"#SNCF mon amour !" : dans le train, l'enfer, c'est les autres...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
"#SNCF mon amour !" : dans le train, l'enfer, c'est les autres...
©DR

Bonnes feuilles

Depuis dix ans, Valérie prend le train en gare de Rouen, à 7h59, direction la capitale ! Si tout va bien, elle arrive à 9h15 à la gare Saint-Lazare, rebaptisée Saint-Bazar par les habitués. Si tout va bien... car les épreuves en tout genre ne manquent pas ! Entre les retards, les suppressions de rames, les grèves, les incivilités et des usagers aussi fatigués que fatigants, les journées sont parfois longues... Les chroniques ferroviaires 100% authentiques d'une femme appartenant aux millions d'usagers qui se rendent quotidiennement sur le lieu de travail en train, Transilien ou RER ! Extrait de "#SNCF mon amour !" de Valérie Duclos, aux éditions Michalon 2/2

Valérie Duclos

Valérie Duclos

Valérie Duclos est journaliste. Elle dirige le service Art de vivre de Version Femina et a publié de nombreux livres goumands et pratiques (First éditions, Mango, Hachette pratique...).

Voir la bio »

#Cause toujours

Dans mon train d’ailleurs, il y a des couples ou des gens qui voyagent deux par deux. Et dans les duos, il y en a toujours un qui parle pour deux. Imaginez le nombre de matins où le voyage est pollué par une femme qui sait tout mieux que tout le monde…

"Je leur avais bien dit, à la direction, mais ils ne veulent jamais m’écouter !"

Commence donc par t’écouter toi-même et réfléchis avant de parler ! Ta direction doit avoir envie, tout comme moi, de te passer par la fenêtre !

Les pipelettes, je les repère dès le quai de la gare. Elles sont au taquet, réveillées depuis 6h du matin, brushing impeccable, ongles faits, tenue savamment pensée pour monter à la capitale le temps d’un séminaire, d’une réunion avec les grands patrons… Et ça parle, ça parle ! Parce qu’en fait, elles angoissent, les pipelettes. Au lieu de réfléchir à ce qui les attend, de se concentrer sur une journée peut-être décisive pour leur avenir, elles parlent et parlent encore.

Il y a les pipelettes et les "grands n’importe quoi".

Monique est avec sa copine Josiane. C’est le débat du siècle, la conférence de presse à ne pas manquer.

– Les régimes, ça fait pas maigrir !

Incroyable mais vrai, il y a des gens comme cela, dans la vraie vie, qui détiennent des vérités foudroyantes.

Monique, 80 kilos à ma droite, philosophe avec Josiane, 75 kilos bien tassés à ma gauche, et pendant 1h10 de trajet, tout en se goinfrant de biscuits pour gamins, elles vont échanger sur tous les régimes qu’elles ont essayés. Elles sont copines avec Dukan, Cohen, Weight Watchers (mais elles n’ont pas bien compris l’histoire des points !). Dès qu’une jolie fille passe dans le couloir, le duo infernal balance : "Ben moi, ça, ça ne me fait pas rêver !" Menteuses.

Et des comme ça, il y en a presque tous les jours ou presque ! Les brèves de comptoirs sont célèbres. Les brèves de rails existent aussi.

(...)

Le mardi matin suivant, le wagon est quasiment vide. Dans ce cas, chacun va là où le cœur lui en dit, sans faire vraiment attention aux places réservées, sachant que les employés du rail n’ont pas toujours le temps de mettre les petits papiers en place.

Malgré tout, il leur fallait leurs places réservées. Un couple d’Allemands. Un accent à couper au couteau. Un sac à dos XXL avec des bouteilles d’eau de chaque côté, des cartes…

Mais où partent-ils donc tous les deux ?

Ils ont la cinquantaine grisonnante. Elle a attaché ses cheveux avec des petites pinces en plastique en forme de papillons. Artifice adorable dans la chevelure d’une enfant mais là, proprement ridicule. À peine installée, elle organise sa tablette. Bouteille d’eau : OK. Tasse de café en carton : OK. Canette de je-ne-sais-pas-quoi : OK. Tout est prêt pour l’expédition du siècle. Faut-il lui rappeler que le voyage durera dans le meilleur des cas 1h10 ? Cela dit, elle a fondamentalement raison, il peut aussi durer, dans le pire des cas, 5-6 heures. Comme un Paris-New-York, en quelque sorte.

C’est sans oublier le sandwich, qu’elle sort de son sac de victuailles. Chien crevé, rat écrasé, je ne sais ce qu’il y a dans le sandwich, mais l’odeur est terrible à 8h du matin. Et elle mange, tandis que lui parle la bouche pleine.

Mes proches le savent, c’est quelque chose qui me rend folle, mon minimum légal dans le domaine de l’éducation : on ne parle pas la bouche pleine. A-t-on quelque chose de si capital à dire que cela ne puisse attendre la fin de la mastication ? J’ai sans doute été très dure avec mes enfants pour leur inculquer cela mais c’est capital. La base, l’essentiel, en tous les cas sous mon toit.

Maintenant elle lèche ses doigts bruyamment, ouvre une canette et se verse – il est 8h15 – un petit verre de vin blanc. Ce que je pensais être une boisson énergisante est en fait un petit vin blanc sec. Prévoyante, la grande voyageuse en a deux. Au cas où.

Le sandwich au rat crevé terminé, le couple en sort un autre. Au pâté, je pense (le simple fait de l’écrire me donne encore des nausées tant le "parfum" était écœurant).

Je craque. Je n’en peux plus. Je veux un wagon pour moi. Une voiture avec chauffeur. Un hélicoptère. J’adore mon job, les gens avec qui je travaille, ma petite vie parisienne… mais franchement, certains matins ne sont pas humains.

Et pour ajouter à ma mauvaise humeur, pas de contrôleur en vue. Deuxième jour cette semaine sans présence du képi. Combien de billets achetés, compostés et jamais contrôlés ? Après "Où sont les femmes ?", les usagers de la ligne Le Havre-Paris vont chanter "Où sont les contrôleurs ?". Est-ce la polémique autour des rames trop grandes qui les fait tout petits, quasi invisibles depuis quelques jours ? C’est sûr que le buzz sur les réseaux sociaux ne cesse d’enfler. Tête de vache arrachée, billet de train XXL (parce que la SNCF aurait confondu millimètres avec centimètres), nouvel uniforme trop grand… La blague est conjuguée à l’infini. Elle ne durera qu’un temps.

Extrait de "#SNCF mon amour !" de Valérie Duclos, publié aux éditions Michalon, le 3 novembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !