Revenir dans un ancien emploi peut être une bonne idée… mais mûrement réfléchie<!-- --> | Atlantico.fr
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Les salariés apparaissent de plus en plus exigeants avec leurs conditions de travail.
Les salariés apparaissent de plus en plus exigeants avec leurs conditions de travail.
©Alex E. Proimos

Effet boomerang

Ce sont désormais les salariés - notamment les plus talentueux - qui choisissent leur employeur, et non plus l’inverse.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Les salariés sont-ils de plus en plus exigeants avec leurs conditions de travail ? La crise sanitaire a-t-elle accentué ce phénomène ?

Xavier Camby : Oui, absolument. Il est même exact d’affirmer que la pandémie a eu un effet catalyseur sur la comportement global des salariés. La nécessité du télétravail, la découverte de la performance collective asynchrone, les gains de temps de transport et la diminution des séances inutiles… ont profondément et mondialement transformé la perception du travail salarié pour de très nombreux collaborateurs. Pour preuve, ce phénomène particulièrement aigu qu’on a appelé « la grande démission », observé en 2020, aux USA, où 40% des salariés ont démissionné de leur emploi ! Ce qui représentent des millions d’employés, qui prirent alors cette décision risquée, sans aucun parachute…

Et cet exemple, variablement selon les pays, leur culture, leur législation ou leur situation économique, a cependant fait de nombreux émules, dans tous les pays occidentaux, entérinant un définitif changement d’attitude des employés vis-à-vis des employeurs.

On peut le déplorer ou s’en réjouir, le phénomène est observable dans toutes les économies occidentales développées, ce sont désormais les salariés - notamment les plus talentueux - qui choisissent leur employeur, et non plus l’inverse. S’il existe un effet boomerang, c’est bien celui-ci : après avoir dominés le marché et fixés les règles pendant des années, les employeurs sont désormais demandeurs et « à la merci » des ressources dont ils ont un très urgent besoin.

L’environnement au travail ou la flexibilité ont-ils pris une part prépondérante au sein des entreprises et du marché du travail ? 

A l’exception des salariés de plus de 50 ans, toujours victimes d’une gérontophobie exacerbée dans certains pays et condamnées à une exclusion du monde économique de plus en plus cruelle (autant qu’idiote), il y a désormais une pénurie de ressources disponibles sur le marchés de l’emploi. Mais où sont donc passé ces millions de salariés américains démissionnaires ? Sont-ils revenus, humbles et soumis, demander à leur anciens « patrons » d’avoir l’indulgence de les employer à nouveau ? Il n’en est majoritairement rien…

Plutôt que de subir à nouveau un management contraignant et toxique, instrumentalisant la personne humaine au détriment de la santé psychique, favorisant la compétition-prédation plutôt que la collaboration-création, l’immense majorité de ces démissionnaires déterminés sont devenus indépendants ou ont créé leur propre société. Ici même en Europe, je ne compte plus les exemples. Celui-ci, ingénieur employé chez un énergéticien (producteur d’énergie), malmené par un DG paléocrate, arrogant et maltraitant, a fini par démissionner. Son expertise cependant, comme ses talents, en faisait un salarié essentiel. Ce DG brutal et imbu de lui-même, s’est donc vu contraint à revenir vers son ex-salarié, afin de le réembaucher. Ce que l’ingénieur a refusé, préférant devenir free-lance (augmentant sa liberté d’action, l’usage responsable de son temps de travail, autant que ses revenus…). Les exemples sont désormais légion, dans toutes nos économies développées.

Quels sont les principaux critères qui doivent permettre de déterminer avec certitude qu’un nouvel emploi vous convient ou pas ?

Nous pouvons identifier ces critères par le moyen de ces comportements nouveaux que sont le goshting ou le quiet-quiting. Dans un marché de l’emploi désormais majoritairement en pénurie de ressources utiles et qualifiées, le goshting caractérise l’attitude de ces candidats, bien que retenus lors d’une sélection ou d’un recrutement, coupent simplement le contact, sans aucune explication ni justification… Tendance elle aussi importée des États-Unis, le quiet quitting consiste en une « démission silencieuse ». Concrètement, un salarié, plutôt que de démissionner et d’avoir à justifier sa décision, décide de rester en poste et de travailler le strict minimum, en attendant paisiblement de trouver un autre employeur… Ces comportements apparaissent lorsque l’employeur ou ses représentants méprisent ou piétinent l’aspiration de leurs collaborateurs à vivre leur métier selon leur vraies valeurs.

C’est le bon critère, devenu quasi-universel, et qui explique nombre des comportements nouveaux : puis-je me respecter moi-même chez cet employeur ? Celui-ci respecte-t-il mes valeurs les plus intimes (liberté, justice et loyauté, honnêteté, courage et franchise…) ? Ou bien les sacrifie-t-il sur l’autel du profit immédiat et destructeur, au seul bénéfice d’actionnaires distants ?

Retourner chez son ancien employeur est-il possible et bénéfique ? Avant de repostuler dans l’entreprise en question, comment idéalement renouer le dialogue avec son ancien employeur ?

Je ne connais que très peu d’expériences réussies de retour chez un ancien employeurs. Un vieil adage de recruteur, qui ne manque jamais de se confirmer et d’être vérifié, dispose qu’un démissionnaire ne quitte jamais une entreprise ou une organisation, mais un mauvais manager… A quelques rares exceptions, lorsque c’est le manager lui-même qui a poussé son collaborateur à acquérir une expérience ou une expertise dans un autre environnement, ce « retour dans le passé » risque fort d’être problématique, et très conflictuel avec celles et ceux qui sont restés et ont persévérés dans l’organisation.

Il y a-t-il de plus en plus de salariés qui regrettent un changement d’emploi ? Faut-il retourner à son précédent poste ?

Concrètement et définitivement non ! Sauf peut-être dans les fonctions ou organisations administratives, où seule la sécurité de l’emploi, en attendant la retraite, compte… La vraie question demeure – et pour une décennie sans doute – pour chaque employeur, d’attirer les vrais talents dont l’entreprise a besoin et de retenir celles et ceux de leurs collaborateurs qui aspirent à un environnement professionnel plus humain, plus valorisant, plus équilibrant, plus serein, plus sain, donc sans risque pour leur santé psychique, quitte à prendre en rémunération…

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