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Retraites : le gouvernement prêt à tenir mais sur quelle réforme ?
©BERTRAND GUAY / POOL / AFP

Contenu de la réforme

Dans le cadre d'une réunion exceptionnelle dimanche soir à Matignon, le gouvernement a tenu à montrer que l'exécutif était uni et serein à l'approche de la grève du 5 décembre. La fin des régimes spéciaux devrait être maintenue.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico.fr : Dimanche 1er Décembre, Edouard Philippe s'est réuni avec son gouvernement pour mettre en place une ''feuille de route" concernant les retraites et pour tenter de tenir le cap face à la grève à venir le 5 Décembre.

L'entourage d'Edouard Philippe a expliqué qu'il voulait maintenir la fin des régimes spéciaux coûte que coûte. Est-ce possible au vu de la grève à venir ? Où en est le gouvernement ? 

Marc de Basquiat : Encore une manifestation de l’incohérence du débat démocratique dans notre pays : on s’insurge contre le gouvernement, comme si les ministres payaient de leur poche les largesses qu’on lui réclame ! Plutôt que réclamer par la grève des augmentations au patronat dont on a compris qu’il était pourvoyeurs d’emplois qu’on sait fragiles, les revendications de masse sont aujourd’hui redirigées vers les « dirigeants » du pays… alors qu’ils ne sont en réalité que les administrateurs des impôts que nous versons. Les avantages indiscutables que constituent certains « régimes spéciaux » sont des droits de tirages sur nos impôts et sur la dette laissée à nos enfants. Ce n’est pas Edouard Philippe qui veut mettre fin aux régimes spéciaux, c’est moi, c’est vous chers lecteurs, c’est tous les contribuables et ceux qui ont le souci de l’équilibre entre les générations. 
Cet équilibre est particulièrement menacé dans notre pays. Dans l’édition 2019 de son rapport « France, portrait social », l’INSEE insère un graphique révélateur d’une situation sidérante

Alors que dans les années 1970, le niveau des pensions des retraités était équivalent à celui des allocations chômage, nettement inférieur au salaire moyen des actifs, la situation s’est inversée en 2012. Depuis, le niveau de vie moyen des retraités a dépassé celui des actifs. Et la ligne bleue continue de monter fermement, alors que les revenus des actifs stagnent tristement. C’est encore pire pour les chômeurs, dont les ressources diminuent depuis la décennie 2000. Petit calcul : 2012 moins 40 ans, c’est l’année 1972, l’apogée des Trente Glorieuses. Tous ceux qui ont travaillé dans cette période mythique sont maintenant en retraite, avec des pensions à taux plein. 

Il est prévisible que la courbe bleue finira par s’infléchir, puis commencera à descendre dans 15 ou 20 ans. On peut même se demander si elle ne s’écroulera pas, faisant disparaître avec la retraite par répartition le dernier avantage d’une génération historiquement unique. Ok, boomer

Cette réunion avait également pour but de limiter au maximum l'impact de la grève pour les français, les transports en particulier. Pensez-vous que la France s'apprête à vivre un nouveau 1995 ? 

Avec les grèves perlées du printemps 2018 suscitées par la réforme du statut des cheminots, le gouvernement a démontré sa capacité à tenir. Les syndicats ont montré par là même les limites de leur pouvoir de blocage. Avec les gilets jaunes, un autre type d’action est apparu, non structuré, sans revendication claire, mais qui a conduit Emmanuel Macron à lâcher 12 milliards de mesures diverses. 

Il n’est pas évident que les français aient envie de se mobiliser pour la défense d’intérêts catégoriels, mais on ne peut exclure que ce nouvel exercice de mobilisation initié par les syndicats les plus revendicatifs serve de prétexte à la manifestation d’une grogne plus large. 

On peut le craindre, car malgré les efforts de Jean-Paul Delevoye le système de retraite proposé par la réforme est encore un objet un peu compliqué. Quand on parle de système « à points », il faut un décodeur pour comprendre de quoi il est question. Par ailleurs, le mélange de la logique contributive (un euro cotisé donne droit aux mêmes droits) et de solidarité fragilise le projet. Car dès que la solidarité est invoquée dans un système par nature « bêtement » assurantiel, c’est la porte ouverte à toutes les revendications, chacun voyant une bonne raison de s’insurger contre tel ou tel aspect de la réforme. Par exemple, la bonification de 5% que le projet propose d’apporter aux parents pour chaque enfant élevé suscite l’incompréhension d’associations de défense des intérêts des familles nombreuses, qui étaient habituées à être privilégiées par rapports aux parents d’enfants uniques. 
Le scénario de ce nouvel épisode de tension sociale n’est donc pas écrit.

Cette réforme peut-elle s'écrouler sous le poids des grèves ? Y a-t-il d'autres alternatives ?

Je ne crois pas que le gouvernement renoncera à cette réforme. L’enjeu est trop important, et un refus d’obstacle signifierait la fin anticipée d’un quinquennat réduit à expédier les affaires courantes. Il est possible que le projet intègre quelques aménagements, pour en améliorer la lisibilité et faciliter la transition. Mais il faudra sortir de cacophonies telles que la trop fameuse « clause du grand père ». 

Idéalement, le côté encore un peu technocratique du projet devrait laisser la place à une dimension plus citoyenne, avec une formulation simple et mobilisatrice. Quelque chose qui s’exprime plus clairement en termes d’égale fraternité et d’équité entre les générations.

Propos recueillis Par Aliénor Barrière

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