Théâtre : "Pour un oui pour un non" : Les mots qu’on n’a pas eus<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Théâtre : "Pour un oui pour un non" : Les mots qu’on n’a pas eus
©DR

Atlanti-Culture

Anne-Claude  Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

RECOMMANDATION

Excellent

H2 : « C’est juste des mots, des mots qu’on n’a pas eus ». 

H2 : … quand tu présentes tes étalages. Les plus raffinés qui soient. Ce qui est parfait c’est que ça n’a jamais l’air d’être là pour qu’on le regarde. C’est quelque chose qui se trouve être là, tout naturellement. Ça existe, c’est tout. Comme un lac. Comme une montagne. Ça existe, c’est tout. Comme un lac. Comme une montagne. Ça s’impose avec la même évidence.

H1 : Quoi ça ? Assez de métaphores. Qu’est-ce qui s’impose ?

H2 : Le Bonheur.

THÈME

Deux amis de toujours, dont on ne saura rien de plus, se retrouvent et règlent leurs comptes. L’un veut savoir pourquoi l’autre a mis entre eux une distance inexplicable. Le motif de l’éloignement fut une petite phrase, apparemment sans contenu, répondant à l’annonce d’un succès, un « c’est bien, … ça » mais pesant son poids de condescendance supposée. Au sein de cet affrontement les rôles s’inversent, à partir d’une autre remarque anecdotique : « la vie est là… », soutenue par une commune connaissance du poème de Verlaine (le ciel par-dessus le toit) et qui permet au dialogue de rebondir et de préciser ce que sont ces deux hommes, amis mais dissemblables, incarnant deux pôles contradictoires. Réussite et échec sans doute : l’homme socialisé opposé au poète qui n’écrit même pas, ou le fat superficiel et content de lui antithèse du sage en retrait du monde qui « ne joue pas le jeu » et goûte la saveur de la vraie vie. Mais ces deux personnages incarnent aussi les deux polarités d’une même personnalité. Le jugement que suppose toute relation affective est ici actualisé par l’évocation d’un tribunal qui ne semble pas être purement métaphorique et autorise ou non les ruptures.

POINTS FORTS

La mise en scène est sobre et concrète, exempte de musique et, au sens strict, de décor. Tout ici est fonctionnel - une chaise, un socle, une théière, un haltère et un tapis de yoga - et entièrement au service des mouvements scéniques eux-mêmes très étroitement accordés au dialogue. L’espace de la scène est utilisé dans sa totalité, sans que ne se desserre l’étau dialogique qui est la marque de cette joute verbale.

Gabriel Le Doze et Bernard Bollet incarnent fort bien ces deux hommes en quête de vérité et déchirés par la mauvaise foi : la leur comme celle de l’autre.

POINTS FAIBLES

Les voisins que l’on peut trouver un peu excessivement et inutilement amusants mais c’est vraiment un détail.

EN DEUX MOTS ...

Un texte d’orfèvre tel que Nathalie Sarraute savait les ciseler, économe et profond parfaitement donné à entendre et à voir par l’interprétation.  A la qualité de la diction – puisqu’il s’agit bien de dire un texte fin et précis - répond la justesse des mouvements, échos scéniques des mouvements intérieurs de ces deux consciences en lutte. La mise en scène magnifie les respirations et les silences d’un dialogue dont il s’agit de restituer l’indicible, le non-dit et les mal dit sans verser dans une approche psychologique dont Sarraute se garde bien. Le drame existe mais c’est le drame du langage et de ses usages et de ce qu’il révèle des individus. Sans nom, les personnages ne sont pas des entités psychologiques : tout entiers dans ce qu’ils disent, ils incarnent une parole et, au-delà de leur conflit personnel, cette tragédie pleine d’ironie qu’est la communication humaine.

L'AUTEUR

Cette dernière pièce de Nathalie Sarraute, figure phare du Nouveau roman, publiée en 1982 par Gallimard fut créée en 1985 au théâtre du Rond-point par Sami Frey et Jean-François Balmer dans une mise en scène de Simone Benmussa. En 1988 c’est au tour de Jacques Doillon de créer l’événement, au cinéma cette fois, avec, Jean-Louis Trintignant et André Dussolier 

Le succès de ce texte ne se dément pas puisqu’il fut repris maintes fois dans des grandes et des petites salles. Observatrice infatigable mais jamais pesante de L’usage de la parole (Gallimard 1980), Sarraute traque inlassablement l’impact souvent insoupçonnable de la parole la plus banale. 

La Manufactures des Abbesses donne jusqu’au 23  novembre un cycle Nathalie Sarraute : lectures-spectacles d’Enfance, du Mensonge, d’Isma ou ce qui s’appelle rien et une reprise de la pièce Elle est là.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !