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Un ministre de l’Intérieur en boîte de nuit et en charmante compagnie : comment l’image de Christophe Castaner et de la macronie ont vacillé en pleine crise des Gilets jaunes
©ALAIN JOCARD / AFP

Bonnes feuilles

Pauline Théveniaud et Jérémy Marot publient "Le kéké de la République" aux éditions Plon. Qui se cache derrière Christophe Castaner ? Il y a trois ans encore, ce nom était inconnu du grand public. Extrait 2/2.

Pauline Théveniaud

Pauline Théveniaud

Pauline Théveniaud est reporter au service Politique du Parisien.  

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Jérémy Marot

Jérémy Marot

Jérémy Marot est reporter au service politique de l'Agence France Presse (AFP), chargée du suivi de La République en marche, après avoir couvert la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron depuis octobre 2016. 

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Le ministre de l’Intérieur se laisse aller dans les bras d’une jeune femme blonde. Il semble dans sa bulle, comme ivre de cet instant volé hors les murs de la place Beauvau. Ce samedi 9 mars, il est ailleurs, pour quelques instants. Grisé, ce qui ne l’empêche pas de repérer l’objectif qui se tend vers lui. Christophe Castaner aperçoit l’iPhone et, tout de suite, comprend. Des mois plus tard, il raconte : « Je vois le portable et je m’en vais. Le problème, c’est que je me casse trente secondes après, et le mec ensuite essaie de vendre ses images. » Six jours plus tard, le magazine people Closer diffusera la vidéo. Le ministre prévient qui de droit, à Matignon notamment, qu’une secousse se profile. En pleine crise des Gilets jaunes, tandis que le débat sur les violences policières fait rage, l’incident fait mauvais genre. Dès le dimanche 10 mars, la jeune femme qui l’accompagne tente, elle, de joindre ses amis. « J’ai fait une connerie. »

Cette jeune femme blonde, dans un premier temps confondue par la presse people avec sa cousine Emma, c’est Clara Sabban, collaboratrice de Christophe Castaner de son entrée au gouvernement en mai  2017 jusqu’en avril  2018, date à laquelle elle quitte La République en marche. Son tailleur-pantalon, porté sur talons hauts, sa façon d’évoquer sa « vie sociale très épanouie » ne camouflent pas tout à fait sa candeur, ni sa jeunesse. Clara, « hyper attachante, hyper sexy, sachant que sa force, c’est ça », dixit une amie, a tout juste trente ans, aime sortir dans des lieux branchouilles. Elle a le CV d’une jeune fille bien née, sciences poli  tiques à l’université d’Assas, affaires publiques à celle de Paris-Dauphine, année de césure au consulat général de France à New York. Christophe Castaner et elle se connaissent depuis 2016. Cette année-là, Clara Sabban lance sa start-up, Cityzee, qui propose des outils numériques, site Internet et application, aux élus et collectivités locales, pour faciliter les échanges avec leurs administrés. Avec son associée, elle cible les députés-maires à la débrouille, récupérant les mails des assistants parlementaires, sollicitant le standard à l’Assemblée. Le député de la deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence est parmi les premiers à répondre. Lorsqu’il reçoit les deux jeunes femmes, le produit n’est qu’une maquette. Cityzee a besoin d’élus pilotes pour les phases tests, Christophe Castaner souhaite apparaître en maire innovant. Objectif né de ces intérêts croisés : présenter l’application lors des vœux pour l’année 2017. Clara Sabban est ce jour-là dans la salle, répond aux questions de la presse locale. L’hebdomadaire de l’ami Jean-Luc Icard, Haute-Provence info, titre « Forcalquier se tourne vers le numérique… sans tourner le dos à son passé ! ». 

« Christophe est celui qui m’a donné ma chance », loue Clara Sabban. Où la gratitude se mêle à la volonté de faire valoir un succès. Les liens perdurent, tandis que le député saute dans le train d’une épopée victorieuse, celle d’Emmanuel Macron, dont la jeune femme qui prodigue au député conseils en communication et notes sur certains discours, est fan. Parvenu au gouvernement, Christophe Castaner l’impose au sein de son cabinet. Une partie de ses collaborateurs tord le nez. Le 7 juillet 2017, un arrêté du gouvernement nomme Clara Sabban « conseillère au cabinet du porte-parole du gouvernement ». S’ouvre une période dont la jeune femme parle comme d’un « âge d’or ». Le cabinet de Castaner, qui le suit au siège du parti une fois celui-ci nommé délégué général de La République en marche, « c’est un peu Dallas », susurre-t on. Des salariés du parti n’en reviennent pas d’assister à « des craquages de nerfs, où une nana sortait en chialant, parce que l’une ou l’autre était en désaccord avec Christophe et qu’il avait pris un arbitrage défavorable ». Clara Sabban quitte le parti en avril  2018, virée, « très salement », dit l’un de ses anciens collègues. « Je trouvais qu’elle n’avait pas trouvé sa place dans le dispositif au parti. À la fin de sa période d’essai, je ne l’ai pas renouvelée. Je ne l’ai plus croisée jusqu’à cette soirée-là », affirme le patron. Aussi, lorsque éclate l’affaire du Noto, d’aucuns avancent qu’il s’agit là d’un piège, tendu par pure vengeance. Désormais salariée d’une prestigieuse agence de communication, Clara Sabban dément vivement lorsqu’on lui soumet l’affirmation : « C’est la théorie facile. C’est tellement facile et tellement dédouanant. Il ne s’est pas fait piéger. On ne piège pas un ministre de l’Intérieur, quand on a trente ans, qu’on a été sa conseillère. C’est d’une absurdité… C’est ridicule. » 

Le Noto est de ces établissements sélects qui offrent le luxe de l’entre-soi, et donc de la discrétion. Ceux qui y ont leurs entrées n’ont pas à en passer par des heures de queue, mais par une porte discrète, offrant une large vue sur la salle. Elle l’assure, elle n’aurait pas convié le ministre à la rejoindre au « Macumba du 10e  arrondissement », mais là, se dit-elle, ils seront entre gens de bonne compagnie. « Cela faisait plusieurs samedis que les Gilets jaunes ne manifestaient plus de manière aussi visible et virulente dans les rues de Paris. Le timing est malencontreux. L’épisode se passe un samedi soir où les choses étaient calmes. Les photos sortent le vendredi suivant, dans cette presse people. Et le lendemain, samedi [le fameux 16 mars 2019], il y a eu un regain de violences. Ça, on peut être le meilleur ministre de l’Intérieur, on ne peut pas l’anticiper », justifie Clara Sabban. Christophe Castaner utilise, peu ou prou, les mêmes arguments. Il ajoute : « Il y a des moments où vous n’êtes pas bien dans vos pompes, où l’on vous dit : “Passe à cet anniversaire, ça va te faire du bien.” C’était un moment où j’avais de vrais questionnements, ou j’étais moins en forme, et je me suis dit : “Allez, je vais boire un coup.” Et puis je fais une connerie. » 

Un ministre de l’Intérieur peut-il se permettre cela ? Non, c’est la loi de la fonction, tous ceux qui sont passés par le fauteuil le disent. Ainsi, son prédécesseur Brice Hortefeux, qui parle en connaissance de cause, lui-même ayant été filmé non pas dans les bras d’une femme, mais alors qu’il se laissait aller à une blague raciste sur les « Arabes » : « La vie à Beauvau, c’est une préoccupation permanente, une pression de tous les instants. Je ne me souviens pas d’être allé à un dîner d’anniversaire chez un copain, c’est inenvisageable. J’avais toujours mon téléphone à côté de moi, je voulais être joint partout. Il y a des choses qu’il faut s’astreindre à ne pas faire quand on est un personnage public. Quand on est ministre de l’Intérieur, on l’est à cent pour cent. » Ses amis le disent, Nicolas Sarkozy, par exemple, prenait soin de ne plus fumer le cigare, l’un de ses péchés mignons, en public. Ce moment de détente, au goût de luxe, tellement antinomique des drames auxquels le poste confronte, c’est à l’abri de ses appartements privés qu’il se l’offrait.

Extrait du livre de Pauline Théveniaud et Jérémy Marot, "Le kéké de la République", publié aux éditions Plon 

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