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Si vous espériez que le nombre record de prêts immobiliers en 2016 allège la crise du logement, vous serez déçu et voici pourquoi
©Reuters

Effet de loupe

Selon toute vraisemblance, l'année 2016 sera marquée par un nouveau record en ce qui concerne les crédits immobiliers accordés aux Français. Mais ces résultats dopés par les taux bas ne signifient pas pour autant une explosion du nombre de propriétaires.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Alors que l'année 2015 avait été particulièrement florissante pour le secteur immobilier (203 milliards de crédits immobiliers accordés), les chiffres de 2016 devraient être du même acabit, voire même encore meilleurs à en croire Les Echos. Comment expliquer cet engouement pour le crédit immobilier ? Les taux bas actuels sont-ils la seule explication ?

Philippe Crevel : Les taux bas constituent évidemment un facteur positif pour l'immobilier, il y a toujours eu une corrélation prouvée entre taux du crédit et marché immobilier. Le fait que l'on ait battu des taux historiquement bas pour le crédit (taux à 10 ans inférieur à 1%, taux à 15 ans autour de 1,2%) a évidemment été un phénomène sans précédent qui a permis un regain sur ce marché.

Le deuxième facteur explicatif, c'est que les Français ont toujours une forte appétence pour le placement immobilier, et qu'il y a eu des dispositifs fiscaux attractifs, en particulier le Pinel qui a remplacé le Duflot (extrêmement mal noté et mal-aimé). Le fait que l'on puisse faire de la pierre défiscalisée, ça fait plaisir aux Français qui se sont lancés dans ce type d'opérations en 2016. J'ajouterais un troisième grand facteur. En effet, les autres placements sont moins attractifs (Livret A, etc.) De ce fait, les Français considèrent que l'immobilier demeure un bon placement, contribuant ainsi aux bons résultats de 2016.

Que peut-on dire du profil de ces nouveaux acheteurs ? S'agit-il de personnes qui n'avaient pas les moyens d'acheter un logement avant, et qui profitent de ces taux bas pour avoir accès au logement ? Ou ces taux ne sont-ils qu'un effet d'aubaine pour des ménages qui avaient déjà de l'épargne de côté et qui en ont profité pour investir dans l'immobilier ?

L'effet d'aubaine est important en matière immobilière ces derniers temps. Il y a peu de primo-accédants sur le marché du fait des prix très élevés et des salaires faibles des jeunes actifs, voire de leur situation précaire. C'est donc plutôt un marché de revente et de rachat, un marché extrêmement fragile en tant que tel car il dépend du prix de revente et des conditions de rachat.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'il y a un vrai effet de loupe concernant cette hausse des crédits à l'immobilier. En 2016, 54% des prêts immobiliers accordés constituaient en réalité des renégociations de prêts...

Selon vous, la progression du crédit immobilier pourra-t-elle perdurer à une telle cadence dans un futur proche ? L'accès au logement ne risque-t-il pas de se rétracter avec une éventuelle hausse des taux que beaucoup annoncent pour 2017 ?

L'immobilier étant très sensible aux variations de taux, il est évident qu'un relèvement important de ces taux casserait ce marché qui reste relativement fragile. Structurellement, sur une longue tendance, ce marché devrait baisser en France, mais il est artificiellement dopé par les taux bas.

Il devrait baisser d'une part en raison du vieillissement de la population (facteur très important). Au Japon comme en Allemagne, les prix ont ainsi baissé du fait de la baisse de la population, et il n'y a pas de raison que cela ne s'applique pas aux autres pays européens dont la France. D'autre part, les prix de l'immobilier sont à la hausse car les besoins se concentrent sur les petites surfaces (il y a en effet de moins en moins de grandes familles). Tout ceci devrait se normaliser dans les prochaines années et la demande sur les petites surfaces devrait baisser.

Pour 2017, je ne crois pas à la forte hausse des taux. La BCE va faire le nécessaire pour maintenir les taux relativement bas. Nous terminons 2016 au même niveau où nous l'avons commencé, il y a simplement eu un point bas atteint autour du mois de juillet. Depuis, la hausse reste très modeste au regard de la longue période de taux bas. L’augmentation n'est pas pour le moment synonyme de rupture du marché de l'immobilier. Il faudrait que les taux réels reviennent autour de 3-4%, là il y aurait effectivement un problème...

En revanche, il n'y aura certainement pas d'expansion du marché de l'immobilier, surtout qu'il y aura des facteurs politiques qui pourront jouer contre l'immobilier. Il y aura en effet d'importantes élections, avec des refontes fiscales attendues sur les plus-values. Certains attendront le passage de la loi, de même que le sort réservé à l'ISF. Le marché reste donc d'être assez attentiste jusqu'à la fin de l'été, le temps que les premières mesures fiscales soient adoptées. On peut donc s'attendre à un petit repli de l'immobilier par attentisme, même si un rebond peut aussi s'effectuer si les mesures fiscales décidées sont bénéfiques pour le secteur.

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