Souverainisme, russophilie, syndicats : pourquoi l'insoumis Andrea Kotarac ne soutient pas LFI mais RN aux européennes

Atlantico : Andrea Kotarac, conseiller régional LFI de la région Auvergne-Rhônes-Alpes a annoncé qu’il voterait pour la liste de Jordan Bardella lors des prochaines élections européennes parce qu’il s’agissait aujourd’hui de la seule liste authentiquement souverainiste. S’agit-il d’un cas isolé ou d’une tendance de fond ?

Sylvain Boulouque : C’est un cas isolé, même s’il y a déjà des précédents, par exemple Fabien Engelmann passé par le NPA et Lutte Ouvrière avant de rejoindre le Front National. Il faut de toute façon relativiser ces changements de camps très médiatisés : dès qu’il y a un obscur conseiller municipal qui rompt avec sa famille politique, cela devient un peu facilement une affaire de premier plan. Dans notre cas, cela ne traduit pas du tout la ligne de la LFI. Cependant, il y a des éléments qui, dans certaines têtes confuses, peuvent faciliter le passage d’un camp à l’autre. Notamment l’antimacronisme, une façon de s’opposer à l’Union européenne, une volonté de s’opposer au système… mais les différences entre RN et LFI sont tellement importantes dans l’ensemble – rien que sur la question de l’immigration – que cela n’est en rien révélateur d’un système. Dans ce cas, on a une individualité qui reprend le discours du RN contre LFI pour justifier le passage d’un pôle à un autre.

Au sein de LFI, il semble malgré tout y avoir eu des remous entre une ligne souverainiste et laïque face à une tendance majoritaire plus communautariste ces derniers temps pourtant…

Il y a trois grandes tendances au sein de LFI : une tendance d’abord qui veut favoriser toute les lignes minoritaires : elle serait pour certains militants de la ligne du parti des Indigènes de la République (avec des personnalités comme Danièle Obono). A l’opposée, il y avait une tendance qui aujourd’hui a complètement disparu, celle de Djordje Kuzmanovic notamment, qui prône une ligne souverainiste et qui a eu une certain influence à un moment sur Jean-Luc Mélenchon. Cette frange rédigeait certains des discours les plus orientés contre les Etats-Unis notamment avec une frange très américaine. Après, il y a une troisième ligne qui est la ligne majoritaire à LFI qui est celle d’anciens militants socialistes. C’est une ligne laïcarde, très anticléricale, internationaliste et pas forcément proche des communautaristes. Cette frange est peu perméable aux deux autres discours, celui du soutien aux minorités, et celui de la souveraineté nationale.

Andréa Kotarac avait par ailleurs été décrié pour son passage à un sommet russe en Crimée il y a quelques jours, et on parle du rôle de syndicats dans ce changement de cap…

Kotarac c’est rendu tout seul à une invitation de services extérieurs de la Russie. C’est seulement dans la dernière ligne droite de la campagne électorale actuelle qu’il annonce son ralliement au RN. Visiblement, ce ralliement était prévu antérieurement, et n’avait pas été annoncé publiquement. Sa ligne, pro-russe et souverainiste, explique très clairement ce ralliement brutal.