Stades climatisés au Qatar : un non-sens environnemental, vraiment ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue générale de la présentation avant le match de football du groupe D de la Coupe du monde Qatar 2022 entre la Tunisie et l'Australie au stade Al-Janoub d'Al-Wakrah, au sud de Doha, le 26 novembre 2022.
Une vue générale de la présentation avant le match de football du groupe D de la Coupe du monde Qatar 2022 entre la Tunisie et l'Australie au stade Al-Janoub d'Al-Wakrah, au sud de Doha, le 26 novembre 2022.
© Chandan Khanna / AFP

Bilan carbone de la Coupe du monde

Les Qataris affirment que l’énergie utilisée est produite de toute façon par les champs photovoltaïques installés dans le pays.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Le fait que les stades soient climatisés au Qatar lors de la Coupe du monde 2022 a suscité beaucoup de critiques et de réactions. Est-ce un véritable scandale écologique ? La réalité est-elle plus nuancée ?

Damien Ernst : Les stades au Qatar ne sont pas les premiers au monde à être équipés avec un système d’air conditionné. Il y en a plusieurs aux Etats-Unis. C’est en revanche la première fois que ce dispositif attire autant l’attention médiatique. Les stades représentent de grosses charges, 10 mégawatts de puissance (10000 kilowatts). A titre de comparaison, une maison en moyenne va consommer 0,5 kilowatt sur le plan électrique.

Pour les stades au Qatar, la consommation n'est pas  que liée à la climatisation. Il y a aussi par exemple l’éclairage et les écrans géants. Les soirs de matches, le fonctionnement des stades correspond à la consommation électrique moyenne de 10.000 à 20.000 maisons.    

Même si les systèmes d’air conditionné déployés dans les stades au Qatar sont très consommateurs, ces enceintes sont plutôt bien pensées et conçues. Le but est de conserver de l’air frais dans le stade et d’éviter qu’il ne s’échappe. Le dispositif doit permettre aussi de ne conditionner que les endroits du stade où se situent les spectateurs et les joueurs.

Ces stades et le dispositif de climatisation constituent donc une belle prouesse technologique et cela s’avère efficace.

Ce système semble vertueux et fonctionnerait grâce notamment à de l’énergie solaire pour alimenter le système de climatisation des stades au Qatar.

Ces stades sont avant tout conçus pour réfléchir la lumière du soleil et non pour la capter et la transformer en partie en électricité. De plus, le Qatar n’a pas du tout de mix électrique qui fonctionne à l’énergie solaire. L’énergie électrique au Qatar est générée à partir de pétrole ou du gaz.  

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Les énergies renouvelables sont peu présentes au Qatar.

Le système de climatisation des enceintes sportives de la Coupe du monde fonctionnerait avec un conteneur rempli d’eau qui refroidit l’air chaud avant de le diffuser dans le stade. Une fois que l’eau absorbe la chaleur, elle repart dans un autre réservoir, situé à trois kilomètres du stade, chargé de refroidir l’eau pour le match suivant. Le tout est alimenté par une centrale à énergie solaire située à environ 80 kilomètres de Doha. Est-ce  réellement efficace ?

La centrale solaire est reliée au réseau électrique. Elle apporte une faible quantité d’énergie au réseau électrique. La climatisation des stades n’est donc pas alimentée uniquement par des énergies renouvelables. Il faut se focaliser sur l’intensité carbone de l’électricité prise sur la grille électrique pour faire fonctionner les stades et la climatisation.

 Ils doivent être à une intensité carbone de l’ordre de 600 grammes par kilowatt heure ce qui est beaucoup. 

Dans quelle mesure la climatisation représente une quantité négligeable par rapport à l’empreinte carbone de tout le reste ?

La climatisation au Qatar représente un pourcentage significatif de leur consommation électrique. Cela représente 20 à 30% de la consommation électrique du pays. Cela représente donc une énorme charge au Qatar.

Dans ce pays, la moyenne de consommation au niveau électrique doit être de l’ordre de 5.000 mégawatts.

En revanche, pour un stade et avec l’air conditionné, la consommation doit être entre 10 et 20 mégawatts.

Selon le chercheur Gilles Dufrasne de Carbon Market Watch, alors que l’on parle beaucoup de la climatisation des stades au Qatar, cela n’est pas une source majeure d’émission carbone en comparaison à la construction des stades ou à l’impact du transport aérien. Même si climatiser les stades ouverts reste choquant, dans l’absolu, cela n’a pas d’impact majeur sur le bilan carbone de la compétition… ?  

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Cela s’explique par le faible nombre de stades au Qatar. Les émissions des stades pour le bilan carbone sont très faibles. Mais les 10 à 20 mégawatts de charge pour la consommation électrique de chacun de ces stades représentent quand même quelque chose de significatif.

Cette polémique sur la climatisation des stades intervient d’ailleurs dans un pays qui est notoirement polluant, n’est-ce pas ?  

Le Qatar est un pays dans lequel les tonnes d’émissions de CO2 par habitant sont extrêmement élevées (30 à 40 tonnes de CO2 par habitant contre environ 5 en France). Les pays très riches comme le Qatar ont des émissions CO2 excessivement élevées par habitant.

Que faut-il donc penser de ces stades au Qatar pour la Coupe du monde 2022 ?

Ce sont de très belles réalisations technologiques et de véritables prouesses. Les stades ont été conçus de manière intelligente. Mais il est vrai qu’un stade avec ou sans la climatisation consomme énormément d’électricité (de 10 à 20 mégawatts). Mais bon reconnaissons-le,  les stades non climatisés consomment quand même significativement moins d’énergie.

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