveau de l'Assemblée nationale très prochainement et être adopté. Il est certain que dans les prochains mois il va falloir retisser les liens entre les différentes organisations syndicales et le patronat, et essayer peut-être un peu de s'affranchir de la tutelle de l'État. Il faut récupérer un peu de marge de manœuvre en la matière, pour des sujets importants.

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