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Traitements contre la Covid-19 : une licorne de la bio-tech américaine fait une échappée dans le marathon des vaccins
©Maddie Meyer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Réponse immunitaire

L’entreprise Moderna vient d’annoncer une nouvelle piste de vaccin. Le laboratoire américain Moderna a dévoilé ce lundi des "données intérimaires positives" de la phase initiale des essais cliniques de son projet de vaccin contre la Covid-19.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Après le report des Jeux olympiques de Tokyo par le CIO et les instances japonaises à cause du coronavirus, nous allons être privés, cet été, de courses, de concours mais pas de compétition. Celle qui s’annonce est grandiose. Tous les laboratoires de recherche du monde, toutes les entreprises qui ont un savoir faire dans les traitements antiviraux sont depuis janvier dans l'entraînement final et plusieurs épreuves ont déjà commencé. Le virus ne peut pas le savoir mais il a réveillé un incroyable effort de recherche et de développement. L’objectif c’est de bloquer le SARS-CoV-2.

Les vaccins une réponse redoutable mais compliquée

Une des plus grande chance qu’un vaccin ayant une efficacité au moins sur l’immunité de groupe soit trouvé est le nombre de projets. Il y aurait plus de 90 projets de vaccins dans le monde. Six groupes de chercheurs ont franchi l’étape humaine en injectant le vaccin à des volontaires.

L’entrée du virus

Le virus SARS-CoV-2 pénètre dans les voies respiratoires supérieures en suspension dans des gouttelettes ou des aérosols provenant d’un autre humain porteur asymptomatique ou malade. Il peut aussi arriver par contact des muqueuses du nez avec une main portant des particules virales. Une fois sur place il s’attache spécifiquement à un récepteur l’enzyme ACE2 présent à la surface de ces cellules. Le SARS-CoV-2 s’attache très solidement à ce récepteur car il présente une caractéristique fonctionnelle particulière par rapport à SARS-CoV-1 l’agent du SARS de 2003. J’ajoute qu’il y a de nombreux récepteurs ACE2 à la surface des cellules de la muqueuse de l’arbre respiratoire mais aussi d’autres tissus.  Ensuite très simplement le virus utilise la cellule et ses capacités de synthèse à son profit pour se répliquer.  Une fois répliquées les particules virales sortent de la cellule et ainsi de suite.

La réponse immunitaire est d’abord locale

Les particules virales entraînent une réponse classique, le virus est absorbé par une cellule présentatrice d'antigène ou CPA (en anglais, antigen-presenting cell ou APC). Il peut s'agir de monocytes, de macrophages, de lymphocytes B ou de cellules dendritiques. Cette cellule du système immunitaire présente des parties d'éléments du virus à des lymphocytes T appelés T helper. Ce lymphocyte T helper coopère avec deux autres groupes de cellules immunitaires qui amplifient la réponse. La double réponse, humorale (des anticorps neutralisent le virus) ou cellulaire (des lymphocytes détruisent les cellules infectées) est initiée.

Les vaccins à ARN messager

Il y a plusieurs types de vaccins. Le plus ancien est le vaccin atténué ou inactivé. C'est-à-dire l'injection d'un virus modifié capable d'entraîner une réponse immunitaire. La particularité du vaccin de Moderna est qu'il est constitué d'un fragment d’ARN, copie d’un gène de l'acide nucléique du virus, encapsulé dans une particule lipidique. C’est en quelque sorte le cœur de l’innovation de la firme depuis des années dans d’autres domaines comme le cancer. D’autres firmes développent des vaccins à ARN messager. L’ARN messager est injecté en sous cutané. Il pénètre dans les cellules en contact  aussitôt injecté grâce à son encapsulation lipidique et il utilise les usines à protéines de la cellule appelées ribosome. Cet ARN messager est le code génétique d’une protéine virale choisie comme antigénique. Ces protéines virales sont ensuite libérées de la cellule et se trouvent exposées au système immunitaire. Une réponse est initiée. C'est un système vaccinal très sûr puisqu'il n'y a pas de virus entier et d'autre part que la protéine fabriquée par la cellule est exactement celle du virus.

Les résultats de l’ARN messager 1273 (ARNm-1273)

C’est l’ARN messager de cet essai de phase 1. Moderna vient d’annoncer que les 8 premiers volontaires humains ont bien déclenché une réponse immune mesurable par des anticorps circulants après l'injection de l’ARNm-1273 encapsulé. Ces données provisoires de phase 1 semblent démontrer que la vaccination avec l'ARNm-1273 induit une réponse immunitaire de l'ampleur causée par l’infection naturelle. D’autre part chez la souris ce même ARNm-1273 est capable d’induire la production d’anticorps et de bloquer la réplication virale dans les poumons. Ces résultats représentent les premières données positives sur les essais humains d'un vaccin Covid-19, et renforce la confiance dans l’hypothèse que l'industrie pharmaceutique sera en mesure de produire un vaccin et de le rendre disponible.

Autre élément, aucun événement indésirable grave n'a été signalé dans la phase post vaccination de ces volontaires. La société annonce maintenant qu'elle commencera l'essai de phase 3 du vaccin en juillet. Moderna espère avoir des doses prêtes pour une autorisation d'utilisation d'urgence à l'automne. Pour autant il y a des incertitudes. La plus importante est que jamais un vaccin de ce type n’a été commercialisé. D’autre part il faut s’assurer que cette immunité est bien neutralisante c’est à dire que les vaccinés ne font pas la maladie. Enfin il faudra ensuite envisager les contraintes de production d’un nombre important de doses en sachant qu’il faut apparemment deux injections.

Au delà de l’efficacité, les différences entre les vaccins peuvent être des avancées

Plusieurs questions se posent. Il faut avoir à l’esprit la complexité de la situation des populations humaines face à l’épidémie. Âge, comorbidités, ethnicité sont des facteurs qui sont associés à un risque de forme grave et une mortalité  différents. Est-ce que le vaccin permet aux gens qui se seraient rétablis de toute façon de le faire plus rapidement voire de ne pas présenter de symptômes? Le vaccin diminue-t-il le risque de faire une forme sévère malgré l'immuno sénescence?  Le vaccin fonctionne-t-il mieux chez les jeunes ou les personnes âgées? L’immunité vaccinale dure-t-elle?

Les externalités positives de ces recherches

Il y a plusieurs externalités positives comme l’augmentation de l’investissement dans les entreprises qui ont des solutions innovantes ou bien la diminution des contraintes excessives qui pèsent sur la recherche scientifique dans le monde. Les avocats de plus de régulation ont abouti ces dernières années non pas à rendre cette recherche plus sûre, ni plus efficace mais à bloquer l’innovation. C’est surtout vrai en Europe mais aussi aux USA. Il y a un débat autour du futur des procédures actuelles de la FDA pour accélérer la validation des recherches et mettre rapidement sur le marché des vaccins pour sauver des vies. Ces procédures seront elles pérennisées par cette pandémie? C’est possible. Le seront elles partout? C’est peu probable. En réalité ce qui se passe est inédit. C’est surtout une accélération des processus bureaucratiques qui entourent la recherche et le développement qui est observé. Et du côté des entreprises ou des groupes de recherche on assiste à une intensification des expériences dans le temps et l’espace, par des coopérations et un fonctionnement continu des laboratoires.

Qu’il s’agisse des antiviraux, des vaccins, des immunomodulateurs ou bien des techniques de réanimation nous progressons. Cette réponse multifactorielle, étape par étape et plutôt par des avancées modestes recèle la probabilité la plus élevée de diminuer la mortalité de la Covid-19.

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