Taubira chez les frondeurs ou les irresponsables aux affaires<!-- --> | Atlantico.fr
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La garde des Sceaux, Christiane Taubira.
La garde des Sceaux, Christiane Taubira.
©Reuters

Trahison entre amis

Quelques jours après la constitution du nouveau gouvernement de Manuel Valls dit de la "clarté", les positions affichées par Christiane Taubira sèment la confusion, celles-ci décridibilisant l'action du président de la République. Un comportement indigne d'un politique, qui plus est dans la période difficile que traverse actuellement la France.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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On pourrait imaginer d’en rire dans d’autres circonstances. Mais la situation politique et économique de la France n’autorise plus cette légèreté. Ce matin, le Ministre du Travail, François Rebsamen, a reconnu un " échec " du gouvernement sur le chômage. Soit que cet échec ait été considéré par tous comme acquis, soit que l’exécutif bénéficie de la complaisance des observateurs, cette déclaration n’a eu aucun écho. Réalise-t-on, pourtant, ce que peut signifier qu’un gouvernement reconnaisse que, sur son objectif principal, il a échoué ?! Faisons-lui crédit de sa franchise, même si elle succède à un durable aveuglement sur fond de " la croissance est là ". Mais, dans une telle situation, le gouvernement a besoin de rassurer sur sa capacité à remédier désormais à cet échec. Au-delà du gouvernement, c’est le pays qui a besoin d’y croire un peu. Parce qu’on ne peut pas s’abandonner à la joie mauvaise de voir le " camp d’en face " s’embourber alors que nous pâtissons tous de la situation économique, que des proches souffrent d’être sans emploi, que d’autres angoissent de perdre le leur et que certains, pour ne pas couler, se démènent en créant leur propre emploi.

Dans cette situation, à droite, à gauche, on attend un homme d’Etat. En lieu et place, nous héritons de tragiques jeux personnels.

La présence de Christiane Taubira parmi les frondeurs est dramatique, dans tous les sens du terme.

Dramatique au sens théâtral, tant ceci révèle la nature profondément comédienne de Christiane Taubira, que certains accepteront peut-être enfin de voir. Elle prétend n’avoir fait que participer à un débat mais personne ne peut être dupe : elle ne débat pas (d’ailleurs, elle n’a pas parlé), elle soutient. On peut venir serrer des mains, écouter, échanger. Mais elle s’est " affichée" . S’asseyant entre les députés Germain et Guedj, leader de la " fronde ", elle a offert ses plus grands sourires, son visage le plus éclatant ne refusant aucune photo. Ni celle de ce selfie avec Jerôme Guedj, ni celle qui illustre l’article du Monde, manifestant une complicité d’une telle intensité que, pour un peu, on sentirait même Jérôme Guedj gêné. Au MJS, dont certains (MJS 92) sont allés jusqu’à s’affirmer " en résistance " contre le gouvernement, elle est allée déclarer : " Vous êtes la vie qui vient, vous êtes la sève qui monte. Montez mes chéris, montez…" . Même si elle trahit là quelqu’un qui n’a pas mes faveurs, son comportement est aussi odieux que malhonnête. On n’a moralement pas le droit de participer à une équipe et de lui planter un tel coup de poignard dans le dos.

Dramatique parce que profondément déloyale. Après avoir pris la décision si grave de présenter la démission de son gouvernement, Manuel Valls a rencontré tous les ministres afin de s’assurer de leur accord sur la ligne politique du gouvernement. Certains anciens ministres ont fait le choix de la cohérence en refusant de participer au nouveau gouvernement. Christiane Taubira est restée. Peut-être y a-t-il eu quelques explications de gravure au cours de leur entretien, mais ce qui compte, c’est le message transmis publiquement, et c’était celui de la participation à un gouvernement dit " de clarté ". Trois jours après la constitution de ce gouvernement, elle introduit délibérément de la confusion. Cette déloyauté devrait, dans un monde meilleur, disqualifier un politique.

Il y a seulement trois jours, François Hollande rappelait aux ministres qu’ "on ne joue pas individuel ". Christiane Taubira lui inflige là un sérieux camouflet, en manifestant au pays que la parole du président ne compte pas.

Dramatique parce qu’irresponsable. Elle est irresponsable parce qu’un politique qui a le sens de l’Etat, de la chose publique, ne se permet pas cela. Dans une situation de crise politique, économique et internationale, on ne dévalue pas la parole du président – et du Premier ministre. Lorsqu’elle décide ce coup, elle a deux possibilités : si elle est limogée, elle crée une crise politique supplémentaire, et si elle ne l’est pas, elle porte un coup supplémentaire au crédit du président. Ainsi, Christiane Taubira rend manifeste, après Arnaud Montebourg, l’absence de considération pour le président. Nous ne sommes pas encore à mi-mandat et l’un comme l’autre se placent dans la perspective de 2017, soulignant encore qu’ils parient déjà sur un échec de Hollande.

C’est, encore, irresponsable de sa part parce qu’on l’attend toujours sur ses attributions. Après plus de deux ans de présence, qu’a donc fait Christiane Taubira pour une Justice objectivement en lambeaux ?

Christiane Taubira se permet cela parce qu’elle considère que François Hollande et Manuel Valls ne peuvent se passer du " symbole " qu’elle représente (et qu’ils en ont fait) et des députés du Parti radical de Gauche, dans le cadre d’une majorité déjà très rétrécie. C’est une façon de leur tordre le bras qui est pour le moins… " incorrecte " (pour rester correct). Pourtant, François Hollande et Manuel Valls auraient pu jouer le coup : combien de ceux qui se proclament frondeurs – tant qu’il s’agit de se payer de mots et de prendre des postures vis-à-vis de l’électorat en se distanciant très courageusement d’un pouvoir en difficulté – assumeront vraiment le risque d’une dissolution synonyme de perte de leur siège pour beaucoup voire, si l’UMP maintient vraiment sa position de non-participation à un gouvernement de cohabitaion, de démission du président et d’une " présidentielle de tous les dangers " ? Combien assumeront vraiment cette responsabilité historique ?

C’est enfin irresponsable parce que dans la situation difficile que traverse le pays, les politiques doivent se montrer à la hauteur de leur haute responsabilité et ne pas offrir aux citoyens inquiets de l’ "échec " du gouvernement le spectacle désolant de leur hilarité et du jeu des ambitions personnelles. C’est objectivement lamentable et c’est périlleux pour le pays.

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