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Richard Ferrand, l’impressionnant -et double- déni de justice
©Flickr

Deux poids deux mesures

La position du parquet est tellement risible qu’on se tient les côtes pour ne pas en perdre une à force de pouffer.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Tiens, Richard Ferrand ne sera pas inquiété par le parquet de Brest (placé sous l’autorité de l’éminent garde des Sceaux François Bayrou, exemple vivant du renouvellement jusqu’au bout et de la moralisation faite homme), qui a considéré – à rebours, semble-t-il, de l’analyse des avocats des Républicains – qu’il n’y avait dans le dossier révélé par le Canard Enchaîné, matière ni à fouetter un chat, ni à fouetter une chatte, ni à ouvrir une enquête préliminaire.
La position du parquet est tellement risible qu’on se tient les côtes pour ne pas en perdre une à force de pouffer.

Mme Ferrand a réussi un miracle bancaire

Compte tenu des dispositions du Code de la Mutualité, pour que le parquet ne trouve rien à redire au dossier, il faut donc que l’épouse de l’alors directeur général des Mutuelles des Bretagne ait pu obtenir du Crédit Agricole du Finistère un prêt de 400.000€, soit 100% de la valeur du bien, sans arguer qu’elle avait déjà trouvé un locataire solide et sérieux : l’entreprise de son mari.
Si, en effet, le Crédit Agricole avait consenti ce prêt en contrepartie d’un engagement pris par la mutuelle, alors, il y avait violation du Code de la Mutualité.
Si le parquet ne s’est pas saisi, c’est que le Crédit Agricole a dû accepter de filer 400.000€ à une SCI capitalisée à hauteur de 100 euros, pour l’achat d’un bien de 400.000€ sans demander la moindre garantie, la moindre signature, la moindre preuve que le bien serait loué. Bravo, Mme Ferrand, pour avoir convaincu aussi facilement cette banque pourtant peu connue pour son indulgence de lâcher l’argent. Cette décision fera jurisprudence pour toutes les entreprises de France qui sont sur le grill lorsqu’elles veulent acquérir un bien professionnel.

Les révélations très gênantes du Parisien

Pas de chance pour Richard Ferrand, le Parisien de ce matin vient de confirmer les soupçons que tous les initiés pouvaient avoir.
Selon l’avocat, Richard Ferrand a lui-même signé en décembre 2010, en son nom propre, le compromis de vente des locaux professionnels d’un expert-comptable, choisis pour accueillir un centre de soins à Brest. La promesse de vente de ce bien, aujourd’hui incriminé dans l’affaire, comportait une condition suspensive: “la conclusion d’un bail commercial avec une SCI devant substituer Richard Ferrand et les Mutuelles de Bretagne”.
La SCI était donc celle de la compagne de l’actuel ministre. Grâce à la garantie de location offerte par la mutuelle, cette dernière n’a déboursé aucun capital pour acheter le site, d’après Le Canard Enchaîné, et obtient un prêt bancaire pour couvrir l’investissement. Autre détail qui interpelle le journal: c’est la mutuelle qui se charge de financer la rénovation des locaux pour un montant de 184.000 euros. Un “arrangement familial” selon l’expression du Canard, qui aurait permis à la compagne de Richard Ferrand de se constituer un patrimoine à moindre frais.
Tiens donc ! La Mutuelle qui s’engage pour cautionner un bien dont le bénéficiaire est… le directeur général.
On voit mal comment la version des faits avancées par Ferrand pourrait tenir sans donner lieu à poursuite. D’autant que les procès-verbaux du conseil d’administration de la Mutuelle ne permettent pas d’établir que les administrateurs aient validé en bonne et due forme la convention réglementée (en l’espèce le bail) qui s’en est suivi.
Voilà donc une double violation du Code de la Mutualité dont on imagine mal qu’elle reste sans réaction de la part de l’autorité judiciaire.

Ferrand, Fillon, deux poids deux mesures, évidemment

Je fais partie des Français qui ont mis une pince à linge sur le nez lorsque l’affaire Fillon a éclaté. Sur le fond, les montants en jeu étaient équivalents à ceux qui se jouent dans l’affaire Ferrand. Pourquoi, dans un cas, le Parquet national financier s’est-il saisi du dossier dans les heures qui ont suivi sa révélation, diffusant ensuite systématiquement à la presse les procès-verbaux d’audition avec la claire intention de nuire? Pourquoi, dans l’autre, ni le parquet national ni le parquet local ne se saisissent-ils, alors qu’une disposition légale a potentiellement été violée par l’impétrant?
On avait cru que le renouvellement jusqu’au bout et que la moralisation de la vie politique auraient une autre odeur que celle du réchauffé.

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