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Risque sanitaire : dis-moi pour qui tu votes, je te dirai ce que tu manges
©EMILY KASK / AFP

Influence

Une nouvelle étude montre que des messages marketing incompatibles avec nos valeurs peuvent nous amener à considérer un produit alimentaire comme moins sain.

Benjamin Boeuf

Benjamin Boeuf

Benjamin Boeuf est professeur associé de marketing à l'IÉSEG School of Management (campus de Paris). Il est rédacteur associé à l'European Journal of Marketing.

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Atlantico.fr : Vous avez récemment publié une étude sur les liens entre l'appartenance politique et la perception du risque alimentaire en fonction des messages marketing. Quelle est la conclusion principale de votre étude sur ce point ? 

Benjamin Boeuf : La conclusion principale de l'étude c'est que le consommateur est impacté par son idéologie politique, c'est-à-dire entre libéral et conservateur. L'entreprise va jouer via son marketing et son message de communication sur l'idéologie politique des individus. Par exemple, beaucoup d'entreprises dans le domaine de l'agro-alimentaire diffusent des messages sur la diversité pour attirer une clientèle plus libérale. Inversement, d'autres entreprises communiqueront sur des valeurs plus conservatrices telles que la nation, la famille... 

Ainsi, d'après l'étude, lorsqu'une marque utilise des valeurs politiques, idéologiques cela peut avoir un impact négatif pour ceux qui ne les partagent pas. Cet effet, je l'ai observé principalement sur des questions de santé. 

En effet, si jamais une entreprise utilise une communication avec des valeurs idéologiques libérales, les conservateurs estimeront que la nourriture est plus dangereuse pour leur santé (cancer, obésité, maladie cardio-vasculaires....). 

A contrario, il n'y pas d'effet positif pour ceux qui partagent les valeurs :  si je suis libéral, que l'entreprise fait une communication libérale mais sans base scientifique, cela n'aura pas d'effet sur ma perception des risques alimentaires. 
En d'autres termes, si je suis libéral et que McDo organise une campagne de communication basée sur des valeurs libérales, ça ne changera pas mon opinion sur leur nourriture et leur impact sur la santé. C'est donc plutôt une bonne nouvelle ,cela veut dire que les entreprises ne parviennent pas à minimiser les risques alimentaires. 

Il y a une attention de plus en plus importante dans la société sur les risques sanitaires liée à la consommation. Votre étude accentue l'idée d'une détermination politique de la perception de ce risque. Est-ce que cela relativise l'objectivité concernant les risques sanitaires ?

Oui, complètement. Un certain nombre d'études préalables démontraient déjà que l'objectivité est très impactée par le marketing en général. Une campagne marketing basée autour du simple fait que le produit qu'elle promeut est sain (que ce soit le cas ou non) aura un impact positif sur le consommateur. 

Par exemple, une étude avait comparé les campagnes de communication de McDonalds et de Subway : celles de Subways étaient ressorties gagnantes uniquement parce que l'entreprise communiquait autour l'idée de nourriture "healthy". 

Pour revenir à mon étude, en observant l'impact de slogans teintés de valeurs idéologiques on se rend également compte que le consommateur n'en a pas forcément conscience. Lorsqu'une entreprise communique sur l'idée de nation ou à fortiori de diversité, le consommateur ne se rend pas compte que le message est politique et ne fait pas le lien entre ses valeurs politiques et celles de l'entreprise lorsqu'il choisi d’acheter ou non un produit. C'est donc un mécanisme inconscient.

Cette recherche illustre-t-elle la politisation croissante de cette perception du risque ? Estimez-vous qu'il est possible de sortir de cette politisation pour évaluer le risque plus objectivement ? 

Oui, tout à fait. On le voit aujourd'hui en Europe, aux Etats-Unis.. on a une bipolarisation des consommateurs par rapport à l'axe politique (de très libéral à très consommateurs). Les individus se positionnent aujourd'hui de plus en plus par rapport à la politique et cela joue un rôle de plus en plus important dans nos attitudes de consommation de manière consciente et inconsciente. 

Pour ce qui est de la possibilité de sortir ou non de cette politisation, j'aurai tendance à dire que c'est extrêmement difficile puisque l'on est sur des logiques marketing qui reposent sur l’inconscient des consommateurs. 

Le consommateur est manipulé sans s'en rendre compte puisque l'on fait appel à des valeurs morales. Valeurs morales qui sont généralement très ancrées dans l'attitude des individus et qui régissent une grande partie de leur vie, de leurs actions et de leur mode de consommation. Tout cela sans s'en rendre compte.

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