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Marine Le Pen s'exprime à l'Assemblée nationale.
Marine Le Pen s'exprime à l'Assemblée nationale.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Convergence programmatique

La culture de la coalition n’est pas du tout dans la culture politique française, mais face aux risques de majorité introuvable, quelles configurations pourraient être imaginables pour une coalition LR canal historique et RN ou pour une coalition LR canal historique, Renaissance et PS ?

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Stewart Chau

Stewart Chau

Stewart Chau est Directeur d’études chez Verian.

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Jean-Luc Demarty

Jean-Luc Demarty est ancien Directeur Général du Commerce Extérieur de la Commission Européenne (2011-2019), ancien Directeur Général Adjoint et Directeur Général de l'Agriculture de la Commission Européenne (2000-2010) et ancien Conseiller au cabinet de Jacques Delors (1981-1984; 1988-1995).

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Philippe d'Iribarne

Philippe d'Iribarne

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d'Iribarne est l'auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Il a notamment écrit Islamophobie, intoxication idéologique (2019, Albin Michel) et Le grand déclassement (2022, Albin Michel) ou L'islam devant la démocratie (Gallimard, 2013).

 

D'autres ouvrages publiés : La logique de l'honneur et L'étrangeté française sont devenus des classiques. Philippe d'Iribarne a publié avec Bernard Bourdin La nation : Une ressource d'avenir chez Artège éditions (2022).

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Atlantico : Au lendemain du premier tour des élections législatives anticipées, la France semble se diriger vers une situation politique complexe. D’aucuns craignent une impossibilité de gouverner. Dès lors, faut-il s’attendre à l’émergence de coalitions de gouvernement, notamment le canal historique des LR/RN ou le canal historique des LR/Renaissance/PS ?

Raul Magni-Berton : La situation vers laquelle nous nous dirigeons est complexe, au regard des habitudes de gouvernance française, mais cela ne signifie pas qu’il est nécessairement impossible de gouverner dans ce type de cas de figure. Nombre de nos voisins européens y parviennent. Ce qui est vrai, néanmoins, c’est que la France n’est pas du tout habituée à chercher des compromis ou à faire coalition ce qui rend l’exercice éminemment complexe. Ceci étant dit, il faut effectivement souligner qu’il existe des points sur lesquels le Rassemblement national et Les Républicains pourraient théoriquement se retrouver. Et sans avoir à faire coalition à proprement parler, on pourrait imaginer un scénario (pas si éloigné de ce que nous avons vécu ces dernières années) dans lequel un RN arrivé à Matignon et bénéficiant d’une majorité relative à l’Assemblée nationale soit contraint de se reposer sur des députés Les Républicains pour faire voter certains de ses textes. Dans d’autres cas de figure, quoique cela semble moins évident, il devrait peut-être s’appuyer sur certains élus issus des rangs de la gauche. Très concrètement, il gouvernerait donc seul, mais devrait négocier à chaque loi l’appui de l’une ou de l’autre formation.

Force est de constater, néanmoins, que le retour du front républicain risque de rendre ce type de stratégie très difficile à mettre en place.

Du reste, ainsi que vous l’évoquiez, la situation reste ouverte ; particulièrement si personne n’obtient de majorité absolue dimanche prochain. On peut légitimement s’attendre à l'émergence de quatre forces et l’essentiel des configurations peut s’envisager. D’autant plus dans le cadre des Républicains, de Renaissance et du Parti Socialiste… puisque les uns se désistent en faveur des autres pour éviter l’accession au pouvoir du Rassemblement national.


Philippe d’Iribarne : Permettez-moi de commencer par une comparaison avec les pays d’Europe du Nord où il est normal de trouver des accords avec les formations contre qui on a parfois fait campagne. En France, nous n’avons pas une vision très pragmatique de la politique, mais ce n’est pas une fatalité, en témoigne le cas de ces mêmes pays. Force est de constater, toutefois, que nous préférons prétendre agir au nom du “bien” et que le simple fait de défendre des intérêts n’est pas considéré comme une motivation suffisante ici. Il faut faire preuve, et sur ce point toutes les forces politiques se rejoignent, de raisons morales élevées pour justifier son action. Dès lors, toute notion de compromis devient une compromission et il n’est plus possible de faire de la politique de façon pragmatique. C’est d’autant plus difficile que nombreux, à gauche, conservent une forme de surmoi marxiste, qui est encore plus intransigeant avec ces compromissions et rejette toute tentative de dépasser les clivages. Aujourd’hui, nous assistons à la ré-émergence du clivage gauche-droite, dont l’opposition a aussi une dimension symbolique qu’il conviendrait de ne pas nier. Rappelez-vous ce qu’affirment souvent certains militants à gauche : quand quelqu’un dit qu’il n’est “ni de gauche, ni de droite”, ça veut souvent dire qu’il “est de droite” selon eux… D’aucuns auraient pu penser que Raphaël Glucksmann rendrait possible cette politique du pragmatisme. Il a préféré embrasser son surmoi marxiste plutôt que de prendre la tête d’un futur grand parti social-démocrate.

La réaction du champ politico-médiatique au rapprochement RN-Eric Ciotti illustre bien mon propos. Personne n’a abordé la question de façon pragmatique : on a tout de suite parlé de honte et de trahison. La discussion a immédiatement été déplacée sur le champ de la morale. Dans cette vision du monde, il existe un camp du bien, un camp du mal et il devient très complexe de gérer des situations difficiles de façon honnête et pragmatique. Toute alliance devient impossible même pour deux familles dont les idées se rejoignent pourtant, du fait de la portée symbolique dont il est ici question.

Ceci étant dit, je ne serais pas surpris qu’Eric Ciotti, en ce moment même, soit en train de travailler à une alliance avec le Rassemblement national. Je suis convaincu qu’il a gardé un certain nombre d’alliés au sein du canal historique de LR et, dans la mesure où le Rassemblement national n’aura probablement pas besoin de rallier énormément de gens… Seulement voilà, il y a deux façons de faire l’union, si je puis dire. Il y a la façon de la gauche, qui consiste à crier haut et fort que l’on fait l’union tout en ne se mettant d’accord sur rien ou presque et celle de la droite qui consiste à ne pas dire haut et fort qu’on fait l’union tout en se retirant en cas de triangulaire où l’on pourrait faire perdre l’autre, sans avoir à s’expliquer. C’est ce type d’alliance LR-RN qui me paraît le plus vraisemblable aujourd’hui. Une coalition allant de LR au PS en passant par Renaissance m’apparaît moins plausible puisqu’elle ne permettrait sans doute pas de remporter la majorité. Faute de carotte, je ne vois pas les socialistes se jeter dans les bras d’Emmanuel Macron et de LR après avoir choisi ceux de Jean-Luc Mélenchon dernièrement. Peut-être auraient-ils pu s’entendre avec Edouard Philippe, s’ils avaient tenté de reconstruire un parti social-démocrate à l’issue des européennes… mais ce n’est pas ce qu’ils ont fait.



Quels sont les points de convergence programmatique qui permettent les rapprochements que nous avons évoqué ? A quoi devrait ressembler le programme de l’une ou l’autre de ces deux coalitions ?


Raul Magni-Berton : 
Prenons le cas des Républicains et du Rassemblement national, pour commencer. Difficile d’ignorer l’intention qu’ils affichent l’un comme l’autre – quoiqu’ils n’envisagent pas nécessairement les mêmes méthodes – de réduction des dépenses dans la fonction publique. De même, le Rassemblement national et les Républicains militent en faveur d’une plus forte régulation de l’immigration ainsi que d’un renforcement des politiques sécuritaires appliquées. Ce sont des points communs que l’on peut imaginer mis en œuvre dans un programme de gouvernement. Il faudrait donc s’attendre à un renforcement de la police et à un traitement plus strict de la criminalité, à un durcissement des conditions d’immigration ainsi qu’à une réduction globale des dépenses publiques consacrées spécifiquement à la fonction publique. Les mesures les plus symboliques, celles qui concernent par exemple la bi-nationalité, ne seront sans doute pas appliquées : elles sont tout à la fois trop chargées symboliquement parlant et trop peu efficientes pour prendre le risque d’alimenter les tensions à ce sujet dans le cadre d’une coalition. Comme toujours, il s’agira de choisir la voie moyenne… et ce sont les sujets sur lesquels il est le plus difficile de se mettre d’accord.

Si l’on s’attarde maintenant sur le cas d’une coalition allant de LR au PS en passant Renaissance, il faudra peut-être s’attendre à plus de difficultés. La gauche et la droite ont moins de points d’attache et ce type de coalition entraînerait probablement un gouvernement incapable de procéder à des choix forts. Il lui faudra se mettre d’accord sur chacun des points, faire beaucoup de concessions… C’est une union qui se ferait plus en contre (c’est-à-dire par opposition au RN) qu’en pour.


Jean-Luc Demarty : La deuxième coalition présentée n’a, à mon avis, aucune crédibilité. Et pour cause : quels que soient les résultats de la semaine prochaine, il y aura nécessairement une majorité absolue RN + France Insoumise. Le total des sièges récupérés par le RN et la FI représentera plus de 289 parlementaires ce qui veut dire que la deuxième hypothèse évoquée ici n’a pas de crédibilité électorale. Aucune.

Du reste, encore faudrait-il que les uns et les autres aient présenté un programme politique à proprement parler pour pouvoir discuter des convergences programmatiques. Le Rassemblement national et le canal historique des Républicains se rejoignent, évidemment, sur les sujets régaliens – c’est-à-dire la question de la sécurité, de la maîtrise de l’immigration, de la discipline (notamment à l’école), de l’ordre dans la rue… Sur le plan économique, en revanche, il n’y a pas de point commun, quoique le RN ait mis de l’eau dans son vin depuis le début de la campagne. Il reste tout de même un programme de dépense publique, largement non financé par ailleurs, même s’il a peu réduit la voilure sur ce plan. Ne perdons pas de vue, en effet, la baisse de la TVA sur l’énergie et les carburants d’un côté ainsi que le recul sur la réforme des retraites de l’autre. Ce n’est pas du tout la ligne des Républicains, il faut bien le reconnaître, mais l’économie demeure, hélas, un détail dans les débats électoraux.

Soyons honnêtes : Jordan Bardella a compris qu’il fallait, pour ne pas se retrouver dans une situation catastrophique et inquiéter les marchés au point de faire grimper les taux d’intérêts, faire preuve d’un peu plus de prudence. Il cherche donc à donner des gages, mais en l’état actuel des choses, les points sur lesquels il consent ne sont pas suffisants. Il veut reculer sur la question des retraites, alors même que la réforme initiale d’Emmanuel Macron n’allait pas assez loin, et qu’il faudrait en vérité continuer à repousser l’âge de départ. Je crois que le problème de fond, en la matière, c’est le fait que Les Républicains n’aient pas su saisir leur occasion de monter une coalition avec Emmanuel Macron avec qui ils avaient beaucoup plus de points de convergence idéologique et programmatique, sur le plan économique. Cela résulte sans doute de l’arrogance du président de la République, de son excès de confiance en lui et de sa détestation des compromis qui réduiraient son pouvoir… mais LR n’a pas poussé non plus.

Il existe de véritables convergences (et des différences aussi, d’ailleurs) entre les macronistes et Les Républicains sur le plan économique. Une négociation sérieuse, sur la question de la dépense publique que le président a laissé filer, aurait pu donner lieu à une coalition solide. Je ne crois pas, cependant, qu’elle aurait pu incorporer le Parti socialiste, qui apparaît aujourd’hui incapable de faire quoique ce soit d’autre que de la relance keynesienne. L’appareil productif de la France n’est pas opérationnel en raison d’importants problèmes de compétitivité et par conséquent, une relance keynésienne ne ferait que créer des déséquilibres importants sur les importations.

Si je devais résumer mon propos, je dirais donc que je vois bien peu de convergences économiques entre LR et le RN, mais que LR aurait pu, s’il l’avait souhaité pousser en faveur d’une coalition avec la majorité présidentielle. Reste à savoir, désormais, s'il saura résister aux sirènes d’un Rassemblement national qui pourrait avoir besoin de ses sièges pour s’assurer sa majorité à l’Assemblée autant que pour se “meloniser” une fois arrivé au pouvoir. J’ai bien peur, malheureusement, que ce phénomène reste très limité.


Philippe d’Iribarne : Il va sans dire qu’il existe des divergences importantes entre le RN et les LR, mais depuis la tentative de rapprochement initiée par Ciotti, le Rassemblement national travaille activement à atténuer les points de contentieux potentiels… qui, pour l’essentiel, demeurent économiques. La question de la réforme des retraites vient immédiatement en tête, de même que les amendements que le RN semble prêt à prévoir pour son programme, qui vont dans le sens des LR. Bien évidemment, il faut aussi parler de tous les autres points de convergences, qui concernent la restauration de l’autorité, de l’ordre républicain dans la rue, de la sécurité, la lutte efficace contre l’immigration et l’islamisme. Tout cela constitue des points de rapprochement que nul ne saurait nier.

L’autre coalition que vous évoquez me semble nettement moins solide, programmatiquement parlant. Le PS et LR ne sont pas du tout d’accord sur la question économique. Le désaccord est total sur la durée de travail au cours de la vie, sur la bonne gestion de l’assurance chômage, de même que sur de nombreux sujets régaliens comme le traitement de l’immigration. Edouard Philippe affirmait récemment que l’islam “n’est pas une religion comme les autres”. Ce sont là des propos inacceptables pour une personnalité de gauche, qui rendent tout dialogue impossible et qui lui ont d’ailleurs valu d’importantes volées de bois vert. Dans ce contexte là, il devient impossible d’imaginer prendre le pouvoir ensemble, j’en ai peur.


Que dire des points de convergences sociologiques et électoraux qui pourraient exister entre les différentes composantes des coalitions précédemment évoquées ?

Raul Magni-Berton : Aussi étonnant que cela puisse paraître, les électeurs ayant la plus forte ressemblance sociologique se retrouvent au Rassemblement national et à la France Insoumise, au moins du point de vue du revenu. L’électorat du RN est un électorat plus pauvre que tous les autres tandis que celui des Républicains compte parmi les plus riches du pays (derrière l’électorat macroniste, pour être tout à fait exact). Cependant, il ne faut pas penser que cet électorat pauvre est le même d’un bout à l’autre de l’échiquier politique ! Du côté du Rassemblement national, on fait face à un électorat enraciné dans les zones rurales et périurbaines, qui ne bénéficient pas (ou peu) des services publics. A l’inverse, l’électorat d’extrême gauche est installé dans les zones urbaines et bénéficie d’un fort accès aux services publics. Pour le dire plus simplement, ces électeurs votent à l’extrême gauche quand ils ont l’espoir de bénéficier de davantage de services publics, de davantage de coups de pouce de l’Etat. Dans le cas contraire, quitte à ne pas avoir de services publics, ils sont nombreux à se dire qu’il vaudrait mieux payer moins. Tout ceci s’observe d’ailleurs de façon assez criante dans le programme des uns et des autres.

Pour en revenir à la première coalition dont nous avons discuté, c’est-à-dire celle associant LR et RN, il faut préciser que les convergences sociologiques et électorales ne sont pas tout à fait flagrantes de prime abord. Les points qui rapprochent le plus ces électorats sont géographiques et idéologiques : il y a bien sûr la dimension rurale, que nous avons évoquée, et puis le caractère conservateur qui est généralement assez partagé. Pour le reste, il y a tout de même de gros écarts d’intérêts, notamment financiers. Pour autant, il reste plus simple de rapprocher le RN et les LR  que de rapprocher le LR, Renaissance et le PS. C’est une question purement mathématique : trois formations politiques impliquent trois électorats différents, et donc potentiellement plus de points de fractures.


Philippe d’Iribarne : J’aurais tendance à penser que, sociologiquement, LR est plus proche de Reconquête que du Rassemblement national. Pour autant, soulignons que le Rassemblement national de Bardella a moins de mal à intégrer Marion Maréchal que ne l’aurait fait Marine Le Pen. J’ai l’impression qu’il permet un élargissement réel du RN, ce qui va de pair avec un changement de position et d’axe plus bourgeois, plus en accord avec l’électorat qu’a pu mobiliser Eric Zemmour à la dernière élection présidentielle. Si c’est bel et bien le cas, nous avons des raisons de penser que le RN et LR ne seraient plus si éloignés sociologiquement.


Peut-on penser que de telles coalitions sont probables quand on sait les relations entretenues par les cadres des partis concernés ; celles entretenues également par les militants et les sympathisants ?

Stewart Chau : Très clairement, il existe un clivage au sein même de l’électorat LR qui, rappelons-le, a considérablement changé ces dernières années. Une grande partie des anciens LR ont basculé dans le macronisme avec un certain nombre de poids lourds des Républicains tandis que d’autres soutiennent aujourd’hui la piste d’une potentielle alliance avec le Rassemblement national, après la tentative de rapprochement initiée par Eric Ciotti. Nous ne disposons pas de chiffres précis permettant d’affirmer que, parmi les 8% d’électeurs LR qui sont restés au sein du parti, il existe une aspiration réelle et majoritaire à faire alliance avec le RN. Un nombre certain d’entre eux demeurent attachés à la tradition gaulliste et chiraquienne de cette famille politique et sont donc complètement hermétiques à l’idée même d’une telle union. D’un autre côté, certains ont le sentiment que cette union constituerait une solution moins pire que de permettre l’élection de LFI, au regard des aspirations qu’ils nourrissent notamment sur les questions régaliennes d’immigration et de sécurité. A cela s’ajoute le fait que, du côté des cadres du parti LR, beaucoup souhaitent sans doute éviter la dilution de leur famille politique dans celle de Marine Le Pen et, ainsi, organiser la disparition d’un parti républicain à droite de l’échiquier politique.

Concernant la coalition LR-Renaissance-PS, j’ai également de raison de penser qu’elle répondrait aux aspirations d’une partie de ces électeurs. Tout particulièrement face au fait accompli d’une Assemblée jugée ingouvernable et qui jugeraient donc qu’il est de leur responsabilité de rendre possible l’avènement d’un gouvernement d’union nationale. C’est d’ailleurs, me semble-t-il, la stratégie du président de la République, qui a l’air de considérer que s’il perd, chacun aura également perdu et devra composer avec les conséquences de cette défaite. Un certain nombre d’électeurs responsables et modérés seraient prêts à soutenir, sur le fait accompli, une telle stratégie. N’oublions pas que, devant les micros de TF1, le Premier ministre a quelque peu entrouvert la voie à ce type d’union.

Dans un cas comme dans l’autre, j’ai tendance à penser que nous nous dirigeons vers une assemblée difficile à gouverner et que l’hypothèse d’une union nationale est envisagée. Pour certains, elle repose sur des conditions impossibles à mettre en place, mais j’ai bon espoir que, face à la crise que nous traversons, nos responsables politiques soient assez lucides pour reconnaître qu’on ne peut pas abandonner notre pays sans gouvernement. L’idée d’une coalition LR-Renaissance-PS m’apparaît plus simple à imaginer que celle d’une majorité absolue LR-RN, qui ouvrirait les portes de Matignon au Rassemblement national.


Raul Magni-Berton : Pour l’heure, j’ai tendance à penser que les cadres LR se sont considérablement éloignés du Rassemblement national en acceptant (pour l’essentiel d’entre eux) la réinstauration du barrage républicain et en participant à l’idée de désistements au détriment du RN. Je ne crois pas, néanmoins, que cela signifie qu’ils mettraient nécessairement des bâtons dans les roues du Rassemblement national, si celui-ci devait effectivement en arriver à diriger. Ils le laisseraient sans doute gouverner, faire passer les mesures communes, sans pour autant avoir recours à une coalition à proprement parler. Pour ce qui est des électeurs RN et LR, force est de constater qu’il n’existe pas entre eux la même animosité. Bien sûr, certains des militants et sympathisants LR, ceux qui demeurent ancrés dans une certaine tradition libérale et restent attachés à la division des pouvoirs, ont fait part de leur inquiétude. Ils se vivent en rempart contre ce que le RN représente à leurs yeux, mais ils ne représentent pas nécessairement la majorité de leur mouvement.

Concernant la coalition LR-Renaissance-PS, elle m’apparaît déjà moins difficile à mettre en place. Les cadres ne sont pas aussi brouillés et le stigmate n’est pas là. Cela ne veut pas dire que ce sera simple : cela nécessitera d’obtenir les chiffres nécessaires pour y parvenir et c’est un arrangement qui finira très probablement en gouvernement minoritaire de gauche, avec appui des deux autres formations de la coalition.

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