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Trahison en direct ? Pourquoi l'appel de Donald Trump aux Russes pour qu'ils piratent les Etats-Unis pourrait être considéré comme un crime par la justice
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THE DAILY BEAST MAISON BLANCHE 2016

Le candidat républicain dit tout et n'importe quoi. Mais cette fois, appeler à commettre un délit pourrait entraîner des poursuites si le ministère de la Justice américain souhaite aller jusque-là.

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef est journaliste au Daily Beast

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par Nancy A. Youssef - Copyright the Daily Beast (traduit par Gilles Klein) 

Le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, a-t-il appellé à commettre un délit ? Mercredi, il a invité un gouvernement étranger à pirater un citoyen américain et à diffuser ses emails personnels.

"Russie, si tu m'écoute, j'espère que tu seras capable de retrouver les 30 000 emails qui manquent" parmi les emails qu'Hillary Clinton a remis au State Department (Ministère des Affaires étrangères) a déclaré Trump lors d'une conférence de presse à Doal, en Floride. "Je pense que tu seras grandement remerciée par notre presse. Voyons si cela se produit. Et très vite. Oui, monsieur."

Trump a lui-même des intérêts financiers en Russie. Il a aussi fait des éloges sur le président Vladimir Poutine et déclaré que si la Russie envahissait un des pays européens membres de l'OTAN, les Etats-Unis ne devraient pas forcément venir à leur secours. Trump faisait référence aux emails du serveur personnel de Hillary Clinton, qu'elle n'a pas remis au département d'Etat parce qu'elle considérait qu'ils relevaient de sa vie privée.

Trump a fait ce commentaire incendaire après le vol et la diffusion des emails de la Commission nationale démocrate (DNC) une opération qui a été, comme le Daily Beast a été le premier à le révéler, conduite par le gouvernement russe selon des officiels américains, et qui pourrait avoir pour but d'aider Trump dans les sondages en Amérique.

Quelques minutes plus tard, le vice président choisi par Trump s'il gagne l'élection, Mike Pence, a contredit le candidat, appellant la Russie à rendre des comptes si elle est impliquée dans le piratage de la DNC. Les emails piratés ont été publiés par Wikileaks la semaine dernière, et certains experts en sécurité pensent que ces emails ont été fournis à Wikileaks par un agent du gouvernement russe. Pence a aussi publié une déclaration indiquant que si la Russie intervenait dans l'élection américaine, il "pouvait garantir que les deux partis américains et le gouvernement des Etats-Unis s'assureraient que cela ait de sérieuses conséquences".

Les alliés de Trump ont eu du mal à expliquer l'appel de leur candidat à une intervention russe. Newt Gringrich, le leader républicain a dit que Trump avait simplement voulu faire une "plaisanterie".

Rudy Giulani, l'ancien maire de New York, voit les choses autrement. "Les Trump ont des liens financiers avec la Russie" a dit Giulani lors d'une conférence de presse à Philadelphie. Il a ajouté que Trump voulait que les emails soient remis au FBI. Mais ce n'est pas ce qu'a dit Trump. Dans sa déclaration, il  dit que le diffuseur des emails d'Hillary serait "salué par notre presse".

Un proche conseiller de Clinton, Jake Sullivan a rapidement condamné les propos de Trump. "C'est la première fois qu'un candidat à la présidence invite une puissance étrangère à mener une opération d'espionnage contre son adversaire politique. Ce n'est pas une hyperbole, c'est un fait qui est passé d'une question politique, à un sujet de sécurité nationale".

Adam Schiff, patron démocrate du House Intelligence Committe, a ajouté qu'appeler de ses voeux un acte illégal "montrait un catastrophique manque de réflexion."

"Alors qu'il y a tant de questions sans réponse concernant les liens entre Trump et le Kremlin, il est impératif que Trump drende publiques immédiatement ses déclarations de revenus et ses opérations financières avec le Russie" a ajouté Schiff.

Les commentaires de Trump sont politiquement explosifs. Mais il n'est pas évident qu'ils relèvent d'un appel à se lancer dans des activités illégales. Il n'a pas précisé comment la Russie ou un autre pays pourraient obtenir les emails du serveur privé d'Hillary Clinton. Et si les Russes ont déja piraté ce serveur, le crime a déja été commis. Mais la diffusion des emails volés serait, elle, un délit, disent des spécialistes.

A Washington, beaucoup savent que l'on peut toujours s'attendre à des surprises avec Trump. Mais "C'est problement la chose la plus stupide que j'ai jamais entendu de la part d'un candidat choisi par son parti" estime Bradley Moss, avocat spécialisé dans les affaires de sécurité nationale.

Moss pense qu'il y a de quoi inculper Trump, parce qu'il invite la Russie à se lancer "sans attendre dans une activité illégale" ce qui est une déclaration qui n'est pas couverte par le Premier Amendement.

Bradley Moss ajoute que Trump pourrait théoriquement être inculpé pour conspiration en vertu du Computer Fraud and Abuse Act, et risquer au maximum 10 ans de prison.

"Vous pouvez plaider que Trump invitait la Russie à pirater le serveur d'Hillary, et à en diffuser le contenu aux médias - un piratage illégal d'un serveur privé suivi d'une diffusion d'informations confidentielles".

Mais, cela ne devrait pas se produire, car le ministère de la Justice et le FBI n'ont pas envie de plonger dans "un cauchemar politique".

"D'un point de vue politique, ce n'est pas envisageable." ajoute Moss (qui représente le Daily Beast dans une procèdure demandant comment les avocats de Clinton ont trié ses emails et comment ils ont décidé ce qui était privé ou non).

Maintenant que Trump a été choisi par le parti républicain, il est susceptible de recevoir des informations confidentielles, ce qui donne des sueurs froides aux officiels des services de renseignement, vu le penchant de Trump à parler à tort et à travers.

Ce genre de déclaration pourrait limiter le volume d'informations confidentielles données au candidat Trump par les services concernés, selon les commentaires d'un officiel au Daily Beast. Trump et Clinton sont censés commencer à recevoir ce stype d'information dès la fin de cette semaine de convention de leurs partis.

Le président de la Chambre, Paul Ryan, a demandé au directeur de la National Intelligence, James Clapper, de refuser à Clinton toute information confidentielle puisqu'elle a hébergé des informations confidentielles sur 'un serveur privé. Mais Clapper a répondu que les deux candidats devaient être traités de la même manière.

Comme on le sait, le patron du FBI, James Comey, a annoncé que Clinton ne serait pas poursuivie, bien qu'il ait été possible que des gouvernements étrangers hostiles aient pu avoir accès à son compte email.

"Trump soulignait simplement que Clinton avait mitonné dans son coin son serveur personnel et qu'elle avait envoyé des emails non sécurisés depuis des pays hostiles. Sachant que le FBI a conclu que ce serveur pouvait avoir été piraté, les supporters d'Hillary sont les derniers qui devraient pouvoir nous donner des leçons en matière de cybersécurité. Ceci dit, maintenant qu'il est officiellement désigné candidat, Trump devrait tenir compte du fait que ses déclarations publiques sont analysées de près, particulièrement en matière de politique étrangère." considère Devin Nun, un autre élu.

Alors que Trump appelait à pirater les serveurs d'Hillary, certains de ses collègues républicains villipendaient le Kremlin pour le piratage des emails du parti démocrate.

"Chaque Américain, quelles que soient ses opinions politiques, doit faire face à une triste réalité. Alors que l'administration Obama nous débite des platitudes, l'agression à la soviétique de Poutine atteint un niveau inimaginable il y a encore moins d'une semaine." déclare le sénateur du Nebraska, Ben Sasse : "L'Amérique fait l'objet d'une cyberattaque. Elle doit réagir et se défendre maintenant. La Russie doit en subir les conséquences."

La faiblesse de Trump envers Poutine et ses conseillers creuse un fossé toujours plus profond au sein du parti républicain, qui, au cours des 35 dernières années, avait célébré Ronald Regan  comme le dernier combattant de la Guerre Froide face à l'expansion soviétique.  Le septicisme face aux gouvernements autoritaires, et Poutine en particulier, était un élément clé de la politique étrangère des penseurs conservateurs. Trump semble vouloir rapprocher son parti de Poutine, mais certains conservateurs s'y opposent.

Mercredi matin, le leader des républicains à la Chambre a insisté : "La Russie est une menace mondiale dirigée par un voyou. Poutine doit rester en dehors de cette élection" selon le porte-parole de Paul Ryan.

Trump a fait des déclarations en Floride, tentant de prendre ses distances avec le piratage subi par les démocrates.

"Je n'ai rien à voir avec Poutine. Je ne le connais pas" a déclaré Trump (mais ses déclarations selon lesquelles il n'aurait jamais rencontré le leader russe font l'impasse sur un rendez-vous entre les deux hommes qui a bien eu lieu).

Sans se soucier de cette évidence, Trump a dit : "Si c'est la Russie, ce qui n'est probablement pas le cas, cela montre le peu de respect qu'ils ont pour notre pays, où ils sont en mesure de s'infiltrer dans un grand parti et trouver tout ce qu'ils veulent."

Le piratage est un délit, mais chaque pays espionne régulièrement les autres. Après les révélations d''Edward Snowden, on a su que les Etats-Unis espionnaient le téléphone d'Angela Merkel, ce qui est embarassant. Qu'un Etat lance une cyberattaque est une chose, mais qu'un homme politique demande à un Etat étranger d'attaquer son adversaire dans son propre pays en est une autre.

Bien sûr, ce n'est pas la première déclaration choquante de Trump en matière de sécurité. Ceratins officiels de la Défense et du Renseignement se sont habitués à ces commentaires tonitruants quotidiens.

"Le pire dans cette affaire, c'est que cela va problemen le faire monter dans les sondages" s'exaspère un officiel de la Défense.

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