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Souriez, la prime « Total » 
est arrivée
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EDITORIAL

Le détour par la pompe à essence fera moins grimacer cinq millions de contribuables, d’après Bercy. Les frais kilométriques seront rétroactivement revalorisés de 4,6 % pour 2010. Une prime déguisée ? Décryptage.

La lecture d’une fiche de paie réserve bien des surprises aux rares salariés qui les épluchent. En vingt ans, le nombre de contributions obligatoires prélevées à la source a presque doublé. Autant de lignes en plus, à l’intitulé – et aux fonctions – souvent obscurs. Je me souviens encore d’une diplômée d’un master de Dauphine en finances internationales qui s’étonnait, sa première fiche de paie en main, du montant des charges patronales et salariales. Dont d’ailleurs elle semblait découvrir l’existence et la raison d’être du même coup, malgré ses cinq années d’études supérieures, dans une faculté réputée temple de l’économie…


Il va pourtant falloir suivre, car demain, une nouvelle ligne pourrait apparaître sur les mêmes fiches de paie. Mais, bonne nouvelle, dans la colonne « recettes ».

Je suggère qu’on la baptise « prime Total ».  Christine Lagarde et Eric Besson, respectivement ministre de l’Economie et des Finances et ministre de l’Industrie, viennent en effet de convaincre une partie des compagnies pétrolières de se laisser taxer à hauteur de 100 millions d’euros en année pleine, pour financer une nouvelle déduction fiscale (évaluée elle à 115 millions). Je croyais qu’on avait promis d’arrêter de faire des niches ? C’est manifestement bon pour les autres…

La France qui travaille et qui roule

Demain, la France qui travaille, et qui roule pour travailler, pourra déduire plus de frais kilométriques sur sa déclaration de revenus 2010. Bercy évalue à cinq millions de contribuables les bénéficiaires de cette nouvelle niche. Alléluia ! cinq millions de – plus heureux – contribuables, à douze mois des présidentielles, ça compte…

Mais qui sont-ils ? Essentiellement les professions libérales utilisant leur voiture pour travailler – infirmières indépendantes, médecins, artisans, notaires, avocats etc. Des salariés ? Peu, très peu, car pour cela, il faut payer ses impôts « au réel », c’est à dire renoncer à l’abattement forfaitaire de 10% accordé aux salariés, et déclarer tous ses frais professionnels au réel, avec justificatifs à la clef ! A priori donc, pas la France d’en bas, même si l’on sait que les infirmières indépendantes, pour ne citer qu’elles, travaillent souvent énormément pour gagner… peu.

En revanche, les millions de salariés qui prennent donc leur voiture pour aller travailler matin et soir, parce qu’ils n’ont pas d’autre solution, ne verront pas un centime de cette mesure, sauf à passer « au réel », ce que bien peu ont fait jusqu’à présent. Alors même que ce sont eux qui sont présentés dans les médias comme les principales victimes de la hausse du prix du carburant à la pompe ! La loi interdit en effet formellement à une entreprise de prendre en charge les frais de trajet domicile-travail en voiture, afin de favoriser les transports en commun. Après, parfois, on s’arrange, mais c’est risqué.

Pire encore, cette mesure va également avoir un effet délétère pour les entreprises, et évidemment en particulier les PME, dont la santé est la plus fragile. Les salariés utilisant leur voiture dans la journée pour faire des rendez-vous, et non pour venir ou rentrer chez eux, pourront donc déclarer à leur employeur des frais kilométriques gonflés de 4,6 %. Et qui va payer ? Aaaah ça, ne tournez pas les yeux du côté de Bercy. C’est bien l’entreprise et personne d’autre qui devra financer cette nouvelle prime, puisque c’en est une. Il suffit de lire les offres d’emploi pour s’en convaincre. Plus d’une annonce de VRP ou de commercial propose un fixe, un variable, et des remboursements de frais kilométriques. Et dans bien des entreprises, ces mêmes frais kilométriques, forfaitisés jusqu’à la limite acceptée par le fisc sans justificatif (soit selon les comptables, 10 000 kilomètres par an quand même), sont un réel complément de rémunération…

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