"Tempête décisive", 3 mois plus tard : la guerre saoudienne au Yémen ou la marche de trop<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette guerre saoudienne a causé la mort de plus de 2 800 personnes, des civils pour la plupart.
Cette guerre saoudienne a causé la mort de plus de 2 800 personnes, des civils pour la plupart.
©Reuters

Et après ?

Lancée le 26 mars, l'intervention de la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite contre les rebelles houthistes au Yémen a pris le 21 avril une nouvelle tournure, avec le début d'une phase politique appelée "Restaurer l'espoir". Retour sur une opération saoudienne loin d'être exemplaire.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Trois mois après le commencement de l’opération saoudienne dite « Tempête Décisive » entamée avec fracas par une coalition majoritairement composée des pays membres du Conseil de Coopération du golfe, l’heure d’un premier bilan est arrivée. Un bilan hélas particulièrement lourd par son cout humain. En effet, à date d’aujourd’hui, d’après les chiffres de l’ONU, cette guerre saoudienne a causé la mort de plus de 2 800 personnes, dans leur immense majorité des civils,  entrainée un million de déplacés et a laissé dans une détresse humanitaire flagrante plus de 21 millions de personnes, c’est-à-dire, 80 pour cent de la population yéménite. Et quel a été l’objectif initial proclamé de cette guerre ? Rétablir le Président soi-disant « légitime » Abd-Rabbu Mansour Hadi, en exil dans la capitale saoudienne et bloquer la montée en puissance de la milice apparentée chiite Houthis. Or, malgré plus de 10,000 sorties aériennes de l’aviation saoudienne, contre un pays qui en est dépourvue, l’ancien Président Hadi est toujours en exil à Riyad et les Houthis contrôlent la quasi-totalité des zones urbaines du pays.

Il est évident que l’opération « tempête décisive » a bien été mal nommé ainsi car la seule chose qui fut décisive est la détresse d’une population civile aux abois. Il convient également d’analyser la situation yéménite à la lumière de coup d’Etat de Palais organisé par le Roi Salman qui a modifié l’ordre de la succession décidée par feu le Roi Abdallah, son demi-frère, en ramenant en première ligne sa branche familiale dite des « Sudeiris » à l’exclusion des autres descendants d’Ibn Saoud, fondateur de ce pays. Les feux des projecteurs sont portés en particuliers sur le fils du Roi Salman, Mohammed, qui cumule entre autres, les fonctions de Ministre de la Défense et de deuxième prince héritier malgré ses trente ans, à peine. Les observateurs et avec eux la population saoudienne en ce y compris certains membres de la famille royale ont de plus en plus de mal à comprendre le pourquoi de cette guerre qui a non seulement poussé le budget national saoudien en déficit mais qui, de surcroit, a mis à mal les alliances jusque-là considérées comme solide de ce pays. La crédibilité du jeune Prince héritier, à peine désigné, semble largement épuisée.

C’est ainsi, que ni l’Egypte de Sisi, au pouvoir après un coup d’Etat contre les frères musulmans soutenu et financé par l’Arabie Saoudite ni le quasi vassal Pakistanais, récipiendaire de milliards de dollars d’aides saoudiennes, n’ont voulu contribuer des troupes à ce qu’ils percevaient comme une guerre condamnée d’avance. Il est vrai que les égyptiens se souviennent encore des milliers de soldats qu’ils ont perdus au Yémen lors de leur dernière tentative de déploiements dans les années soixante. A l’occasion de ce même refus, les Pakistanais ont rappelé aux Saoudiens qu’un quart de leur population était chiite et qu’ils supportaient difficilement le soutien que Riyad apportait aux islamistes sunnites radicaux pakistanais à l‘origine des tensions intra-communautaire dans ce pays. Ainsi, la version saoudienne du conflit yéménite fondée sur une narration décrivant Téhéran comme le manipulateur des Houthis avec comme visé ultime la conquête stratégique du détroit de Bab-el-Mandeb sur la mer Rouge ne mord plus. D’où la volonté saoudienne de faire usage de leur diplomatie du portefeuille pour acheter des articles de presse favorables dans les médias arabes et occidentaux comme démontrée par les récents télégrammes de Wikileaks.

Enfin comme si la débâcle militaire, le désastre humanitaire, le gouffre budgétaire et la crise diplomatique ne suffisaient pas l’UNESCO vient de placer les deux villes antiques du Yémen, Sanaa et Shibam, sur sa liste du patrimoine mondial en péril. Les destructions infligées par l’aviation saoudienne sur ces sites historiques font pâlir de jalousie les excités de l’Etat islamique qui doivent s’en mordre les doigts d’envie. Il est vrai néanmoins que tant l’Etat islamique que les saoudiens ont une même idéologie, celle du Wahhabisme !

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