Sièges éjectables : Manuel Valls contre Christiane Taubira, qui François Hollande devrait-il débarquer en premier ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les ministres Manuel Valls et Christiane Taubira.
Les ministres Manuel Valls et Christiane Taubira.
©Reuters

Maillon faible

La publication par "Le Monde" d'une note très critique de Manuel Valls adressée à François Hollande au sujet du projet de réforme pénale de Christiane Taubira a fait polémique.

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico.fr : Mardi 13 août, la publication par "Le Monde" d'une note très critique de Manuel Valls adressée à François Hollande au sujet du projet de réforme pénale de Christiane Taubira a fait polémique. La ligne de fermeté du ministre de l'Intérieur paraît de plus en plus incompatible avec la politique pénale de la ministre de la Justice. Si François Hollande devait trancher entre ces deux ministres, lequel d'entre eux choisirait-il de virer en premier ?

Thomas Guénolé : Tout dépendrait des critères qu’il retiendrait alors pour prendre sa décision. S’il privilégiait la popularité dans l’électorat total, il aurait à garder Manuel Valls. S’il privilégiait la popularité dans l’électorat de gauche, il aurait à garder Christiane Taubira. S’il privilégiait l’efficacité dans les relations publiques et les campagnes de médiatisation, il aurait à garder Manuel Valls. Et s’il privilégiait l’efficacité dans la conduite des réformes, il aurait à garder Christiane Taubira.

François Hollande peut-il se permettre de se priver de son ministre le plus populaire ?

Oui. Au bout d’un an, le bilan ministériel de Manuel Valls est encore assez maigre. Il n’y aurait donc ni groupe d’intérêt ni clientèle pour prendre sa défense s’il était limogé. Tout au plus y aurait-il quelques semaines d’agitation médiatique, alimentée par les relais de Manuel Valls dans les médias. Au demeurant, s’il est le ministre le plus populaire du gouvernement, c’est parce qu’il a une popularité correcte à gauche mais surtout très forte à droite. L’insatisfaction dans l’opinion publique en cas de limogeage de Manuel Valls se situerait donc essentiellement chez un électorat qui ne vote jamais socialiste.

Quels seraient les avantages et les inconvénients d'un limogeage de Manuel Valls ?

Dans la mesure où il a pris répétitivement la pose d’une alternative à l’actuel Premier ministre voire à l’actuel président, le limoger pour manque de respect de la hiérarchie constituerait une très forte affirmation de l’autorité de François Hollande sur l’équipe gouvernementale. Ce serait l’équivalent du « Je décide, il exécute » de Jacques Chirac, en bien plus tranchant. Pour autant, Manuel Valls chercherait immédiatement à s’ériger dans les médias en pire critique du président, équivalent à gauche de ce que Dominique de Villepin fut à Nicolas Sarkozy pendant le quinquennat de ce dernier.

Quels seraient les avantages et les inconvénients d'un limogeage de Christiane Taubira ?

Malgré sa maladresse dans ses récentes déclarations au New York Times, personne ne comprendrait un limogeage de la ministre de la Justice. Elle est en effet très respectée dans l’électorat de gauche pour son efficacité et sa pugnacité, face à l’opposition en général et face aux opposants au mariage des couples de même sexe en particulier.

Les deux ministres peuvent-il malgré tout continuer à cohabiter dans le même gouvernement ? Comment ?

Au delà des personnes, c’est une cohabitation entre deux lignes du PS en matière de sécurité. La ligne Taubira réhabilite la position traditionnelle de la gauche sur la criminalité et la délinquance. D’une part, elle explique d’abord la criminalité par la pauvreté, ce qui est statistiquement vrai en dehors des maffias et des gangs professionnels. D’autre part, elle privilégie la réinsertion et la prévention sur la répression. La ligne Valls, au contraire, est calquée sur la ligne Sarkozy du temps où celui-ci était ministre de l’Intérieur, avant la lepénisation de 2007 sous l’angle de « l’identité nationale ». En pratique, il est parfaitement possible que ces deux ministres, tenants de ces deux lignes, cohabitent dans le même gouvernement. Après tout, il y a déjà eu des attelages plus aberrants dans des gouvernements de gauche. Par exemple, dans les années quatre-vingts, Jacques Delors et Jean-Pierre Chevènement participaient au même gouvernement alors que leurs positions sur la politique économique étaient totalement incompatibles.

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