Un logement sur cinq inoccupé à Paris ? Petit fact-checking avant de se précipiter dans de nouvelles taxes et réglementations <!-- --> | Atlantico.fr
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Un couple consulte des annonces dans une agence immobilière.
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©AFP / Gaizka IROZ

Appartements vides

Selon une étude de l'Apur, près de 19 % des logements seraient inoccupés à Paris d'après les dernières données du recensement.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : A Paris, près d’un logement sur cinq (19%) est un logement inoccupé, soit 262 000 logements, selon les dernières données du recensement et d’après une étude de l’Apur. Parmi ces logements inoccupés, on distingue les logements vacants (9%) ainsi que les résidences secondaires et logements occasionnels (10%), vides la majorité de l’année. Entre 2011 et 2020, la part de logements inoccupés augmenterait fortement, aggravant les tensions sur le parc de logements et entraînant une baisse de la population parisienne. Ces chiffres sont-ils fiables ? Quelles sont les spécificités du marché de l’immobilier à Paris qui transparaissent à travers ces chiffres sur les logements inoccupés par rapport aux résidences secondaires notamment ?

Charles Reviens : L'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), structure dont les partenaires et soutiens sont publics (ville de Paris, Etat, grandes entreprises publiques) vient effectivement de publier une étude sur les « logements inoccupés » dans la capitale.

Ce concept de « logement inoccupé » n’est pas une catégorie statistique de l’INSEE mais additionne trois types de logements : les logements vacants, les résidences secondaires et les logements occasionnels (logements utilisés occasionnellement pour des raisons professionnelles). Donc ce qui est évoqué dans l’étude APUR concerne tous les logements qui ne sont pas des résidences principales et sont donc soit totalement inoccupés (logements vacants) soit à temps partiel (résidences secondaires et logements occasionnels).

L’évolution est très différente suivant les catégories. Il n’y a aucune évolution majeure concernant les logements vacants depuis 40 voire 50 ans. Ici le phénomène majeur est la vacance frictionnelle (7,9% sur un total de 9,2 %) liée à un taux de rotation des logements particulièrement élevé (un emménagement pour 7 logements parisien chaque année).

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Il y a en revanche sur les dernières décennies une augmentation très forte du nombre des résidences secondaires et des logements occasionnels. C’est cela le fait majeur mais ces logements ne sont pas inoccupés mais occupés à temps partiel seulement, en lien avec l’attractivité touristique de Paris et le développement du télétravail.

Donc le vrai enjeu concerne les logements occupés ou inoccupés à temps partiel. On constate en outre une concentration du phénomène d’occupation sur la centre et l’Ouest de Paris : Paris Centre, 6ème et 7ème et 8ème arrondissement.

L’étude ne montre-t-elle pas que Paris se situe paradoxalement dans la moyenne des autres grandes villes françaises étudiées concernant les logements inoccupés ?

Alors que Paris se situait en dessous de la moyenne nationale pour les logements inoccupés, elle a désormais légèrement dépassé la moyenne nationale à 19 %.

En revanche il a une différence forte sur les résidences secondaires et les logements occasionnels par rapport à la moyenne des 23 grandes villes françaises : 10 % des logements à Paris contre 6 % au total mais seulement 3 % à Marseille et 5 % à Lyon. Cela conduit à une proposition de logements qui ne sont pas des résidences principales plus forte à Marseille (89 %) ou Lyon (87%) qu’à Paris (81 %).

De quelle manière les pouvoirs publics peuvent-ils lutter contre ce phénomène de logements inoccupés ? Existe-t-il un « gisement » de logements inoccupés qui pourraient revenir vers un usage d’habitation à l’année ?

Il n’y a pas de réelle spécificité parisienne sur les logements vacants et le sujet concerne les logements partiellement occupés via l’occupation occasionnelle ou la résidence secondaire. Une réalité de base tient d’une part au centralisme français qui fait de Paris la capitale politique et économique et d’autre part à ce que Paris constitue une destination touristique majeure mondiale, la location court terme de type AirBnB complétant l’offre hôtelière.

L’étude APUR considère que la faible proportion de résidences principales est un problème en soi et liste à cette fin différentes pistes d’action avec essentiellement des solutions administratives (documents d’urbanisme protégeant non seulement les logements mais leur usage comme résidences principales) ou répressives (augmentation de la fiscalité, meilleur contrôle des locations touristiques). Ces solutions existent déjà (taxe sur les logements vacants, limitation de la taxe d’habitation aux résidences secondaires…). L’étude n’oublie pas l’augmentation du logement social ou public alors même que la ville de Paris (partenaire de l’APUR) affiche déjà le projet d’atteindre 40 % de logements sociaux ou abordables dans la capitale en 2035.

Il faut noter que la France ne met en œuvre aucun dispositif d’encadrement de l’achat d’immobilier par des ressortissants étrangers ou des non-résidents, alors que de tels dispositifs, qui refroidiraient nécessairement l’acquisition de résidences secondaires à Paris, existent notamment au Danemark, en Suisse, à Hong Kong, en Nouvelle Zélande ou au Canada. Il n’est pas exclu que de nombreux étranger détiennent des résidences secondaires à Paris d’où un impact probablement puissant d’une telle mesure.

Au regard de ces chiffres et de cette étude, la reconquête des logements inoccupés n’a-t-elle pratiquement aucune chance d’avoir un effet significatif sur les problèmes de logement parisiens ?Faudrait-il autoriser les propriétaires de résidences secondaires et autres logements occasionnels à les louer sur le marché destiné aux touristes ?

Guillaume Nicoulaud a analysé l’étude APUR et considère que la seule stratégie qui aurait un vrai potentiel consisterait à autoriser les propriétaires de résidences secondaires et logements occasionnels à les louer sur le marché destiné aux touristes. Cela aurait peut-être un effet pour soulager la demande par la rationalisation de l’offre en réduisant le taux de non-occupation des logements qui ne sont pas des résidences principales.

De façon générale, il ne me semble pas que la « reconquête des logement inoccupés », dans les faits et selon l’APUR celle des résidences secondaires et logements occasionnels, soit le seul ou même le principal problème du logement à Paris. Il y a d’autres problèmes structurants : le niveau des prix (il faut à un ménage un revenu de 220 000 euros pour acheter un logement de 80 m2…) et la divergence totale des loyers entre le parc locatif social croissant et le parc locatif privé.

La décentralisation pourrait-elle permettre de réduire les problèmes de logement dans la capitale ?

La décentralisation de fait (localisation des activités économiques et sociales hors de la région capitale) conduirait effectivement à réduire la pression sur la demande dans la capitale et soulagerait probablement les problèmes de logement parisiens dans tous leurs dimensions. Mais la France a depuis les années 1980 abandonné à peu près totalement ses ambitions et ses politiques publiques dans le domaine de l’aménagement du territoire.

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