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Surtaxation des CDD : François Hollande, le président Pénélope qui ne cessait de défaire ce qu’il a pourtant tant de mal à tisser
©REUTERS / Christian Hartmann

François, c'est plus fort que toi

Alors que le gouvernement tergiverse sur la question des contrats de travail dans le cadre de la loi El Khomri, cet énième revirement illustre une fois de plus un quinquennat décidément marqué par des numéros d'équilibristes.

Google et Yahoo, internet

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Atlantico : Avec la loi El Khomri, le Gouvernement souhaitait notamment développer l'emploi en CDI. Mais en cédant face aux syndicats qui exigent une surtaxation des CDD, ne s'attaque-t-il pas aux symptômes au lieu d'agir sur les causes réelles d'une offre trop faible de CDI ?

Jean-Marc Sylvestre : Le gouvernement donne une réponse politique d'une part aux manifestations du 9 mars, et d'autre part aux revendications historiques des syndicats. Il ne veut pas rompre le dialogue, de peur de braquer les opposants au projet à force d’opiniâtreté. Il s'est donc emparé d'un certain nombre de revendications et mesures qui étaient dans le cahier de doléance des syndicats et manifestants, et à tenu ainsi à montrer qu'il était prêt à discuter.

La surtaxation des CDD (qui viendrait augmenter les 10% de prime de précarité appliqués jusqu'ici) est un moyen qu'il pense efficace pour dissuader d'utiliser des CDD pour privilégier des CDI. Mais les entreprises peuvent réagir tout autrement. Elles limiteront l'utilisation des CDD, ce qui sera un coup dur porté aux jeunes, car ce sont eux qui en feront les frais avec un fort avantage donné pour le coup aux stages. Ils auront encore plus de difficulté à trouver des premiers emplois.

L'autre conséquence est liée : si malgré tout les chefs d'entreprises veulent embaucher des CDD, ils devront réagir à l'augmentation du prix du travail, et ce, certainement par une baisse de la rémunération. C'est une fois de plus le salarié qui paye les frais de cette mesure.

La seule solution pour relancer les CDI était le contrat unique, cœur du projet de loi El Khomri, qui visait en quelque sorte à se débarrasser du CDD, en offrant plus de flexibilité, c'est-à-dire plus de facilité à l'embauche et à la sortie, et qui aurait durablement réglé le problème du chômage. Les négociations restent ouvertes : reste à attendre de voir si les mesures annexes comme cette décision sur le CDD (qui ne figurera pas dans la loi mais dans un projet annexe) ne viendront, il faut l’espérer, pas saper l'esprit du projet initial.

Dans quelle mesure cette attitude qui consiste à couper systématiquement la poire en deux dans ses réformes est-elle caractéristique de la présidence François Hollande ? Quels autres exemples (Leonarda, CICE, Mariage pour tous... obligation de passer par le 49.3 pour la loi Macron) nous a-t-il donnés de cette propension à vider de leur substance même ses propres projets de réforme ? Pour quelles raisons le Président agit-il systématiquement ainsi ?

Serge Federbusch : Plutôt que de "couper la poire en deux", François Hollande a tendance à faire des allers-retours pour revenir au point de départ initial. C’est l’agitation mère du surplace. Prenez l’exemple d’une des mesures phares de sa campagne, le fameux taux d’impôt sur le revenu à 75%, rapidement vidé de sa substance et abandonné en moins de deux ans. Idem pour l’alourdissement de la fiscalité des entreprises, corrigé par le CICE. Ou encore des 34 "plans de reconquête industrielle" de Montebourg, sévèrement toisés par Macron dès sa nomination pour se transformer en 9 "solutions" qui n’ont débouché sur à peu près rien de concret. Moyennant quoi l’empilement ahurissant de structures et dispositifs censés agir au soutien de l’industrie française est resté en l’état...

Dans ses actuelles reptations autour de la loi El Khomri, on voit le Gouvernement entonner le chant de l’allègement des contraintes pesant sur le contrat de travail puis, soudain, parler de surtaxation des CDD avant de revenir en arrière. Hollande évoque désormais des "corrections". Il a suffi d’une pétition en ligne et de manifestations d’ailleurs assez peu suivies pour l’inhiber. Hollande craint quand même que la mobilisation étudiante et lycéenne finisse par décoller au moment des beaux jours, quand les élèves dilettantes sauteront sur un prétexte pour ne pas travailler et chercheront à se fabriquer des souvenirs romantiques pour plus tard. Il va donc essayer à nouveau de louvoyer et gagner du temps.

Au fond, les seuls sujets sur lesquels il n’a pas reculé sont ceux qui irritent l’électorat dont il est sûr qu’il ne votera pas pour lui : les familles nombreuses de cadres dont on sucre les allocations, les professions libérales à hauts revenus comme les médecins et les notaires, les partisans de la Manif pour tous.

Hollande agit en président de la République comme il le faisait en premier secrétaire du PS, c’est là tout le drame.

Jean-Marc Sylvestre : Le projet de loi n'a pas encore été vidé de sa substance ! Hollande n'a pas lâché la ligne centrale du projet, qui est de fluidifier le marché du travail. Nous ne sommes pas encore dans la situation de Dominique de Villepin et Jacques Chirac en 2006, quand ils avaient abandonné le projet sur la loi CPE face à la pression des manifestants... Ils avaient alors dû fermer le dossier et passer à autre chose.

Ici, nous n'en sommes qu'aux négociations. D'une certaine façon, ce n'est pas encore du Hollande, qui aurait tergiversé, négocié, fait des compromis et certainement déshabillé le projet. Mais Manuel Valls a encore la main sur cette réforme, qui n'est qu'écornée. Il a cédé sur le plafonnement des licenciements et sur la demande de surtaxation des CDD. Peut-être que cela ira plus loin. Alors, on pourra parler de déshabillement.

Trahir l'intention de départ et sacrifier l'efficacité, au nom d'une "synthèse" politicienne toujours plus acrobatique, n'est-il pas le meilleur moyen de finir par mécontenter tout le monde ?

Serge Federbusch : C’est évidemment le grand risque de cet exercice d’équilibrisme.

Cela fonctionnerait si la croissance était revenue grâce au fameux "alignement de planètes" qu’il espérait. Hollande ferait semblant de réformer pour donner le change à Bruxelles mais continuerait à distribuer l’argent pour sauver son système clientéliste, le seul auquel les socialistes français savent donner corps. Hélas pour lui, la croissance ne montre pas le bout de son nez et sa tactique roublarde le laisse sans "grain à moudre" comme disait feu André Bergeron. Ses annonces irritent et ses résultats déçoivent. Bref, il perd sur les deux tableaux.

Jean-Marc Sylvestre : François Hollande peut-il mécontenter plus qu'il ne l'a fait jusqu'ici ? Il n'a plus rien à perdre. Il va devoir lutter contre Manuel Valls dans ce cas précis, qui pourrait remettre sa démission si le projet ne passait pas dans l'esprit qui l'animait au départ. En ce sens, le Président joue une partition compliquée !

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