Thierry Mariani : "La suppression de la franchise sur l’aide médicale d’Etat pour les sans papiers s'inscrit dans la droite ligne de l'immigrationnisme de la gauche"<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Thierry Mariani, en moins de trois semaines, trois signes très clairs ont montré l’orientation à venir de la politique d’immigration du gouvernement de gauche. L'annonce de Marisol Touraine en fait partie.
Selon Thierry Mariani, en moins de trois semaines, trois signes très clairs ont montré l’orientation à venir de la politique d’immigration du gouvernement de gauche. L'annonce de Marisol Touraine en fait partie.
©Reuters

Démagauchie

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a annoncé lundi un projet de loi supprimant la franchise annuelle de 30 euros que doivent payer les étrangers en situation irrégulière pour bénéficier de l'Aide médicale de l'Etat. Selon Thierry Mariani, l'ancien ministre UMP des Transports, cette mesure va à l'encontre d'une véritable solidarité nationale.

Thierry Mariani

Thierry Mariani

Thierry Mariani a créé, en 2010, avec notamment les parlementaires Christian Vanneste et Lionnel Luca, le collectif de la Droite Populaire.

Il a été ministre chargé des transports dans le dernier gouvernement de Nicolas Sarkozy. 

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Atlantico : Marisol Touraine a annoncé ce lundi qu’un projet de loi serait présenté dans les jours qui viennent, visant à supprimer la franchise (de 30 euros annuels) qui est assortie à l’Aide médicale d’Etat pour les sans-papiers. Vous avez immédiatement réagi dans les colonnes du Monde, arguant que c’était « démagogique et que cela augurait mal de ce qui allait être fait en matière d’immigration illégale ». Expliquez-vous…

Thierry Mariani : Depuis que la gauche est au pouvoir, trois mesures ont été annoncées. Tout d’abord l’annonce de la suppression de cette franchise, alors que celle-ci est d’un montant ridicule de 30 euros annuels. On ne peut pas à la fois nous expliquer que la plupart des immigrés travaillent au noir et ont en réalité un travail et dans le même temps nous dire que 30 euros est un montant trop élevé. Deuxièmement, la décision de justice interdisant désormais la mise en centre de détention des familles avec enfant(s). Troisièmement, la décision de la Cour de cassation qui ne rend plus automatique, désormais, la mise en centre de rétention d’un sans-papiers. Ainsi, en moins de trois semaines, nous avons eu trois signes très clairs qui montrent l’orientation à venir de la politique d’immigration de ce gouvernement.

Cette histoire de 30 euros est purement symbolique. Il y environ 215 000 illégaux sur notre territoire. En multipliant ce chiffre par la franchise de 30 euros, on obtient 6 450 000 euros à peu près. On est d’accord sur le fait que cette somme ne va pas changer grand-chose sur les comptes sociaux de l’Etat…

Justement, lorsqu’on évoque le trou abyssal de la sécurité sociale, cette mesure, en dépit de sa faible importance économique, allait du moins dans le bon sens, celui de la logique. N’est-ce-pas indécent de supprimer cette contribution ?

C’est indécent, et c’est de la provocation symbolique. On est dans une décision purement idéologique. Je ne pense pas que pour 99% des sans-papiers qui ont droit à la totalité des soins, ces 30 euros aient été vraiment un problème. Nous sommes dans une logique d’assistanat total.

Personnellement j’ai toujours trouvé que cette franchise était insuffisante, mais elle était déjà un progrès. L’ancien gouvernement avait instauré cette franchise qui, au-delà du chiffre en lui-même, enjoignait ces sans-papiers à participer. Ce n’est pas non plus une rentrée énorme pour les comptes, mais c’était à la fois symbolique et nécessaire. Je pense que c’était un vrai premier pas. La deuxième mesure que nous avions adoptée était le décret du 17 août 2011, qui avait redéfini le panier de soin. L’AME a été créée en 2000, dans une logique d’urgence. A cette époque, elle coûtait 75 000 000, et concernait quelques dizaines de milliers de bénéficiaires. Nous sommes passés d’une logique d’urgence à une autre de libre accès aux soins.

Tout le monde est d’accord, même quand on fait partie de la droite populaire, qu’une femme en instance d’accouchement doit être prise en charge, tout comme une personne en danger imminent. De même, tout le monde est d’accord pour dire qu’une personne présentant un danger de contagion (ce que la gauche balance en permanence) nécessite des soins. Sauf que petit-à-petit, le panier de soins éligibles à l’AME a été étendu. Deux exemples marquants sont à noter : les cures thermales et l’assistance médicale à la procréation artificielle. Le décret du 17 août 2011, pris par notre majorité à l’initiative de députés de la droite populaire (notamment Dominique Tian, Claude Goasguen et moi-même) mais aussi d’un socialiste (ndlr : Christophe Sirugue), avait suscité une résistance farouche de Roselyne Bachelot, mais avait supprimé ce type de soins jusqu’ici pris en charge par l’AME, alors qu’ils n’étaient pas concernés par le caractère urgent assorti à celle-ci.

Ce n’est faire insulte à personne que de dire que pour un immigré en situation illégale dans un pays, la première des choses n’est pas de faire des enfants, par exemple.

Lorsque la majorité UMP avait fait passer ces mesures, un certain nombre d’associations s’étaient alors insurgées, invoquant notamment des arguments de santé publique ou de solidarité nationale. Retrouvez-vous cet argumentaire derrière l’actuel projet de loi ?

On ne sait plus quoi dire dans ce pays. Il est grotesque d’évoquer la solidarité nationale à propos d’étrangers sans-papiers qui ne font, par définition, pas partie de la Nation. On peut évoquer une nécessité humanitaire, mais celle-ci n’est flagrante que pour certaines maladies.

Quant à l’argument de santé publique, il est très marginal. On entend parler en permanence de maladies contagieuses, mais celles-ci ne touchent pas les 215 000 personnes qui bénéficient de l’AME. En réalité nous sommes dans une ligne « immigrationniste » selon le mot de Taguieff, où de toute façon tout ce qui touche aux immigrés doit automatiquement être pris en charge et assisté, parce que ce sont les nouveaux prolétaires.

La ligne de la gauche que vous évoquez ressemble fort à de la discrimination positive…

Absolument. Un Français ou un étranger en règle paient le forfait hospitalier, qui s’élève à 18 euros par jour environ. Si on est sans-papiers, on bénéficie de l’AME ; on ne paie donc pas ce forfait, et on ne paierait même pas une participation annuelle de 30 euros ? C’est le monde à l’envers. Au moment où on demande aux Français plus d’efforts, on ne peut même pas demander 30 euros à ces 215 000 sans-papiers qui ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche, mais travaillent ? C’est insensé.

C’est la décision idéologique par excellence : au moment où l’on cherche de l’argent on supprime une mesure qui, si elle n’a pas un poids économique énorme, demeure un symbole qui montre que dans la vraie solidarité (et non l’assistanat), chacun fait un effort, si minime soit-il.

Outre la raison idéologique, ne peut-on y voir un signe politique de démagogie, en ce que la gauche s’attaque à cette mesure uniquement parce que l’UMP s’en était targuée l’an dernier ?

La plupart des députés UMP, dont ceux de la droite populaire, auraient aimé que la franchise mise en place en 2011 aille plus loin. La gauche verse sur le terrain idéologique, mais aussi montre les signes qu’elle envoie à une certaine population. Lorsqu’on regarde les écrits de la fondation Terra Nova, on y voit, pêle-mêle : droit de vote des étrangers, mains tendues aux clandestins, annonces de régularisation… La gauche se prépare un nouvel électorat qui a vocation à remplacer les voix ouvrières. Cette ligne directrice est un mélange d’idéologie et de calcul politique, mais en aucun cas d’humanitaire. Je ne crois pas qu’il y ait une personne qui soit décédée par impossibilité de payer ces 30 euros.

Les députés de gauche vont-ils être unanimes sur ce projet ?

Aucun ne s’insurgera. La gauche est aujourd’hui très idéologique, et se trouve un peu dans l’arrogance de la victoire. Tous les députés de gauche vont donc s’appuyer sur l’argument de santé publique (avec Jean-Marie Le Guen en tête) ou l’argument financier, à savoir que c’était une « recette goutte d’eau ».

Par ailleurs, le système de l’AME génère aussi une certaine fraude, et il sera intéressant de voir s’ils vont rétablir la possibilité de s’inscrire à l’AME dans les associations, et non plus uniquement dans les bureaux d’aide sociale. Le militantisme pur de certaines associations serait alors la porte ouverte à tous les abus.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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