Trump, la gaffe de trop… ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Plutôt que d’ignorer les attaques de M. Khan, qui auraient été noyées dans le flot d’invectives dont Trump fut l’objet pendant la convention démocrate, il les avaient relevées et leur avait donné une résonance démesurée. Double erreur tactique.
Plutôt que d’ignorer les attaques de M. Khan, qui auraient été noyées dans le flot d’invectives dont Trump fut l’objet pendant la convention démocrate, il les avaient relevées et leur avait donné une résonance démesurée. Double erreur tactique.
©Reuters

Trans-amérique Express

En s’en prenant aux parents musulmans d’un soldat américain mort en Irak, Donald Trump a peut-être commis la gaffe de trop ? L’incident a déstabilisé sa campagne. Hillary est plus que jamais favorite. Mais il reste cent jours avant le vote.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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C’est l’incident que tout le monde attendait mais auquel on avait presque cessé de croire : la gaffe de trop, celle dont on ne se relève peut-être pas! L’équivalent du commentaire de Mitt Romney sur les « 47% d’Américains auxquels il ne s’intéressait pas » en 2012… Donald Trump vient de se laisser emporter dans une joute verbale aussi vaine qu’inutile qui a réveillé les pires doutes sur sa personne et son aptitude à être président des Etats-Unis.

Dès l’annonce de sa candidature présidentielle le 16 juin 2015, les observateurs avaient souligné que Donald Trump était son propre pire ennemi. Ses outrances verbales allaient inévitablement lui nuire. Elles lui ôtaient toute chance de voir sa campagne couronnée de succès. Sa chute était écrite. 

Mais jour après jour ses outrances se succédaient sans jamais entraver son inexorable marche vers la nomination. Il y avait d’abord eu une attaque en règle contre les immigrants mexicains, « voleurs, violeurs, et trafiquants de drogue ». Il y avait eu un règlement de compte avec John Mc Cain, ancien combattant de la guerre du Vietnam, et candidat présidentiel en 2008, qualifié de « perdant » pour avoir été fait prisonnier. Il y avait eu une altercation avec Carli Fiorina, candidate à la nomination comme lui, où il avait critiqué son physique et afficher son mépris pour toutes les femmes ne correspondant pas à ses canons de beauté. Il y avait eu sa proposition – largement inapplicable - d’interdire l’entrée sur le territoire américain à tous les musulmans. Et il y en avait encore bien d’autres… Mais rien n’y avait fait. Trump déjouait tous les pronostics et défiait toutes les lois de la politique. Il substituait l’insulte rageuse à l’argument raisonné sans être sanctionnée par l’opinion. Au contraire, plus ses propos étaient excessifs, voire insensés, plus il grimpait dans les sondages et plus il remportait de primaires..jusqu'à sa nomination triomphale à Cleveland au soir du 21 juillet.

Donald Trump avait alors articulé une vision cohérente de son Amérique et de sa présidence, en même temps qu’une critique légitime de l’administration « Obama-Clinton ». Et puis il y eut cette joute bizarre et inutile qui a gâché son week-end et déstabilisé sa campagne.

Rappel des faits. Au dernier soir de la convention démocrate, le 28 juillet, quelques minutes avant le discours, très attendu, d’Hillary Clinton, Khirz Khan, un Américain d’origine pakistanaise, père d’un soldat tué en Iraq en 2004, prit la parole à la tribune. Avec son épouse, silencieuse et voilée, à ses côtés, il affirma sa « loyauté sans faille » aux Etats-Unis, en tant que « musulman et patriote ». Et il s’en prit à Donald Trump, l’accusant de bafouer la Constitution par ses propos et d’ignorer le sens du « sacrifice patriotique », alors que lui-même avait donné son fils pour la défense des valeurs américaines… Son intervention, chargée d’émotion, et saluée par une« standing ovation » fut un grand moment de politique spectacle, une célébration de la diversité américaine, une communion de la salle et du pays par-delà les divisions ethniques ou religieuses. Ce moment dura à peine six minutes. Et fut presque oublié quand Chelsea Clinton prit la parole pour présenter sa mère…

Dans les heures qui suivirent, toutefois, par Twitter interposé, Donald Trump s’en prit personnellement à Khirz Khan. « J’ai fait l’objet d’une « attaque vicieuse » de la part de M. Khan. N’ai-je pas le droit de me défendre ? Hillary a voté « pour » la guerre en Irak, moi j’étais contre. »« Le Capitaine Khan tué il y a douze ans était bien un héros, mais il s’agit à présent de la « terreur islamique radicale » et de l’incapacité de nos dirigeants à la juguler. »

Dans la foulée M. Khan se voyait invité sur tous les plateaux télés, répétant à loisir ses accusations contre Donald Trump, qui se fendait d’une nouvelle volée de tweets rageurs.

Résultat : quatre jours après ses six minutes d’antenne, la joute entre M. Khan et Donald Trump faisait toujours la une des journaux. Avec comme grand vainqueur le digne intervenant démocrate, et comme grand vaincu Donald Trump. Le candidat républicain se voyait critiqué sur le fond, car l’intervention de M. Khan avait démontré combien ses propos, assimilant tous les musulmans à des terroristes, étaient abusifs. Ce qui était le but de la manoeuvre. Mais Trump se voyait surtout critiqué sur la forme, et cela au sein de son propre camp, pour sa très mauvaise gestion de l’affaire. Plutôt que d’ignorer les attaques de M. Khan, qui auraient été noyées dans le flot d’invectives dont Trump fut l’objet pendant la convention démocrate, il les avaient relevées et leur avait donné une résonance démesurée. Double erreur tactique. Un, son comportement illustrait, à nouveau si nécessaire, l’étendue de son narcissisme et de sa susceptibilité. Deux, et encore plus grave, cela remettait en question sa capacité même à occuper la Maison Blanche. Car Trump venait de démontrer qu’il n’avait pas le sang-froid nécessaire à la fonction. En politique il faut savoir ignorer certaines critiques. Savoir encaisser et se taire. Il faut avoir la peau dure et non pas les émotions à fleur de peau. L’impétuosité d’un Trump pourrait avoir des conséquences désastreuses, s’il parvenait aux affaires … Or les Démocrates venaient de passer quatre soirées à dénoncer Donald Trump comme à la fois indigne et incapable d’être président…

L’affaire Khan a également réveillé les doutes d’une partie du camp républicain. Trump n’a toujours pas réussi à rallier l’aile conservatrice. Et ceux que sa personne révulsent ne se gênent plus pour le dire. En quelques jours, côté républicain l’optimisme né de la convention de Cleveland a fait place au défaitisme et au fatalisme.

Pourtant la campagne ne fait que commencer. Les interventions de Bernie Sanders et Elizabeth Warren lors de la convention démocrate ont souligné que tout n’allait pas si bien que cela dans l’Amérique de Barack Obama. En dépit de ce que le président a affirmé lui-même à cette même tribune quelques heures plus tard… Les Républicains ne sont pas non plus à court d’arguments contre Hillary Clinton.

Mais tant que Donald Trump sera le sujet du débat, au lieu d’en être l’acteur, ils n’auront aucune chance de les faire entendre.

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