Renaissance : changer la vie, sans militants ni idées, vraiment ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le lancement de Renaissance, le mouvement présidentiel, a été officialisé dans la soirée de samedi.
Le lancement de Renaissance, le mouvement présidentiel, a été officialisé dans la soirée de samedi.
©Julien de Rosa / AFP

Parti présidentiel

Renaissance, le nouveau parti présidentiel, censé redéfinir la doctrine du macronisme, a été inauguré samedi à Paris. L'eurodéputé Stéphane Séjourné a été élu à sa tête.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Stéphane Séjourné a lancé officiellement le nouveau parti présidentiel, Renaissance, au Carrousel du Louvre. Depuis plusieurs mois, le patron des eurodéputés Renew peaufine les contours de cette nouvelle formation sous le contrôle d’Emmanuel Macron, qui en sera le président d’honneur. Que représente cette étape pour le parti présidentiel au-delà du simple changement de nom ? Quel est le signal politique envoyé derrière la mue de La République en marche ?

Christophe Bouillaud : Pas grand-chose à vrai dire. Much noise for nothing. Les coordonnées essentielles du parti présidentiel restent les mêmes : il reste le parti du Président Macron, qui devient officiellement le Président d’honneur du parti. Il faudrait surtout se demander pourquoi les stratèges de la « macronie » ont cru bon d’abandonner l’appellation de « La République En Marche » - LREM », alors même que la marque était bien connue des Français, pour un non encore plus vague, celui de « Renaissance ». Certes il y avait l’intérêt à être cohérent avec le nom du groupe du Parlement européen auquel les élus macronistes appartiennent,  le groupe Renew, nommé justement ainsi à la demande de ces derniers lors de leur ralliement à l’ancien groupe libéral du Parlement européen. De fait, c’est aller là vers un nom le plus vide possible, sans sens politique évident autre que le refus de nommer une idéologie connue pour se désigner. En effet, qui peut être contre une renaissance, un renouveau ? Mais, en même temps, quelles valeurs cela porte-t-il ? Eh bien, en regardant la charte des valeurs du nouveau parti, on se dit que Renaissance est le parti de l’affichage de toutes les bonnes intentions : pour l’Europe, pour la France, pour le travail, pour l’écologie, pour les femmes, etc. Et après, en pratique ? C’est juste le parti des soutiens du Président qui n’ont pas pu ou voulu créer ou conserver leur propre parti.  De fait, Renaissance se contente de récupérer la scission de LREM, Territoires de progrès, et d’incorporer le groupusculaire parti, Agir.

La République en marche n’a jamais réussi à gagner ni en profondeur sociologique, ni en consistance idéologique. Peut-il en être différent avec Renaissance ?

Très difficilement. Pour l’instant, c’est ontologiquement le parti des politiciens qui doivent la renaissance de leur carrière politique à Emmanuel Macron. Tous les chefs de Renaissance, le secrétaire général et tous les secrétaires généraux adjoints, n’auraient pas fait une si belle carrière s’ils n’avaient eu le flair de se rallier à Emmanuel Macron entre 2016 et 2018.

Un tel parti au pouvoir, dominé par des ministres, ne peut pas réfléchir de son côté, se donner une consistance idéologique autre que les lois que ses ministres proposent, ses députés et sénateurs votent. De fait, les partis au pouvoir sont en général vidés de leur substance par leur participation même au pouvoir, comme on l’a vu pour le PS, le RPR ou l’UDF en leur temps. Ce n’est que lorsqu’il se trouve dans l’opposition qu’un parti, en pratique ses leaders, dispose du temps et de l’énergie pour se construire une doctrine, des projets, des réseaux d’experts.

Quelles peuvent-être les chances politiques de Renaissance, un parti sans militants ? Quel peut être l’impact potentiel d’un parti sans vrai cadre et militants ?

Il me semble toutefois avoir saisi une différence entre  LREM et Renaissance. L’ancien parti était conçu pour ne laisser aucune place réelle aux militants et aux cadres intermédiaires. Toutes les décisions importantes étaient prises par les dirigeants parisiens proches d’Emmanuel Macron. Renaissance est un parti plus classique puisque les responsables départementaux vont être élus désormais par les militants du département, militants qui devront désormais payer une cotisation. Autrement dit, le parti Renaissance se rapproche ainsi d’un modèle partisan plus démocratique. Ce n’est peut-être pas un hasard que cette stratégie de normalisation ait été portée par un député européen. En effet, LREM était un parti si peu démocratique dans ses statuts où tout se faisait par cooptation que la famille libérale, auquel il appartient en Europe, devait avoir quelques difficultés avec ce membre de la famille si éloigné des usages habituels. A l’horizon, il y a sans doute l’adhésion de Renaissance à l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe), le parti européen historique des libéraux.

Surtout, comme les militants locaux vont pouvoir choisir leurs responsables locaux, cela peut aider à la promotion de cadres intermédiaires meilleurs connaisseurs du terrain, et capables à terme de remporter des mandats locaux. Cependant, les prochaines élections locales en France sont encore très loin, et d’ici là, l’on verra bien si la macronie existe encore.

Qu’est-ce que la stratégie de Renaissance, de Stéphane Séjourné et des cadres du mouvement nous dit de la politique actuelle?

Qu’il y a un écart entre la politique nationale et la politique locale. Toute l’aventure de la macronie s’est jouée sur le plan du pouvoir national, avec un échec profond à avoir un impact sur la politique locale. L’enjeu est désormais pour cette aventure nationale de se créer un ancrage local durable. En effet, l’on voit mal comment un tel écart pourrait subsister à long terme.

Par ailleurs, comme le montre l’incapacité d’Emmanuel Macron à imposer la fusion de LREM, du MODEM et d’Horizons, cela indique que le camp central de la politique française, le camp du « cercle de la raison » pour parler comme Alain Minc, est à la fois idéologiquement uni et personnellement divisé. Les ambitions des uns et des autres sont trop fortes pour permettre la création d’un seul parti, alors même que les idées au final sont très proches. C’est à vrai dire assez classique dans l’histoire des partis occupant le centre de l’échiquier politique en France.

Quel peut être le rôle électoral, le rôle idéologique et d’intégration sociologique de Renaissance, un parti naissant sans vrais cadres et militants ?

Comme je l’ai dit, avec l’introduction de plus de démocratie à la base, Renaissance pourra sans doute plus intéresser des militants, ou plutôt des aspirants à des postes électifs locaux et leurs soutiens. Par contre, il est clair qu’un tel parti aura des effectifs faibles. Pourquoi des gens se mettraient-ils à militer dans un parti qui est déjà au pouvoir national ?

L’unité affichée avec la présence d’Elisabeth Borne, de François Bayrou, d’Olivier Dussopt et de Franck Riester pour le lancement de cette nouvelle formation politique ne risque-t-elle pas de se disloquer et de se fissurer au fil du temps entre les courants centristes, de gauche et de droite (Agir et Territoires de progrès) au sein de Renaissance au regard des futurs calendriers électoraux notamment pour 2027 et en l’absence d’une nouvelle candidature d’Emmanuel Macron ? 

Bien évidemment viendra un moment où il faudra un autre leader pour remplacer Emmanuel Macron à la tête du camp qu’il a regroupé. Le contrôle par l’un ou l’autre des possibles prétendants de l’appareil partisan Renaissance sera un enjeu et un atout, ne serait-ce que parce ce parti aura un trésor de guerre utilisable lors de la campagne électorale. Comme Renaissance va donner plus de place à ses militants, on peut imaginer que ce soient ces derniers qui choisissent le nouveau leader.

En même temps, il n’est pas sûr qu’incarner la continuité avec le macronisme lors de la prochaine élection présidentielle, celle de 2027, sera une garantie de succès. Sauf bien improbable renaissance française d’ici là, j’ai bien peur que les Français aient alors une furieuse envie de tourner la page de ces dix années… Un Edouard Philippe joue d’ailleurs déjà ce jeu-là. 

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