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"Bienvenue Place Beauvau", le livre du scandale : réseaux secrets, rumeurs sournoises... les discrètes manœuvres de François Hollande pour éliminer ses rivaux, notamment Manuel Valls
©IAN LANGSDON / POOL / AFP

Bonnes feuilles

La machine policière française est opaque et sclérosée. Hollande et ses ministres, faute de vouloir et de pouvoir la transformer en profondeur, ont tenté de s'en servir à des fins politiques. Pour qui veut contrôler les affaires, le ministère de l'Intérieur est en effet un lieu stratégique, grâce aux grandes oreilles des renseignements et aux yeux aguerris des flics en tous genres. Extrait de "Bienvenue place Beauvau" d'Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé, aux Editions Robert Laffont (1/2).

Christophe Labbé

Christophe Labbé

Christophe Labbé est journaliste au Point.
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Didier Hassoux

Didier Hassoux

Didier Hassoux est journaliste au Canard enchaîné, et l'auteur de Sarkozy et l'argent roi publié chez Calmann-Lévy en 2008. 

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Olivia Recasens

Olivia Recasens

Olivia Recasens est journaliste indépendante. Elle est co-auteur avec Jean Michel Décugis, du livre Place Beauvau, paru chez Robert Laffont en 2006.

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L’entourage de Manuel Valls en est pour sa part totalement persuadé : le Château fomente des coups bas. Comme cette fâcheuse rumeur d’une liaison entre le chef du gouvernement et sa ministre de l’Éducation qui alimente les conversations dans les salles de rédaction. L’ami Stéphane Fouks est illico appelé à la rescousse pour éteindre l’incendie médiatique. Le pape de la communication de crise, patron de Havas Worldwide, ex-Euro RSCG, est un copain de fac du Premier ministre. C’est le même qui joue le pompier volant, lorsque l’épouse de Manuel Valls, Anne Gravoin, est épinglée dans L’Obs . Un article décrit les conditions de financement de l’orchestre de la jeune femme par un curieux attelage : un mystérieux homme d’affaires algérien représentant en France un conglomérat koweïtien, un marchand d’armes sud-africain, qui préside le plus grand groupe d’armement du continent, et l’homme de confiance du président congolais Denis SassouNguesso, un ancien de la Françafrique décoré en catimini de la Légion d’honneur par Manuel Valls. Dans les couloirs de Matignon, on fait remarquer aux curieux que cette enquête à charge a été conduite par une société d’intelligence économique proche de l’Élysée, qui travaille en sous-main avec la DGSE...

Des infiltrés au gouvernement

Parce qu’il connaît la violence de la politique – pour lui-même la pratiquer – et afin de tenter de parer les coups venus y compris de proches, Manuel Valls s’est organisé afin que rien ne puisse lui échapper. L’information est, estime-t-il, sa meilleure arme. Comme son prédécesseur Sarkozy, le tout nouveau ministre de l’Intérieur en 2012 veut, en s’asseyant dans le fauteuil place Beauvau, devenir à son tour « l’homme le mieux renseigné de France». Grâce à la complicité intéressée de l’ami Fouks, il tisse une véritable toile d’araignée d’informateurs au cœur de l’appareil d’État. De Bercy à Matignon, en passant par la Défense, la Culture ou les Affaires étrangères, les «infiltrés» de Havas au service de Valls sont partout. Ce qui n’empêche pas le ministre, au déclenchement de l’affaire Cahuzac, le 4 décembre 20121 , de jurer qu’il n’était au courant de rien. Plusieurs éléments permettent d’en douter. D’abord, Valls et Cahuzac se fréquentent depuis belle lurette : rocardiens, puis jospinistes et enfin strauss-kahniens, ils ont biberonné à la même social-démocratie. Ensuite, comme Valls, Cahuzac est proche de Fouks. C’est une conseillère formée chez Havas qui se décarcassera pour convaincre la presse que les accusations visant le ministre du Budget sont pure invention. Le 2 avril, lorsque Cahuzac est contraint de passer aux aveux publics, alors qu’il affirmait quelques mois plus tôt « les yeux dans les yeux» face aux parlementaires, n’avoir jamais eu de compte en Suisse, c’est une autre créature de Fouks qui l’aide à mettre en scène ses confessions. Plus tard, la même Anne Hommel, qui avait déjà œuvré pour DSK, fournira de précieux services à Valls à Matignon.

Lorsque la troupe de communicants ne suffit pas, une armée de flics fait mouvement. «Sous Sarkozy, notre patron, Bernard Squarcini, avait déjà l’info sur le compte de Cahuzac au printemps 2012», nous assure un officier alors en poste à la Direction centrale du renseignement intérieur. C’est ce même service qui, deux jours après les révélations de Mediapart sur cette affaire, authentifie l’enregistrement de Jérôme Cahuzac. Une note blanche est établie, enrichie des informations de la Direction centrale de la PJ qui dispose d’un bon indic dans le milieu bancaire suisse. Elle serait parvenue sur le bureau de Valls. Pourtant, le ministère de l’Intérieur, dans un communiqué tricoté par les petites mains de Fouks, assure : « En aucun cas il n’y a eu d’enquête parallèle, ni avant ni pendant celle menée depuis le 8 janvier 2013 sous la direction du procureur de la République de Paris.»

Court-circuit à répétition

La toile d’araignée tissée par le duo Fouks-Valls devient vite intolérable pour le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault. « Un jour, le Premier ministre a tapé du poing sur la table et convoqué le patron de Havas, se souvient l’un de ses anciens conseillers. Une engueulade mémorable.» Ayrault voyait des espions de Valls partout. Entre l’ex-maire de Nantes et celui d’Évry, le courant n’est jamais passé. Au point que Matignon se permettait de passer commande à certains services de police sans en aviser Beauvau. Cela aurait été le cas fin 2012, quand le Premier ministre s’est fait sévèrement et plusieurs fois tacler par un sénateur PC, il aurait commandé une enquête sur l’impertinent pour lui trouver des casseroles. Le conseiller sécurité d’Ayrault, Jean-Marc Falcone, chargé de faire exécuter la besogne, serait rentré bredouille.

Tout comme Ayrault, Hollande déteste le patron de Havas Worldwide. Au début de son mandat, il donne consigne de «purger les cabinets» des réseaux Fouks. En pure perte. Faut-il y voir un lien ? En février 2014, une escouade de policiers de la police judiciaire débarque au siège de Havas à Puteaux. Ils se dirigent aussitôt vers le bureau d’un certain Jean-Philippe Dorent, le «Monsieur Afrique » de Stéphane Fouks, pour une perquisition en règle. Deux ans plus tôt, une enquête pour « corruption d’agent public étranger » a été lancée à l’encontre d’un exploitant de casinos en Afrique, la Pefaco. C’est Tracfin qui est à l’origine de ces investigations : dans un document transmis à la justice, deux mois après l’élection de Hollande, figure le nom de Dorent. Celui-ci conseille en direct plusieurs figures de la politique africaine. Chefs d’État retraités, présents ou à venir. C’est notamment le cas de l’actuel chef d’État du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, que Manuel Valls a fréquenté à l’Internationale socialiste. Keïta a aussi souvent croisé le chemin de Francis Pérez, le patron de la Pefaco.

« Cette affaire, c’est un coup de billard à plusieurs bandes, selon un haut gradé de la police judiciaire rompu aux affaires politico-financières. D’abord, cela permet au Château de faire pression sur IBK. La France a besoin du Mali dans sa lutte contre les terroristes. Cette enquête est une manière de lui faire savoir qu’il n’a aucun intérêt à trahir. Ensuite, elle permet de faire savoir que Valls est aussi dans le viseur.»

Extrait de "Bienvenue place Beauvau" d'Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé, aux Editions Robert Laffont

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