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THEATRE SEUL EN SCENE : Madame Meuf. Politiquement incorrecte, d’Hélène Vezier et Bertrand Lamour, la Nouvelle scène à Paris
©Hélène Vezier et Bertrand Lamour

ATLANTI-CULTURE

Du « ferme ta gueule » au « ta gueule ! »

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

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THÈME

  • Hélène Vezier est issue d’une famille de province tout ce qu’il y a de respectable, « mélange de cathos coincés et de Sarkozystes débridés. » Ses parents, qui espèrent vivement qu’elle trouvera un mari en parfaite adéquation avec leur milieu (sinon à quoi bon faire des études supérieures ?) se félicitent qu’elle entre à Sciences-Po Toulouse, qui « est à Sciences Po Paris ce que François Hollande est à Jean Jaurès »…
  • Cette jeune fille au caractère déjà affirmé se mue en « bourginale, contraction de bourgeoise et de marginale », mais accepte pourtant un poste d’assistante parlementaire auprès d’un sénateur de gauche, avant d’être exfiltrée dans une formation de « la gauche socialiste » au score flatteur lors des récentes présidentielles (1,7% des voix, et moins de 25 000 dans la ville dont sa candidate était la maire)… 
  • Au bout de quinze ans, poussée à bout, Hélène plaque tout pour devenir « Madame Meuf ». Celle-ci va mettre à profit son parcours professionnel antérieur pour décrire par le menu les mœurs du petit monde politique et parlementaire qu’elle a côtoyé.

POINTS FORTS

  • Madame Meuf déploie une belle énergie dans son spectacle et s’accommode d’une scène assez exigüe, n’hésitant pas à bouger et mimer pour nous offrir un spectacle très vivant, qui se veut décoiffant.
  • On appréciera surtout qu’Hélène Vézier s’écarte les thématiques sociétales ou nombrilistes “plan-plan“ dans lesquelles s’ébrouent et souvent pataugent nombre de ses camarades de seul en scène : en abordant la question des assistant-e-s parlementaires, elle décrit un  monde à la main des élus, qui doit se contenter des miettes laissées par ces derniers (ici, une place à Roland Garros, là un sac Vuitton, et surtout les grands crus du palais du Luxembourg à prix cassés), un monde “d’en bas“ qui s’adapte tant bien (« se divertir », à grands renforts d’alcool) que mal (« sombrer » dans l’éthylisme ou dans l’angoisse hyponcondriaque) à son sort. 
  • En haut de l’échelle, le milieu parlementaire (sénatorial) et politique (socialiste) est décrit sans aucune indulgence : ses formules éculées (« dans nos vallées-z-et-nos-cantons » chers au notables du palais du Luxembourg) ; le rôle du lobbying qui livre tant de textes de loi et des amendements clefs en main à bien de parlementaires bornés, paresseux ou intéressés ; le fonctionnement des partis comme « usines à “popol“ » c’est-à-dire moins boîtes à idées qu’à ragots, lieux de “dézingages“ à tous les étages, et où le prêt-à-penser le dispute à la bien-pensance … 
  • … Enfin et surtout règnent au Sénat - où siègent nombre de « vieux libidineux sexistes » - comme chez les « punks à bichons frisés » (entendre la gauche socialiste) où se tient un « boy’s club de gros connards harceleurs » - la même effarante misogynie, le sexisme et le machisme dans toute sa “splendeur“. Une petite société peuplée de ceux qui conseillent sans sourciller ni bien voir le problème : « Demande ça à ma petite main, elle fait ça très bien ! »

QUELQUES RÉSERVES

  • Si Madame Meuf se sert de son corps et de sa voix pour appuyer son propos, peut-être devrait-elle accentuer l’effort dans ce sens pour lui donner encore plus de poids (au propos, pas à madame Meuf…).
  • Sa revue de presse est assez bien-pensante et faiblarde, mais elle n’occupe qu’une toute petite partie de la représentation. Vu le degré de préparation qu’elle lui a accordé, ce passage est parfaitement superflu dans le spectacle.
  • On ressort un peu essorés de ce seule en scène, avec un arrière-goût de « tous pourris » et de « tous hors-sol » un peu amer dans la bouche. C’est qu’avec Politiquement incorrecte, on est bien loin des analyses savantes et des distinguos subtils cultivés par La Revue politique et parlementaire ou dans Parlements, revue d’histoire politique, qui cherchent et donnent sens aux pratiques des élus…

ENCORE UN MOT...

  • Nous avons ici affaire à l’une de ces femmes courageuses – même si ce fut d’abord pour Hélène Vézier plutôt « Courage, fuyons ! » - qui dénoncent les assignations et rôles qui leur ont été imposés et n’utilisent pas la langue de bois, mais plutôt un humour grinçant et percutant, pour exprimer leur indignation et leur révolte devant les comportements parfaitement archaïques de ces tartuffe, par ailleurs thuriféraires de l’égalité civique républicaine... 
  • Certes, Madame Meuf évoque son expérience du milieu politique et parlementaire du début du XXIe siècle, mais que celles ou ceux qui considèrent comme exagérées ou révolues les situations – de précarité, de soumission – décrites dans le spectacle aillent voir un peu du côté des collectifs de femmes attachées parlementaires qui se forment pour dénoncer les mêmes situations à vingt ans d’écart, ils réviseront leur jugement. 
  • Quand une femme en arrive à répondre avec le recul par l’affirmative à la question « coucher pour réussir : oui, car plus tu couches, moins tu bosses », même en ajoutant malicieusement « et en plus ça m’aurait fait coucher », il y a du souci à se faire, non ?

UNE PHRASE

  • Au Sénat, Madame Meuf côtoie « Pasqua et Longuet : des Balkany qui ont réussi [à ne pas se faire condamner] », dans une ambiance olfactive mêlant « la vieille prune, le cigare et le pipi. »
  • « Voter, c’est soit jouer à saute-mouton sur une licorne, soit la manifestation du syndrome de Stockholm. »
  • « Les Insoumis [du Sénat], ardemment engagés dans la lutte contre les régimes de retraite… mais pas le leur. »
  • « Les parlementaires se sont augmentés de 250 € par mois : enfin un salaire indexé sur l’inflation ! »

L'AUTEUR

  • Hélène Vézier, née en 1979, sort de Sc Po Toulouse diplômée en 2001. Elle passe ensuite une quinzaine d’années au Palais du Luxembourg, puis au siège du PS. Politiquement incorrecte existe depuis 2021 (au Off d’Avignon), se donne à Paris et Toulouse (2022), et la comédienne est également présente sur divers réseaux sociaux. 
  • De son côté, Bertrand Lamour, un ancien professeur, donne depuis 2019 un spectacle comique intitulé Enseigner tue.
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