Tant qu’à discuter avec Merkel, ce que Valls aurait pu lui dire sur l’impact budgétaire des missions contre les djihadistes que la France assume seule en Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel lundi en Allemagne.
Manuel Valls a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel lundi en Allemagne.
©Reuters

Seule au front

Alors que Manuel Valls a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel lundi en Allemagne, la France est pour le moment le seul pays européen à participer à des frappes militaires contre l'Etat islamique. Pourtant, si la France ramenait son effort militaire (2.2%) au niveau de l'Allemagne (1.3%), son déficit budgétaire serait de 3,5 % du PIB contre 4,4 % pour l'Allemagne.

Pierre Verluise

Pierre Verluise

Docteur en géopolitique, Pierre Verluise est fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com.

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Atlantico : En visite en Allemagne pour rencontrer Angela Merkel, Manuel Valls et la chancelière allemande se sont a priori bien gardés d’évoquer la question de l’Etat islamique. Pourquoi l’Allemagne, qui assume d’habitude le leadership européen donne-t-elle cette-fois l’impression d’être absente sur cette question de politique étrangère alors que plus de 400 ressortissants allemands ont rejoint les rangs des djihadistes ?

Pierre Verluise :Il faut d’abord noter que l’Allemagne a une relation complexe à la puissance héritée de la période 1933-1945. L’usage de la puissance militaire hors des frontières de l’Allemagne est beaucoup plus contraint en Allemagne qu’en France. Elle répond à des règles qui impliquent le Parlement et ligotent plus facilement l’exécutif ce qui peut dans certains cas être un bon prétexte pour s’interdire d’agir. Les Allemands ont toutefois annoncé qu’ils allaient livrer des armes aux Peshmergas Kurdes voici déjà quelques semaines, ce qui est bien la preuve que ce pays ne se désintéresse pas de ce qu’il se passe avec l’Etat islamique. Cette livraison d’armes est publique et expose donc l’Allemagne à une "sanction" du Califat islamique… L’Allemagne a bien sûr la volonté de peser par l’économie mais l’idée de devenir une puissance géopolitique ne fait pas l’unanimité. Une large majorité de l’opinion publique allemande se contenterait de vivre dans une "grosse Suisse" confortable et sûre sans voir que la sécurité se dessine à l’intérieur des frontières du pays mais aussi sur des fronts, en Afghanistan, au Proche ou au Moyen-Orient.

En ne prenant pas part aux opérations militaires au Moyen-Orient, laissant du coup faire le travail à la France, et en ne subissant du coup aucune menace de la part de l’Etat islamique sur ses ressortissants, l’Allemagne n’est-elle pas finalement la grande gagnante ?

C’est un Etat souverain qui a en plus les moyens économiques et politiques de sa souveraineté. Il est  libre ou non de s’engager. On ne sait pas ce qu’il se passe en-dessous des cartes, mais un Etat qui livre des armes sait ce qu’il fait. C’est une forme d’engagement assez significative de mon point de vue. La question que vous posez montre bien l’ambiguïté que nous avons tous dans notre relation par rapport à la puissance allemande.

Alors que l’Allemagne est opposée à des frappes aériennes en Irak et en Syrie, la France est-elle condamnée à être le seul Etat européen à participer à ces frappes au côté des Etats-Unis ?

Si l’on se réfère à l’histoire récente au niveau des interventions militaires, le Royaume-Uni est assez proche des Etats-Unis. D’autres pays traditionnellement proches des Américains comme la Pologne pourraient eux aussi peut-être s’impliquer à l’avenir dans ce conflit. Les Etats membres de l’UE ont des histoires très différentes. Ils ont parfois été ennemis et se sont déchirés pendant la Seconde guerre mondiale. Ils sont depuis vaccinés contre l’idée d’un usage militaire pour construire la puissance. La construction européenne est un projet de paix qui a globalement fonctionné mais qui a en même temps castré les Etats en termes d’utilisation de la puissance. Les Etats de l’UE n’ont plus dans leur logiciel l’utilisation de la puissance. Les opinions publiques européennes ne sont pas portées sur le conflit. Le problème clef des Européens est le chômage. Les Européens n’attendent pas des Etats un engagement sur tous les fronts. Les Etats sont souverains mais il y a une contradiction fondamentale : ils veulent à la fois gagner un certain nombre de points positifs grâce à l’UE mais en même temps céder le moins possible d’éléments de leur souveraineté à l’Europe. C’est une contradiction probablement fatale à moyen terme.

Pourquoi l’Europe ne réussit-elle pas de nouveau à adopter une position commune sur cette question de l’Etat islamique alors que de nombreux pays européens voient leurs ressortissants partir combattre en Syrie et en Irak ?

Les pays européens ne sont pas touchés de la même façon. Ils ne sont pas prêts à prendre les mêmes risques et n’ont pas les mêmes relations avec les Etats-Unis. On voit que se met en place depuis trois ans une relation assez forte entre les Etats-Unis et la France qui interviennent de façon combiné tant en Libye qu’au Moyen-Orient ou en Afrique notamment au Mali. C’est assez in attendu.

Où en est actuellement l’Europe en matière de politique de sécurité et de défense commune ?

La politique de sécurité et de défense commune est le plus petit dénominateur commun, qui est donc de ne rien faire. Les Etats ont tout fait pour que ne se construise pas une politique étrangère de sécurité et de défense commune. On a volontairement choisi de nommer Catherine Ashton parce qu’elle ne connaissait rien à la diplomatie et qu’elle ne fait pas d’ombre aux chefs d’Etat européens ce qui est une étrange façon de recruter. La politique de sécurité et de défense commune est sérieusement malmenée par la crise de 2008 dans le sens où tous les Etats membres ont sérieusement réduit leurs budgets de défense à l’exception du Royaume-Uni. Beaucoup de pays ne dépensent même pas 1 % de leur PIB. On se prépare à des lendemains inquiétants avec la Russie qui s’autorise à franchir la frontière d’Etat souverains et qui soutient des mouvements sécessionnistes. 

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