Sur l’urgence énergétique, un groupe parlementaire RN comme les autres… incompétent et clientéliste<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et les députés RN à l'Assemblée nationale.
Marine Le Pen et les députés RN à l'Assemblée nationale.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Entreprises en danger

Le groupe RN ne semble pas plus doté de la compétence requise que les autres groupes à l'Assemblée nationale sur la question du salut énergétique de l’économie française.

André Pellen

André Pellen

André Pellen est Ingénieur d’exploitation du parc électronucléaire d’EDF en retraite, André Pellen est président du Collectif pour le contrôle des risques radioactifs (CCRR) et membre de Science-Technologies-Actions (STA), groupe d'action pour la promotion des sciences et des technologies.

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RN et énergie : un clientélisme incompétent de plus

Les lanceurs de l’alerte relative à un péril énergétique patent sont animés par deux motivations distinctes : la conquête du pouvoir politique et une pédagogie citoyenne désintéressée. La seconde véhicule l’essentiel d’une expertise que le psittacisme de la première n’hésite pas à transformer en argument de campagne, comme le fit l’an dernier la candidate Marine Le Pen, en farouche défenseur(e) de Fessenheim. Hélas, son groupe parlementaire vient d’illustrer la permanence du discours politicien de mauvaise foi auquel nous ne sommes que trop habitués et combien la gravité des problèmes menaçant durablement la condition matérielle des Français n’entre pas dans les préoccupations des auteurs : ce 27 octobre 2022, a commencé le lessivage chimique des deux circuits primaires de la centrale alsacienne, sans que le groupe RN ne réprouve publiquement ce franchissement du point de non-retour de la démolition du site.    

Dire à ce groupe qu’il ne suffit pas de se réclamer d’une éthique politique inédite pour en être crédité. Outre que cette dernière ne doit jamais craindre la sanction électorale, son respect exige des compétences à la hauteur de la complexité de tout problème national à résoudre. En l’espèce, le pertinent article de messieurs Jean-Jacques Nieuviaert et Jean-François Raux donne un très bon exemple de proposition concrète dont les électeurs attendent de la compétence de leurs représentants qu’elle la soumette au Parlement. Or, l’impétrant groupe RN ne semble pas plus doté de la compétence requise que les autres groupes.

Sur le fond, messieurs Nieuviaert et Raux considèrent à juste titre que le salut énergétique de l’économie française passe par la construction à marche forcée d’un important parc de réacteurs SMR. En fait, ce salut passe même par la réalisation d’un programme public-privé, scientifiquement, techniquement, industriellement et économiquement comparable à un plan Messmer auquel il convient de conférer une urgence encore plus absolue qu’en 1973.

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De quoi est-il question avec la filière SMR - Small Modular Reactor ?

Contrairement aux réacteurs de forte puissance – plus de 1 000 MWe – en exploitation ou en projet, les SMR n’excèdent pas 300 MWe, voire quelques dizaines de MWe pour certains, et ne visent pas le gain d’investissement par économie d’échelle. Au fil des années, notamment à la suite de la crise financière de 2007-2008, leur émergence s’est faite à la faveur d’un climat d’investissement tendu, de la prudence persistante des banques à garantir les prêts pour des investissement jugés à risques et d’une escalade des coûts de sites nucléaires pouvant dépasser les 10 milliards de dollars.

Sans commune mesure avec un tel montant, le coût des SMR à eau légère pressurisée (PWR) n’est plus dissuasif pour nombre d’entreprises du secteur.  

Historique

Dès janvier 2010, l’administration Obama jetait les bases des premiers projets SMR couvrant toute la palette des technologies possibles pour ce genre de réacteur :  5 à eau légère (PWR), 4 à haute température (HTR) dont un microréacteur, 4 à neutrons rapides (LMFR et GMFR) dont un microréacteur et 5 à sel fondu (MSR).  

Deux de ces projets devaient être menés en collaboration avec le Canada et l’Indonésie et un autre avec Framatome Inc, la filiale de la société française du même nom : celui du réacteur à haute température SC-HTGR de 272 MWe dont l’étude ne devrait aboutir à une réalisation commerciale que vers 2033.

Dès 2010, La « Blue Ribbon Commission » avait ouvert le débat sur la gestion des déchets, considérant que pour l’administration américaine le développement des SMR aurait à être introduit le moment venu, pour des applications [optimisant] le cycle du combustible, notamment avec les réacteurs rapides à métal fondu.

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État des lieux à ce jour

Depuis 2010, plus de soixante-dix projets ont vu le jour, dont les suivants sont les plus avancés au plan de la réalisation :

En Russie, avec l’Akademik Lomonosov, le premier SMR marin au monde, mis en service commercial dans l’Arctique russe, en 2019, et avec 17 autres projets SMR, dont 12 de la technologie à eau légère, 3 à haute température (HTR) et 2 à neutrons rapides (LMFR) ;

En Chine, avec 8 projets recensés par l’AIEA, 5 relevant de la technologie à eau légère, 3 à haute température (HTR) et un dernier à sel fondu (MSR). Le premier SMR terrestre doit prochainement être mis en service dans l’île chinoise d’Hainan.

Quant aux USA, ils mettent actuellement les bouchées doubles – « Make America Great Again » – pour tenter de rattraper leur retard. Le Département fédéral de l’Energie apporte une aide notable à la construction de leur premier SMR commercial, à Idaho Falls. Par ailleurs, comme prévu en 2010, leur société Nuscale travaille avec les Canadiens à la construction d’une plateforme flottante multi SMR.

Le Royaume-Uni lance également un vigoureux programme de SMR visant à recréer une industrie nucléaire nationale, avec Rolls-Royce.

Enfin, avec le Projet Nuward utilisant l’expérience des réacteurs de la marine, la France est bien positionnée.
Ce projet de « petit réacteur modulaire » à eau légère (PWR), dont la puissance du module est de 170 MWe, a été présenté en septembre 2019. Il est développé par EDF, CEA, Naval Group et Technicatome.
Thierry Grenier, le directeur des infrastructures et réacteurs civils de ce dernier, insiste sur les faibles dimensions du Nuward permettant de l’enterrer partiellement et de réaliser de substantielles économies de construction, de même qu’une protection supplémentaire efficace contre les agressions extérieures. De surcroît, du fait que, en cas de pertes des pompes, la faible puissance de ce réacteur autorise son refroidissement accidentel en thermosiphon, sa sûreté passive est notablement augmentée tout en coûtant moins cher.   

Notre pays est également bien placé avec le projet ANTARES de Framatome Inc., réacteur haute température SC-HTGR de 272 MWe dont il est question plus haut, développé avec les Américains.  

Considérations importantes

Les SMR ne peuvent qu’avoir un grand avenir dans les zones isolées comme l’Arctique sibérien ou sur des territoires multi insulaires comme l’Indonésie, un pays de 280 millions d’habitants très dispersés représentant un marché potentiel énorme. Ce n’est pas un hasard si, en 2015, ce pays déjà engagé dans une collaboration avec les Américains a lancé un projet de SMR haute température (HTR), vraisemblablement en collaboration avec la Chine.

Par ailleurs, la technologie à eau légère pressurisée (PWR) de près de la moitié des projets SMR étant celle de plus de 90 % des capacités nucléaires aujourd’hui en exploitation ou en construction dans le monde – 448 réacteurs d’une capacité totale de 400 GWe ayant produit 2 550 TWh, soit environ 10 % de l’électricité mondiale, dans la seule année 2020 – les SMR ne peuvent que bénéficier d’un retour d’expérience planétaire considérable.

Conclusion

Qu’un consensus national s’en donne la peine et un premier prototype de SMR Nuward peut être couplé au réseau bien avant 10 ans. Certes, sa présence n’épargnera pas au pays la disette énergétique dans laquelle deux décennies de sabotage industriel l’ont durablement plongé, mais la dynamique Nuward peut être l’occasion de dépasser les turpitudes Superphénix et ASTRID en lançant simultanément la R&D du SMR à neutrons rapides nous faisant entrer dans l’ère de la 4ème génération, le seul véritable avenir du nucléaire.

En revanche, la circonstance doit être l’occasion de rompre une bonne fois pour toutes avec un délire éolien emportant des finances ne pouvant que faire gravement défaut au programme dont il est ici question. D’autant qu’il est depuis longtemps démontré que ce délire est au moins autant technique que financier, l’aérogénération constituant un poison pour la maîtrise de la stabilité de tout système électrique.

Pour l’heure, la nécessité de relever économiquement et industriellement un tel défi requiert un gouvernement français de compétition, tant des points de vue moral, que mental et professionnel. Or, l’angoisse ne peut que nous envahir lorsqu’il s’agit de chercher à extraire cette dream team d’un personnel politique aujourd’hui essentiellement composé de tocards ; cf l’introduction de cet article.

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