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Signé un 13 décembre... Le contournement du Non français de 2005 par le traité de Lisbonne s'est-il retourné contre l'Europe ?
©Reuters

Spin off

En mai 2005, Jacques Chirac organise un référendum concernant la ratification d'un traité européen. La majorité des Français rejettent le traité, à 55%, mais deux ans plus tard Nicolas Sarkozy le renégocie et le ratifie en passant par le parlement. Sans être responsable du désamour des Français pour leurs politiques, ce traité est emblématique de la situation qui oppose les citoyens à leurs élus.

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Il y a tout juste huit ans, la France signe le traité de Lisbonne dans une atmosphère tendue.  La cause de cette tension est connue : quelques années auparavant, Chirac avait décidé de soumettre à référendum le traité constitutionnel pour l’Union Européenne. Le référendum de mai 2005 avait rejeté la ratification du traité, avec une majorité confortable (55%). Une nouvelle version du traité avait alors été renégociée au sein de l’Union, et ratifiée en France par le parlement en 2008.

La ratification du traité par voie parlementaire n’est certainement pas, en soi, un problème français. Hormis l’Irlande, aucun pays de l’Union n’a eu recours au référendum pour le traité de Lisbonne. Le courroux français, partagé par les hollandais, résidait plutôt dans le changement de procédure employée. Le référendum avait rejeté un texte, le parlement en avait accepté un autre assez proche à peine deux ans et demi plus tard. Il est donc facile de diagnostiquer une fracture entre élites politiques et électeurs. D’autant plus que les sondages indiquaient que 7 français sur 10 souhaitaient un autre référendum.

Est-ce un coup de force ? Non. Tout cela est parfaitement compatible avec le fonctionnement du système politique français, où les décisions importantes sont prises par le parlement, mais avec une possibilité, pour le président, de les soumettre à un référendum contraignant. Autrement dit, c’est le choix de Chirac qui était exceptionnel, et non celui de Sarkozy trois ans plus tard.

Il s’agit alors peut-être d’une fatale maladresse ? Non plus. Il est vrai que les enquêtes internationales indiquent que seulement 13% des français en 2014 font confiance en leur politiciens – ce qui les rend particulièrement méfiants par rapport à leurs voisins. Néanmoins, on ne peut pas dire que le traité de Lisbonne y soit pour beaucoup, puisque en 2004, avant les évènements, les politiciens inspiraient la confiance à seulement 16% des français. Les élites politiques françaises étaient mal vues bien avant cet évènement.

Le traité de Lisbonne, toutefois, s’il n’est pas la cause d’un mal-être français, il en est sans doute le symbole. Symbole d’un débat entre ceux qui pensent qu’il faut donner plus de poids aux électeurs et ceux qui se méfient de la capacité des citoyens à prendre des décisions sur des sujets techniques et complexes. La tendance de la plupart des hommes politiques français à adopter la deuxième opinion, est probablement l’une des causes de leur discrédit en France.

Pour alimenter ce débat, il est utile de voir ce qui se passe ailleurs. Trois pays en Europe de l’ouest sont constitutionnellement obligés de soumettre à référendum toute décision importante, telle que des changements constitutionnels ou des délégations de pouvoirs à des organisations supranationales. Il s’agit de la Suisse, le Danemark et l’Irlande.

Ces trois pays ont fait trois choix différents lors des référendums sur l’UE. Les Suisses ont refusé d’entrer dans l’UE. Ils étaient presque 77% à dire "non" en 2001 à une éventuelle candidature. Ils ont néanmoins dit "oui" à Schengen et à d’autres accords avec l’UE.

Les Danois sont entrés dans l’UE, mais ont refusé plusieurs aspects de l’intégration, dont l’euro. Après avoir dit "oui" aux premières étapes de l’Union Européenne, ils ont refusé le traité de Maastricht avec une très petite majorité. L’UE leur a alors offert quatre options de retrait – qui leurs permettent d’être plus indépendants de l’UE que les autres membres – suite de quoi les Danois ont voté "oui" au traité. Ils approuvent quelques années plus tard le traité d’Amsterdam en 1998, mais rejettent l’Euro en 2000.

Enfin, les Irlandais ont voté souvent "oui" : en 1972, 1986, 1992, 1998, 2002. En 2008, pour le traité de Lisbonne, l’Irlande est le seul pays à organiser un référendum, puisqu’il y est obligé. 53% des irlandais rejettent le traité. La décision étant contraignante, l’Irlande se voit alors offrir une plus grande indépendance de l’UE, et l’offre plait aux irlandais qui votent à 67% en faveur du Traité en 2009.

Ces trois pays, obligés par leurs propres constitutions à accepter les décisions de leurs électeurs, ont aujourd’hui trois points en commun. D’abord, ils font partie du très petit nombre de pays qui bénéficient d’une plus ou moins grande indépendance vis-à-vis de l’UE, tout en s’intégrant aux politiques communautaires. En outre, ces pays se portent plutôt bien économiquement, bien mieux que la moyenne des pays européens. Enfin, ils ont une confiance dans leurs élites assez exceptionnelle. En 2014, un suisse sur deux a confiance – ce qui fait de ce pays le plus confiant d’Europe – suivi de près par les danois (45%). En Irlande, "seulement" une personne sur trois est confiante dans leurs politiciens, soit presque trois fois plus qu’en France.

Ces observations ne sont que des exemples de ce que de nombreuses études scientifiques ont déjà montré : donner aux électeurs la possibilité de prendre des décisions décisives et complexes ne réduit pas la performance politique et économique des pays. Sur plusieurs points, c’est plutôt le contraire qui se produit, notamment la capacité à limiter les déficits publics. La crainte des choix électoraux – qui sont à la base du choix de Sarkozy de s’abstenir de soumettre le traité de Lisbonne à référendum - sont de fait largement surestimées.

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