Savoir jouir ou simuler : un "savoir-faire" indispensable pour s'intégrer en société<!-- --> | Atlantico.fr
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"Plus de tabous : la libido, débarrassée de ses embarrassantes conséquences procréatrices, est libre, naturelle et innocente."
"Plus de tabous : la libido, débarrassée de ses embarrassantes conséquences procréatrices, est libre, naturelle et innocente."
©Flickr/3EyePanda

Oh oui !

Plus de tabous : notre sexualité se doit d'être li-bé-rée ! Corinne Maier explique que fellation, bisexualité et orgasmes systématiques sont devenus les données obligatoires de l'équation érotique moderne. Pour ne pas passer pour une "frigide", une solution : savoir faire semblant... Extrait du "Petit manuel du parfait arriviste" (2/2).

Corinne Maier

Corinne Maier

Corinne Maier est psychanalyste et essayiste.

Elle est l'auteur, notamment, du livre "Petit manuel du parfait arriviste" aux éditions Flammarion.

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Ah jouir, le pied ! Vous serez un adepte de la mythique révolution sexuelle qui continue à propager ses ondes de choc. Puisque l’humanité a tourné la page des rapports fades et codifiés, vous voilà l’héritier pétulant de Henry Miller, le petit-fils décomplexé de Sade, la disciple débridée de Catherine Millet. Plus de tabous : la libido, débarrassée de ses embarrassantes conséquences procréatrices, est libre, naturelle et innocente. Comme chez nos amies les bêtes : les êtres humains ne sont-ils pas avant tout des animaux ? Des singes bonobos, ces sympathiques animaux débonnaires qui baisent à tout-va dans les arbres ? Vous montrerez une ferveur jamais démentie dans les explorations physiologiques et les progressions épidermiques. Si l’on en croit de nombreux romans (souvent écrits par des hommes), la femme moderne pratique spontanément la fellation, qui ajoute un petit plus à la situation et amorce une relation sexuelle satisfaisante. Lectrice, vous aussi vous devrez de faire des gâteries à votre partenaire afin de l’aider à être performant. Il est hanté par le spectre de la débandade, préoccupé par la taille de son pénis, convaincu que les hommes sexuellement maladroits sont les équivalents des bureaucrates d’une économie dirigée. Il a si peur de la panne – ne pas assurer, quelle humiliation !

Libérée, oui, vous êtes libérée ! Vous vous libérerez à chaque instant. Lectrice, au lit vous serez hyperactive, et vous vous hâterez d’essayer toutes les positions connues de l’espèce. Ne pas pour autant vous conduire comme une grosse vicieuse, car cela nuirait à l’image de la femme. Ni prude ni salope devra être votre devise. Pas facile. Vous naviguerez entre les deux écueils qui sont 1) Les sous-vêtements soviétiques d’une décourageante austérité ; 2) L’approche directe sans préambule, du style : « On baise tout de suite ? Sinon je rentre chez moi, il commence
à se faire tard et j’ai une réunion demain. » La félicité sexuelle est le droit de tout un chacun. Pour une femme, prendre son pied au lit est même un devoir moral. Car les mœurs ont évolué. Nos grands-mères, qui parlaient du devoir conjugal, ne savaient pas jouir ; nous, oui, nous nous sommes réapproprié notre sexualité, ce territoire négligé du féminin. Vous ne sentez rien au moment de l’acte ? Vous ferez semblant ; c’est le plus vieil artifice féminin du monde. Meg Ryan, dans le film Quand Harry rencontre Sally, vous a montré comment pousser des râles langoureux pour feindre l’orgasme. Des études prouvent que la durée moyenne d’un rapport sexuel après pénétration est de seulement trois minutes, alors vous n’aurez pas à gémir bien longtemps.

Tout échec orgasmique est un Waterloo idéologique pour les tenants de la sexologie de la libération. Pourtant, vous ne lésinerez jamais sur la lingerie fine, le champagne, l’encens, les parfums, les huiles, les sex-toys, les bains moussants. Alors, pourquoi l’équation érotique de la nuit vous échappe-t-elle ? C’est peut-être parce que nous vivons dans un monde sexuellement opprimé, sous le sombre esclavage du catholicisme, du fondamentalisme et de l’ignorance. Mais cela n’explique pas tout ; souffririez-vous d’un problème de libido ? D’un blocage ? Peut-être n’assumez-
vous pas votre part masculine. C’est bien connu, chacun porte en lui une bisexualité variable ; nous sommes tous en même temps homme et femme, avec des proportions inégales. Être bi, c’est le B-A BA d’une trajectoire érotique réussie.

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Extrait de "Petit manuel du parfait arriviste", éditions Flammarion, septembre 2012.

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