Transition écologique : sur une échelle de 1 à 10, quelle efficacité attendre de la planification étatique qu’entend renforcer Emmanuel Macron…?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron visite le parc éolien offshore de Saint-Nazaire, au large de la péninsule de Guérande, le 22 septembre 2022.
Emmanuel Macron visite le parc éolien offshore de Saint-Nazaire, au large de la péninsule de Guérande, le 22 septembre 2022.
©STEPHANE MAHE / POOL / AFP

Environnement et industrie

Au regard des expériences passées de l’Etat comme de la qualité des ressources humaines actuelles parmi les « planificateurs » que peut-on raisonnablement prédire ?

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Atlantico : Lors d’un entretien sur TF1 et France 2, ce lundi, Emmanuel Macron a annoncé que la stratégie complète de la planification écologique sera présentée "à la fin de l'été". "On va demander aux agriculteurs, aux industriels, à nos compatriotes, aux collectivités, à l'Etat d'avoir des objectifs. On sera la 1ère nation à se les donner secteur par secteur", a-t-il ajouté. Au regard des expériences passées de l’Etat comme de la qualité des ressources humaines actuelles parmi les « planificateurs », que peut-on raisonnablement prédire ? L’État a-t-il les ressources suffisantes pour mener à bien un tel projet ? 

Loïk Le Floch-Prigent : Le concept de « planification écologique » est difficile à comprendre ! La « stratégie » de la planification écologique est encore plus complexe, quant à se donner des objectifs « secteur par secteur » complètement contradictoire à l’existence même de l’écologie. Ce sont donc des mots, de jolis mots, mis les uns à la suite des autres qui rappellent l’abus du « en même temps » qui ravage depuis des années notre pays et son économie.

La planification est parfaitement compréhensible, on étale dans le temps les actions à mener pour satisfaire un objectif. Les entreprises ou les pays définissent ainsi des objectifs pluri-annuels en préparant les modalités d’action étape par étape et les financements qui les permettent.

L’écologie c’est l’étude du vivant et de toutes les interactions qui peuvent permettre son existence et sa pérennité, c’est donc contradictoire à une planification. Avec l’écologie on ouvre tous les possibles et on cherche à préserver, la planification simplifie et concentre à la fois l’attention et les moyens.

Avec « planification écologique » on a donc créé un monstre verbal qui peut satisfaire une politique de communication mais qui s’éloigne délibérément de la science et de la raison d’être de l’écologie.

Cette contradiction explose lors de l’idée de travailler secteur par secteur alors que l’écologie veut démontrer que tout est dans tout et réciproquement. Le propos n’est donc pas sérieux, ce qui ne veut pas dire qu’il ne va pas avoir du succès et donner lieu à conventions, colloques et financements , mais la précision des actions entreprises viendra faire mentir quotidiennement l’ambition affichée.

Au-delà des mots on cherche ici à cacher l’échec d’une politique en changeant de décor et d’objectifs. « la réalité m’indispose, regardons ailleurs «, parlons d’écologie !

L’idée d’une planification qui part des intéressés eux-mêmes et non des technocrates est l’idée maitresse d’une planification réussie , les forces vives de la nation s’entendent sur des objectifs et regardent à moyen et long terme comment ils peuvent y parvenir, c’est ainsi que l’on rebâtit, que l’on reconstruit, que l’on engage positivement l’avenir. C’est ainsi que la France de 1945 puis celle de 1958 s’est donnée des ambitions et des moyens et dans l’état où est le pays aujourd’hui c’est bien ce qu’il faut faire , nous sommes en désindustrialisation massive et en voie de paupérisation , cet élan de la planification est nécessaire, une vision , un cap , et un accord consensuel sur les moyens à mettre en œuvre. Mais y accoler le terme écologie est illusoire car le retour à la prospérité nécessitera des compromis que la science écologique n’aimera pas toujours ! C’est en grande partie le code de l’environnement qui a fait fuir l’industrie française, c’est l’application aveugle du concept de décarbonation qui nous jette dans les bras de l’industrie  chinoise ! Il faut réconcilier écologie et croissance et donc prospérité et respect de l’environnement, et ce travail de recherche de consensus ne pourra être efficace que si l’ensemble de la population refuse d’entretenir le déni de réalité : notre pays va mal, il faut le redresser.

L’Etat dans son organisation actuelle n’a pas les moyens humains d’organiser un tel chantier, c’est aux forces vives de la nation, en particulier les entreprises de se saisir d’un grand projet national de redressement du pays et malheureusement les organes dits « représentatifs » ne représentent plus grand-chose, il faut replonger dans le vivier réel et motiver des personnes qui se sont éloignées depuis longtemps des palais Républicains . Scientifiques de valeur, techniciens de talents et industriels dynamiques existent, mais ils se sont éloignés du monde « officiel ».  

Sur l’industrie, l’énergie ou en matière d’environnement, quels sont les plus grands exemples de planifications mis en place depuis 1945 ? 

Il y a eu trois grandes périodes de reconstruction en France, 1926, 1945 et 1958 . Avec toujours les mêmes ingrédients, une mobilisation de l’épargne, une volonté de l’Etat s’appuyant sur des entreprises dynamiques et prenant des risques.

On a voulu l’énergie abondante, bon marché et souveraine, une industrie florissante et nous les avons obtenues. Ce sont les restes de ces périodes sur lesquels nous survivons, mais nous avons abandonné depuis la vision, le long terme, le gout du risque et le respect du aux grands capitaines d’industrie en y incluant les financiers talentueux et dynamiques.

L’industrie ferroviaire, l’industrie hydraulique, l’industrie nucléaire, l’industrie aéronautique, l’industrie navale, les grandes infrastructures nationales ont leur origine dans des génies précurseurs qui ont su mobiliser l’épargne privée et les grands commis de l’Etat pour parvenir à l’objectif de prospérité national avec des initiatives locales fabuleuses , dans le Nord, en Alsace, en Vendée, en région Lyonnaise et Grenobloise…La France était une ruche avec quelques phares comme nos TGV, le Concorde , les Centrales nucléaires , c’est-à-dire des produits structurant à la fois l’espace et l’avenir. Nous avons perdu ce gout pour les grandes choses, pour le bien commun structuré par les grands services publics électricité, gaz, transports, santé, écoles…

C’est la vision qui définit l’action et quand la vision disparait il n’y a plus que la médiocrité des petits intérêts rabougris… nous y sommes ! Mais ce n’est pas l’existence d’un organisme étatique au rôle ronflant qui va changer la donne, c’est la volonté du peuple de se redresser !   

Quels ont été les résultats de ces projets ? Qu'est-ce qui a marché et qu'est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Le Paquebot France, le Concorde et le Plan Calcul n’ont pas été des succès économiques et on a beaucoup moqué les dépenses associées. Mais ils démontraient la volonté de réaliser des actions collectives techniquement risquées et aventureuses , ils étaient la fierté de la Nation et ont eu des retombées très positives sur l’ensemble du tissu industriel. On n’a pas à regretter le création du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) ou celle du Centre National d’Etudes spatiales (CNES), nous avions de l’ambition et il fallait en avoir. Beaucoup des groupes industriels qui nous font encore vivre sont enfants de cette vision magistrale de quelques scientifiques, techniciens, industriels et hommes politiques, et, par ailleurs regardons tout ce qui a marché en ferroviaire, énergie, aéronautique,automobile, pharmacie, vaccins, chimie, métallurgie qui ont fait la grandeur du pays et ont maintenu jusqu’à une période récente sa prospérité. Mais cela se fait avec des hommes et des femmes qui y croient, qui pensent que leur pays est beau, et qu’il contient des richesses essentielles en particulier humaines. Un pays qui n’a pas peur !

Sur une échelle de 1 à 10, quelle efficacité attendre de la planification étatique qu’entend renforcer Emmanuel Macron ?

Zéro ce n’est plus à l’Etat de faire, c’est à l’Etat de ne plus » empêcher » ceux qui veulent agir. Nos lois, puis nos normes et règlements contraignent, sanctionnent, punissent, sans grandeur, sans ambition, sans efficacité. Libérons la liberté d’entreprendre, redonnons le gout du risque, réhabilitons les aventures humaines scientifiques, techniques et industrielles, il est temps encore, les forces vives du pays sont prêtes.

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