Révolution au Pentagone ? Le secrétaire américain à la Défense demande la plus petite armée depuis la 2e Guerre mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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Le budget de l'armée américaine pour 2015 sera plafonné à 496 Milliards de dollars.
Le budget de l'armée américaine pour 2015 sera plafonné à 496 Milliards de dollars.
©Reuters

Complexe militaro-industriel

Jamais l'armée américaine n'avait compté si peu de GI depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Xavier Roux

Xavier Roux

Xavier Roux est contre-amiral de la Marine nationale et vice-président du Cercle de la mer.

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Atlantico : Chuck Hagel, Secrétaire d'Etat américain à la défense, a annoncé d'importantes coupes budgétaires alors que le budget pour 2015 sera plafonné à 496 Milliards de dollars. Dans la foulée, l'armée de terre sera d'ici quelques années à 440 000 hommes, le chiffre le plus bas de puis 1940. Comment expliquer une baisse si importante ?

Xavier Roux : Comme l'ensemble des états, et aussi anodin que cela puisse paraître, les Etats-Unis cherchent à faire des économies. C'est, indéniablement, l'une des premières motivations de cette coupe dans le budget de l'armée Américaine, sans être une nouveauté.

Il faut aussi prendre en compte le fait que ce budget a été en quasi constante augmentation depuis la Guerre Froide, avec une baisse uniquement courant des années 1990. La chose n'est donc pas si étonnante, après plusieurs années d'expansion. Revoir un budget après tant temps à l'accroitre est normal. Sans oublier, bien évidemment, que le budget Américain aliéné à l'armée représente à lui seul près de 40% des dépenses militaires mondiale. Tant en absolu qu'en relatif, c'est un budget si imposant qu'il n'y a définitivement rien d'étonnant à ce que les Etats-Unis se décident à faire une pause. Une pause qui peut sembler légère, d'ailleurs, à s'attarder sur le nombre d'hommes : on ne peut pas vraiment parler de changement de format au niveau des troupes, puisque ce changement n'est pas vraiment significatif. L'Armée de Terre passe d'un peu plus de 500 000 hommes à un peu moins de 500 000, ce qui reste sensiblement le même ordre de grandeur.

Cette réduction conséquente des moyens et des effectifs semble s'accompagner d'une meilleure formation ainsi que d'une meilleure spécialisation. Washington est-elle finalement en train de passer d'une armée de masse à une armée plus "professionnalisée" ?

Comme toutes les forces armées de la planète, l'armée Américaine tire les leçons de ses opérations, et se dirige aujourd'hui vers un modèle non pas plus professionnalisé, mais plus… acéré, sans doute, sur les menaces contemporaines. Dire que les Etats-Unis passent d'une armée de masse à une armée plus professionnalisée n'est pas vrai : les mots sont beaucoup trop forts. D'une part, comme précisé plus haut, parce que la réduction des effectifs n'est ni drastique, ni significative, et d'autre part parce que l'armée est déjà professionnelle. L'ensemble des soldats, fussent-ils marines, GI ou pilotes, sont des volontaires, et déjà formés.

Les USA essayent en effet de développer les forces spéciales, et de mieux se préparer aux méthodes de guerre moderne. Parallèlement ils tâchent également de réduire les dépenses liées aux salaires et aux recrutements. Cependant, quand bien même il ne resterait que 440 000 soldats de l'armée de Terre, on compte encore 200 000 marines, susceptibles de prendre part à des opérations de projection.

Il s'agit d'une opération de recentrage, mais néanmoins on ne peut pas en vouloir aux militaires : au contraire, même. En fait, c'est d'avantage une preuve de bonne santé, puisque c'est une preuve qu'ils se recentrent sur le métier et ses évolutions ; au vu des leçons à tirer des événements récents comme l'Irak ou l'Afghanistan.

Peut-on parler d'un revers pour le complexe militaro-industriel, dont Truman disait qu'il était une menace pour la démocratie ?

La comparaison des budgets militaires est complexe. Elle n'est pas impossible et ne doit certainement pas devenir un leurre derrière lequel se cacher. Il faut l'analyser en détail, parce qu'il y a des évolutions sur des équipements qui sont significatives, bien plus que les effectifs, qu'il faut surveiller. Parler de revers ne me parait pas justifié, tant que l'on ne descend pas dans le détail ; en se penchant sur le nombre de porte-avions, d'avions ravitailleurs, d'avions de combat, le redéploiement des satellites éventuels, l'évolution des services de renseignements… il y a toute une palette d'équipements et d'infrastructures militaires qui rentrent dans cet ensemble et ça n'est pas avec un chiffre aussi global que l'on peut dire qu'il s'agit d'un revers pour le complexe militaro-industriel. Il faut raison garder, et éviter de se jeter sur ce chiffre pour tirer des conclusions hâtives, d'autant plus que les Etats-Unis sont toujours devant. Ils disposent d'un panel autrement plus étendu, de la gamme des armements à celles des capacités en passant par l'expérience et le savoir-faire. L'armée chinoise, malgré sa bravoure et son dévouement ne dispose pas de tout cet éventail. La Chine pourrait bien évidemment l'acquérir, mais il reste que certaines expériences ne se gagnent qu'au combat.

"Les USA excluent déjà la participation à de longs conflits comme en Irak, quand les troupes américaines avaient rapidement anéanti l'armée régulière de Saddam Hussein mais avaient longtemps lutté contre des groupes rebelles en subissant des pertes et des dépenses matérielles conséquentes. Les nouveaux concepts impliquent une préparation minutieuse du conflit et une guerre préliminaire avec des moyens non armés, en particulier la guerre de l'information." (Ria Novosti)

Quelles sont les ambitions stratégiques derrière cette inflexion budgétaire du Pentagone ?

Il n'y a pas d'évolution stratégique majeure, et les Américains n'ont évidemment pas envie de perdre leur place en tant que première force militaire du monde, toutefois ils n'ont peut-être pas plus envie de s'impliquer autant qu'ils le faisaient par le passé. Il est probable qu'ils marchent dans les pas des autres pays Occidentaux et commencent à affiner les actions qu'ils comptent mener. De là à dire qu'ils soient prêt à perdre le rôle de premier rang, il y a plus qu'un pas.

Souvent, en stratégie, on cite les effectifs en hommes de l'Armée de Terre. C'est évidemment un élément important. Dans les faits du monde contemporain, toutefois, ça n'est pas représentatif : tant d'autres choses sont pris en compte, des forces spéciales aux infrastructures et aux porte-avions, en passant par les services de renseignement. Il y a, certes, un suivi du contexte de la part des Américains, que je qualifierais de normal, mais pas d'implication stratégique majeure.

Avec un budget "officiel" de 112 milliards de dollars, l'armée chinoise voit à l'inverse ses ambitions à la hausse. Une tendance qui pourrait l'amener à rivaliser avec les Etats-Unis d'ici 2050 d'après l'Institut International d'Etudes Stratégiques (IISS). Se dirige-t-on effectivement vers un rééquilibrage entre Washington et Pékin ? Dans quelles proportions ?

Le terme de rééquilibrage sous entends un déterminisme. Puisqu'il n'y a pas de balance, et que personne ne pose des poids, je préfère nettement parler d'évolution. La Chine, et l'Asie de façon plus générale, souhaitent que la situation évolue, c'est une évidence. Il n'y a qu'à observer les Marines Chinoises, Japonaises, et Asiatiques plus globalement, pour le constater. Il y a dix ou quinze ans, ces flottes de combats ne valaient pas grand-chose, elles sont dorénavant parmi les cinq plus puissantes du monde ; ce qui témoigne indéniablement du désir de la Chine de gagner plus de poids dans le monde. Ne serait-ce que parce qu'entretenir une force navale nécessite du temps, de l'argent, une industrie, une formation… C'est un véritable investissement, qui s'il n'est pas un scoop, apporte des preuves tangibles et perceptibles tant de la volonté des pays d'Asie, et surtout de la Chine, que de leur capacité à influer sur la géopolitique du Pacifique. 

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