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Convention à Cleveland : ces membres du parti républicain qui fuient un show "clownesque"
©REUTERS/Ina Fassbender

THE DAILY BEAST

Ce que Cleveland montre, c'est le terrible échec du Parti républicain incapable de jouer son rôle dans la vie politique américaine.

Copyright The Daily Beast - auteur Will Marshall

Quand les Républicains vont désigner Donald J. Trump comme candidat à la présidence, cela marquera le point le plus bas de l'histoire de leur parti, vieille de 164 ans. Passer d'Abraham Lincoln à Donald Trump, c'est passer du sublime au ridicule.

En tant que progressiste, je devrais être enchanté, car un parti républicain conduit par Trump devrait favoriser le parti démocrate à la rentrée. Mais en tant que citoyen, ce que dit  l'ascension de Trump à propos de la maladie de la démocratie américaine m'écoeure.

Pensez-y ! Le parti qui a sauvé l'Union en placant l'anti-esclavagiste Lincoln à sa tête pendant la Guerre de Sécession va nominer un égocentrique, aussi creux que bigot, qui n'est pas le moindrement qualifié, même de très loin, pour être président des Etats-Unis. Un homme qui n'a jamais été élu, et qui montre qu'il n'a pas la moindre réflexion sur la vie publique. Il est incapable d'articuler le moindre argument cohérent ou de débattre en public sans insulter ses opposants, et sans rabaisser tous ceux qui ne sont pas d'accord.

Les soi-disantes idées de Trump sont un cocktail toxique de quelques-unes des tendances les plus discréditées et les plus rétrogrades de la vie politique américaine, un joyeux mélange venu des années 1920 mêlant protectionnisme et isolationisme. Plutôt que de célébrer ce qu'il y a de meilleur au fond de chacun de nous; il aggrave les maladies qui ravagent notre société, avec un dogmatisme agressif, sourd à tout dialogue, incitant à la violence. Sa vision de la politique privilégie notre identité ethnique ou religieuse. Le tout matiné d'un mépris total pour la réalité des faits et tout ce qui ne vient pas à l'appui de son storytelling habituel.

Nous sommes censés ignorer que ce roi est nu, parce que Trump contredit toutes les régles habituelles de la politique en s'appuyant sur d'authentiques attentes de la population, pour, soi-disant, dire les choses telles qu'elles sont. Sauf, qu'en fait,  il ne le fait pas, Trump est un menteur chronique qui utilise les théories du complot pour exploiter les peurs et les préjugés des travailleurs blancs qui se sentent floués. Quand on évoque ses mensonges, il persèvère et ne reconnaît jamais ses torts, mais renchérit, et pleurniche sur le traitement injuste qui lui serait réservé par les médias.

Trump le narcissique est un être totalement subjectif pour qui la réalité objective n'existe pas. Ceux qui le soutiennent au sein du parti républicain disent que ses déclarations tonitruantes ne sont pas à prendre au pied de la lettre, parce qu'elles expriment des vérités profondes, même s'il le fait de manière maladroite. OK, peut-être que le président Obama ne soutient pas l'Etat islamique, mais Trump voudrait donc dire que le président ne frappe pas nos ennemis assez fort, aux yeux de Trump qui ne s'embarasse pas des victimes civiles collatérales. Peut-être que les milliers de musulmans du New Jersey ne célèbrent pas vraiment les attaques du 11 Septembre, mais Trump ose dire tout haut ce que les autres politiciens n'osent pas : les mulsulmans au fond d'eux-mêmes auraient de la sympathie pour les terroristes islamistes.

Bien sûr, c'est un mensonge encore plus grave et plus destructeur, car il met en cause le patriotisme des musulmans, et il justifie la stratégie d'essayer de déclencher la lutte finale censer opposer les mulsulmans du monde entier aux non croyants. Mais Trump n'est pas dérangé par les dégats que provoquent ces tirades haineuses à la sécurité de notre pays,  à son image de liberté et de tolérance. C'est un showman, pas un politicien terne, et tant que le public appréciera, le spectacle continuera.

L'égo baroque de Trump pose un grave dilemme politique et moral aux Républicains. Il a gagné la nomination de manière claire et nette. Pourtant les responsables conservateurs et les Républicains savent qu'il est totalement impréparé et inapte à être président. Ils doivent donc faire un choix entre leur conscience et la volonté des électeurs républicains de base. Il faut porter à leur crédit, le fait qu'une partie étonnamment importante des penseurs et des grandes figures du parti ont décidé qu'ils ne pouvaient pas soutenir Trump et ont choisi de boycotter la Convention de Cleveland.

D'un autre côté les Républicains qui vont à Cleveland, vont participer à une mise en scène artificiellement élaborée. leur boulot est de convaincre le pays que Trump, malgré ses déclarations inquiétantes, et ses dérapages par rapport à la ligne politique du parti, est un candidat normal. Ils comptent sur l'opposition de principe face à Hillary Clinton pour surmonter les doutes qui divisent leurs propres rangs. De récents sondages montrent qu'un quart des Républicains ne soutiennent pas le candidat prévu, et que les électeurs indépendants sont divisés.

Quoiqu'il en soit, ce qui est important à Cleveland, ce sont les absents. La liste comprend les deux derniers présidents, le nominé choisi par le parti en 2012, Mitt Romney (leader du mouvement Jamais Trump), le gouverneur de l'Etat qui accueille la Convention, John Kasich, ainsi qu'un paquet de gouverneurs, sénateurs, et élus républicains parmi les plus influents, tout comme les sociétés donatrices, et les agents qui font les campagnes électorales. Ces défections de responsables du parti, et de supporters qui atteignent un niveau jamais vu  rendront difficille la tache de Trump censé rebondir avec cette Convention et afficher que le parti est vraiement uni.

La révolte anti-Trump est aussi frappante chez les commentateurs conservateurs. George Will, le doyen des chroniqueurs conservateurs, dégouté, a quitté le parti. Parmi les autres opposants on compte Bill Kristol du Weekley Standard Jonah Goldberg de la National Review, Ross Douthat du New York Times , Michael Gerson du Washington Post, Eric Erickson de Red State, sans compter ceux qui interviennent à la radio.

Si Trump arrive à gagner la Maison Blanche, il aura peut-être du mal à trouver des gens qualifiés pour les postes clés de son administration. Une douzaine de Républicains spécialistes de la sécurité se sont déclarés, tous ensemble, opposés à une présidence de Donald Trump.  Ils le considèrent comme "fondamentalement malhonnête" et disent que sa vision de la puissance américaine est "globalement inconsistante et ne repose sur aucun principe". Ils constatent aussi que Trump soutient la torture, veut une guerre commerciale, augmente le sentiment anti-américain dans le monde musulman et au Mexique, ce qui compromet les alliances stratégiques des Etats-Unis, tout en étant obéséquieux face aux dictateurs comme Poutine. Il serait difficille aux Démocrates d'être plus critiques.

Ce que la réunion de Cleveland montre réellement c'est l'échec du Parti républicain pour jouer son rôle en tant qu'institution médiatrice au sein du monde politique américain : c'est à dire qu'il n'est pas capable de réprésenter une opposition politique responsable, avec des solutions alternatives de gouvernement  et des candidats crédibles face aux malades, démagogues et autres bateleurs qui n'ont pas leur place à un poste de responsabilité au sein de l'Etat.

Contrairement à la masse des opportunistes, des partisans et des soutiens de Trump qui se précipitent à Cleveland, les dissidents républicains gardent la foi dans le meilleur des principes et des traditions de leur parti. Voilà quelque chose que les Démocrates doivent souhaiter, car cela signifie que la démocratie est la plus forte.

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