Ukraine : quelle porte de sortie offrir à Vladimir Poutine pour éviter une fuite en avant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président russe Vladimir Poutine assiste à une réunion au Kremlin, le 2 mars 2022.
Le président russe Vladimir Poutine assiste à une réunion au Kremlin, le 2 mars 2022.
©Mikhail Klimentyev / SPUTNIK / AFP

Diplomatie

Alors que les sanctions économiques se multiplient contre la Russie, de nouveaux pourparlers sont prévus ce jeudi. Quelles sont les solutions diplomatiques pour l'Occident et la Russie afin de mettre fin au conflit ?

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : L'offensive de Vladimir Poutine semble se dérouler plus mal que prévu. Surtout, les sanctions imposées à la Russie, même si elle s'y était préparée, sont d'une ampleur considérable. Sans être complaisant avec Vladimir Poutine, quelle est l'importance de lui offrir une porte de sortie ?

Michael Lambert : Au vu des récentes déclarations du président russe Vladimir Poutine et du ministère russe des Affaires étrangères, les sanctions ne semblent pas être une préoccupation majeure pour le Kremlin, ce qui amène l'Occident à réaliser que l'option militaire est la seule plausible pour endiguer l'invasion russe en Ukraine. L'option militaire s'impose aussi et ce afin de prévenir de la possibilité d'un débordement du conflit en Transnistrie et en Moldavie.

Aucune issue ne semble possible, mais dans la mesure où la politique de Poutine est fluctuante, il serait pertinent de lui proposer comme porte de sortie la reconnaissance de la Crimée comme partie de la Fédération, des territoires de la République populaire de Donetsk, de la République populaire de Lougansk comme deux pays indépendants. Il faudrait également accepter la création d'une zone tampon entre ces républiques et (le reste de) l'Ukraine, le retrait des velléités de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN et l'UE et accepter son intégration dans l'Union économique eurasiatique. En contrepartie, la Russie cesserait les hostilités et accepterait de se retirer du territoire.

Si le président russe se sent acculé, quel est le risque d'une fuite en avant et d'une escalade ?

Pour l'instant, le président russe ne se sent pas acculé dans la mesure où il a l'avantage militaire. Qui plus est, la Chine accepte d'acheter une partie de ses exportations en blé et en hydrocarbures, ce qui compense les pertes occidentales. En conséquence, c'est une progression du conflit vers la Transnistrie et la Moldavie (avec le soutien de la Gagaouzie) qui est en passe de devenir un thème central. 

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Néanmoins, Vladimir Poutine s'est empressé de mettre en avant l'option nucléaire, sur laquelle il se sait désormais en position de force grâce à ses missiles hypersoniques plus difficiles, voire impossibles, à intercepter par les systèmes de défense occidentaux.

En cas de lourdes pertes militaires pour la Russie, ou dans le cas d'une ingérence d'un pays tiers en Ukraine, la possibilité d'utiliser une arme nucléaire sur une base militaire ukrainienne et dans une zone où il y a peu de civils, n'est donc pas à exclure. Dans la conception de Vladimir Poutine, une telle action serait similaire à celle des Etats-Unis avec Hiroshima et Nagasaki. Cette option reste hypothétique et n'est évoquée que par quelques spécialistes.

Pour éviter cela, une résolution "diplomatique" avec un compromis est-elle la solution ?Comment trouver une solution qui serait acceptable à la fois pour la Russie et l'Occident ?

À ce jour, aucune option ne semble être sur la table. La possibilité d'une résolution diplomatique semble exclue car la Russie ne paraît pas prête à faire marche arrière parce qu'elle a gagné du terrain en Ukraine. De surcroît, l'assouplissement des sanctions occidentales, qui touchent surtout les plusmodestes en Russie, n'est plus envisageable car cela enverrait au Kremlin le message selon lequel l'Occident poursuit une politique bancale. La Russie avait déjà été exclue du Conseil de l'Europe à la suite de son invasion de la Crimée, avant d'être réadmise quelques années plus tard. Le Kremlin pense donc que les sanctions ne sont que temporaires, y renoncer ou accepter un compromis reviendrait à dire à Moscou qu'elle peut tout entreprendre.

J'ajouterais qu'au lieu de sanctions coûteuses pour les citoyens tant en Occident qu'en Russie, et qui n'ont pas convaincu Poutine, l'option militaire dès le début du conflit semblait plus cohérente. Il n'y a aucune raison qui justifie que nous envoyions nos armées et des soldats mourir sur d'autres continents, en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Mali, et pas sur le nôtre en Ukraine.

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Les demandes de la Russie sont substantielles : reconnaissance de la Crimée comme faisant partie de la Fédération, des deux républiques du Donbass, création d'une zone tampon, et réduction des sanctions économiques. C'est tout simplement inenvisageable pour la simple raison que le Kremlin attendrait quelques années avant de reproduire ce mode opératoire en Transnistrie. De plus, cela donnerait de mauvaises idées à d'autres pays qui ont des différends territoriaux et qui pourraient envisager de recourir à la force pour les régler. On pense bien sûr à la Chine avec Taïwan, mais aussi à la Serbie avec le Kosovo.

Une idée à creuser serait la reconnaissance de l'Abkhazie, tout en écartant la perspective de reconnaître les territoires du Donbass et la Crimée. En effet, l'Abkhazie n'a rien à voir avec les territoires de l'Ossétie du Sud, de la Transnistrie, du Donbass et de la Crimée, et est la seule de ces régions qui souhaite réellement devenir un pays sur la base de la Convention de Montevideo (1933). Toutefois, proposer la reconnaissance de l'Abkhazie en échange d'un retrait des troupes russes d'Ukraine semble désuet.

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