Toux et éternuements, du partage de microbes en altitude<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Toux et éternuements, du partage de microbes en altitude
©

Bonnes feuilles

Sofia Lichani rêvait d’être hôtesse de l’air. Quand elle passe les épreuves de sélection Ryanair, elle est loin d’imaginer ce qui l’attend : un recrutement en vingt minutes, un contrat précaire aux multiples clauses particulières établi via une société d’intérim, un nombre d’heures de vol délirant, une surveillance de tous les instants – le jour et parfois la nuit –, une menace permanente de licenciement… Extrait de "Bienvenue à bord ! La vie infernale d’une hôtesse de l’air low-cost", de Sofia Lichani, éditions Les Arènes (1/2)

Sofia Lichani

Sofia Lichani

Sofia Lichani est née en 1984 près de Villefranche-sur-Saône. A 22 ans, elle devient hôtesse de l'air chez Ryanair. Affectée à Shannon (Irlande), puis à Marseille, elle a porté l'uniforme pendant 55 mois, dont la moitié en tant que chef de cabine. Aujourd'hui, elle a quitté l'univers de l'aérien et travaille dans l'export. 

Voir la bio »

Beauvais-Marseille - Contagion

Les maladies contagieuses, genre grippe ou gastro-entérite, peuvent mettre tout un équipage au tapis. Or, des germes venus de loin voyagent et prolifèrent à loisir dans l’espace confiné de nos avions.

Pendant une journée bien remplie, je côtoie 756 clients en quatre vols, sans compter les bébés. Sur ce total, trop de passagers éternuent et toussent en mode asperseur, voire sèment des mouchoirs un peu partout dans la cabine, que nous devrons ensuite ramasser. Mais il y a pire.

Postée à l’entrée de l’avion pour accueillir nos clients et vérifier les cartes d’embarquement, je vois chaque jour des dizaines de personnes arriver dans une curieuse posture : une main prise par la sacoche de leur ordinateur portable ou un manteau, l’autre par une valise, ils me présentent leur ticket plié… dans la bouche. Un écarquillement d’yeux m’indique alors la localisation du billet d’avion, pourtant difficile à manquer. À moi, donc, de m’en saisir, de le déplier, et d’en déchiffrer le contenu masqué par quelques coulées de bave. Hors de question.

– Bonjour monsieur, bienvenue à bord. Pourriez-vous me présenter votre carte d’embarquement s’il vous plaît ?

Mmmmmh ! Mmmmmh !

Cette onomatopée, rappelant l’orang-outan accroché à un tronc de bananier dont il porterait le fruit dans sa gueule, signifie que la carte est là, à portée de main. Il s’agit donc, pour moi, de lever toute ambiguïté, en arborant de façon fugace un sentiment de dégoût. À cet instant, mon interlocuteur contracte la mâchoire et mord son billet. Furax, il consent à lâcher sa valise, et retrouve l’usage de l’une de ses mains, inconscient du privilège morphologique que nous partageons avec les singes et les rongeurs : disposer d’une clavicule et, par conséquent, de la capacité à nous saisir d’un objet.

Le client me tend le document humide et marqué de son empreinte buccale.

– Dépliez-le, s’il vous plaît. La réplique agace. Perdant de son mordant, mon passager souffle, assure qu’il n’a « pas la peste », mais consent à me présenter sa carte. Dans l’intervalle, j’ai perdu des secondes par poignées, alors que nous n’avons pas 20 minutes jusqu’au décollage. Le scénario peut se répéter cinquante fois à chaque embarquement. Au fil du temps, j’ai tendance à me montrer sèche, histoire de compenser ces flux de salive. Mes collègues et moi nous plaignons souvent de cette pratique des plus primaires à laquelle des films catastrophes, comme Virus ou Contagion, n’ont pas mis un terme. Hélas, je n’ai pas trouvé la parade pour y remédier. Ma solution est donc hydroalcoolique – j’en consomme des litres –, puisque Ryanair ne publiera jamais un mémo enjoignant son personnel de porter masque et gants de latex.

Extrait de "Bienvenue à bord !", de Sofia Lichani, aux éditions Les Arènes, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !