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Réforme des retraites : les étonnantes fake news de FO fonctionnaires
©Thomas SAMSON / AFP

Solidarité

La réforme des retraites que prépare Emmanuel Macron (avec son porte-voix Jean-Paul Delevoye) commence à agiter le landerneau syndical. On lira avec délectation l’interview, par le journal du syndicat FO, du responsable maison du dossier, Philippe Pihet. Il y concentre une série de perles, dont de très belles fake news concernant la retraite des fonctionnaires.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Philippe Pihet est un homme sympathique et agréable. On l’aime bien, notamment pour ses qualités de pince-sans-rire: il est capable de sortir de très bonnes blagues avec l’air le plus sérieux du monde. Il vient de donner une nouvelle démonstration de son talent dans une interview donnée… aux journalistes de FO (les seuls qui apprécient son humour à sa juste valeur).

Quelques perles de Philippe Pihet sur la réforme des retraites

On relèvera d’abord les meilleures vannes de Pihet sur la réforme systémique des retraites que prépare Emmanuel Macron. On ne résistera pas au plaisir de partager celle-ci avec nos lecteurs:

Fidèles à notre conception du syndicalisme, nous porterons les revendications de l’organisation, nous avons commencé à le faire.

Sur un plan général, nous rappellerons par exemple qu’il est totalement illusoire de penser que tout le monde doit être traité de la même façon. 

On ne pouvait pas mieux dire. Si les syndicalistes se mettaient à réclamer une égalité de traitement pour tous les citoyens, et singulièrement pour tous les salariés, Dieu seul sait où irait cette société. Dans la novlangue de Philippe Pihet, la vocation du syndicalisme est de lutter contre l’illusion selon laquelle tout le monde pourrait être traité de la même façon. 

Voilà qui s’appelle combattre pour l’égalité.

L’universalité de la sécurité sociale à géométrie variable

Une fois de plus, c’est la question de l’universalité de la sécurité sociale qui est au cœur du débat. Comme le rappelle très bien Philippe Pihet:

Le système actuel est le fruit de l’histoire, il mêle le contributif et la solidarité. Penser que demain il n’y ait plus que du contributif est méconnaître la réalité de la vie.

On souscrit volontiers à ce constat. Les organisations syndicales (dont celles de Philippe Pihet) commettent en effet consciencieusement le même mensonge aporétique (dirait Emmanuel Macron) sur l’origine de la sécurité sociale et se trouvent confrontées à la même contradiction depuis plusieurs décennies. 

Officiellement, la sécurité sociale est une conquête de la Résistance, en 1945, sur l’obscurantisme et le néant social qui existait jusqu’alors. Cette thèse totalement bouffonne et mensongère a été redite dans le film « La Sociale », réalisé par un propagandiste mélenchonien. 

Elle ne permet évidemment pas de comprendre pour quelle raison les organisations syndicales continuent à lutter becs et ongles contre l’absorption des régimes spéciaux dans un grand régime universel. 

Et c’est bien le propos de Philippe Pihet aujourd’hui: on est pour l’universalité de la sécurité sociale, mais à condition qu’elle ne s’applique pas à ceux qui bénéficient d’un régime spécial. Comme les fonctionnaires par exemple. 

Le terrible aveu de FO sur les insuffisances de la sécurité sociale

En creux il y a évidemment les aveux que les syndicalistes ne peuvent commettre sur la sécurité sociale dont ils sont administrateurs dès l’origine donc parties prenantes: la sécurité sociale est un système dégradé de protection sociale. Ses prestations sont si mauvaises que tous ceux qui peuvent y échapper la fuient à toutes jambes.

Pour mémoire, la loi de 1928 avait ouvert un droit à la retraite à partir de 60 ans, après 30 années de cotisations. Dans les années 30, l’ensemble des régimes spéciaux qui fut mis en place (dont celui de la SNCF) s’est calé sur ce système avantageux. 

Lorsque les ordonnances de 1945 ont confirmé et étendu le système que Vichy avait mis en place en 1941, les bénéficiaires des régimes spéciaux ont vite compris le danger. Le régime à visée universelle de sécurité sociale proposé aux salariés relevait l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Accepter l’universalité de la sécurité sociale conduisait à accepter une dégradation de la protection sociale construite dans les années 30.

Depuis 1945, les organisations syndicales déploient donc un double discours parfaitement mensonger. D’un côté, on s’époumone pour vanter les mérites de la sécurité sociale universelle. De l’autre, on lutte pied à pied contre celle-ci, conscient que ce qui est bon pour l’OS de chez Peugeot ne serait pas acceptable pour les aristocrates du système: les bénéficiaires de régimes spéciaux. 

Les fake news de Philippe Pihet sur la retraite des fonctionnaires

Dans cette duplicité parfaitement huilée, les éléments de langage sur les fonctionnaires tiennent une place à part. En effet, les concepteurs de la sécurité sociale, à commencer par Pierre Laroque, n’ont jamais imaginé, même dans leurs cauchemars les plus fous, que le régime universel qu’ils voulaient mettre en place s’applique aux fonctionnaires. D’où le paradoxe de lois successives généralisant la sécurité sociale préparées par des fonctionnaires qui ont toujours bien pris garde à y échapper. 

On entendra dans la bouche de Philippe Pihet une apologie de cette distinction aristocratique:

nous avons souligné, comme l’avait fait la commission pour l’avenir des retraites, que les taux de remplacement dans le privé comme dans le public, sont très proches. En d’autres termes, les formules de calcul de retraite différentes n’engendrent pas la divergence de traitement souvent citée en exemple, à tort, par les tenants du « régime unique ».

De surcroît, il faut rappeler qu’avec les réformes successives, il y a eu déjà beaucoup d’éléments de convergence. Ainsi l’âge de départ à la retraite est le même pour les fonctionnaires et les salariés du privé. La durée d’activité pour un taux plein sera portée pour tous à 43 ans à partir de la génération 1973.

Les régimes deviennent ainsi de moins en moins « spéciaux ».

Si l’on n’a pas en mémoire que FO est le troisième syndicat représentatif chez les fonctionnaires, et que les fonctionnaire sont la force la plus importante chez FO, on ne peut évidemment rien comprendre à cette façon très jésuitique de tordre les principes et les valeurs du syndicalisme. Preuve est faite, donc, qu’on peut être un responsable national de FO et aimer la culture ecclésiastique lorsque le principe de réalité l’impose. 

Toujours est-il que Philippe Pihet, dans sa lutte contre l’universalité de la sécurité sociale, commet quelques petits mensonges, soit volontairement, soit par omission. 

Les mensonges volontaires d’abord. Ils consistent à affirmer que les taux de remplacement sont à peu près identiques entre les fonctionnaires et les salariés du privé. C’est un mensonge par simplification, puisque le Conseil d’Orientation des Retraites, où siège Philippe Pihet, a analysé en 2014 les situations montrent que les fonctionnaires perdraient parfois plus de 10% de leur pension mensuelle si les règles du privé leur étaient appliqués. 

Mensonge par omission ensuite. Car Philippe Pihet parle du montant des retraites, mais il évite soigneusement la question du taux de cotisation. Or, il se trouve que les salariés du privé paient deux fois pour les retraites: une fois pour eux, par la mécanique des cotisations, et une fois pour les fonctionnaires, par l’impôt. 

Le régime de pension des fonctionnaires est en effet si favorable qu’il coûte extrêmement cher à leur employeur, c’est-à-dire aux contribuables. Auparavant, le déficit du régime était automatiquement comblé par le contribuable. Depuis la mise en place du compte d’affectation spéciale « Pensions », l’Etat affiche un taux de cotisations de près de 75% pour équilibrer le régime, quand il est d’environ 10% pour le secteur privé. 

Autrement dit, la différence de coût, pour le contribuable, entre le régime général et les pensions des fonctionnaires s’élève à environ 65 points de cotisations… Autrement dit, l’application des règles du secteur privé au secteur public permettrait d’économiser 65 points de cotisations sur un taux global de 75 points.

Dans la pratique, la pression fiscale diminuerait d’environ 35 milliards si les fonctionnaires étaient traités comme les salariés du privé. Mais il est vrai que 35 milliards, c’est une paille dans la vie des salariés, dirait Philippe Pihet. On ne peut quand même pas traiter tout le monde de la même façon. C’est l’histoire qui veut ça, mon bon Monsieur. Il faut de la solidarité dans la vie. 

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