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Référendum, triangulation, pièges politiques à tous les étages… Sur quels chemins François Hollande va-t-il mener la France en 2016 ?
©Reuters

Le roué, c'est moué

Selon Le Parisien, le président pourrait organiser un référendum sur la déchéance de nationalité. Une mesure plébiscitée à droite, et qui pousserait potentiellement Les Républicains à faire campagne… pour Hollande.

Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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Atlantico : Sur la question de la déchéance de nationalité, François Hollande serait prêt à mettre en place un référendum d'après le Parisien du 24 décembre 2015. Dans quelle mesure peut-on y voir un piège tant pour la droite que pour le Président ?

Maud Guillaumin : Pour la droite, on voit que l’unité du Congrès commence à vaciller. Aujourd’hui, on a eu plusieurs réactions qui disent que pour l’instant les Républicains vont réfléchir, qu’il y a vraiment besoin d’une réforme de la Constitution… Bref, on a beaucoup reculé par rapport à la belle unité de Versailles. Je pense en effet qu’ils sentent le danger du référendum. Ils vont regarder les sondages qui, juste après le Congrès, montraient que les Français étaient très favorables à cette déchéance de nationalité. Du coup, ce serait vraiment incroyable que les Républicains fassent campagne contre. Hier encore, Laurent Wauquiez, nouvellement promu au sein des Républicains, disait que cette réforme de la Constitution serait une coquille vide s’il n’y avait pas la déchéance de nationalité. Petit à petit, ils s’embourbent eux-mêmes. Du coup, ils attaquent et c’est haro contre ChristianeTaubira. Je pense donc qu’ils seraient obligés de soutenir le Président, et c’est là que cela relève de la tactique pour François Hollande. Ensuite, par rapport à lui, ce référendum serait assez intelligent parce que face à sa propre opposition à gauche, que ce soit les Verts avec CécileDuflot qu’on a vu directement prendre position, que ce soit la gauche du PS comme Marine-Noëlle Lienemann, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg qui s’est fendu d’un tweet ou Aurélie Filippetti, ce serait difficile quand même de faire campagne contre ce référendum. Alors peut-être qu’ils peuvent rester en retrait, ça c’est possible. Mais en tout cas, c’est un moyen de prendre les Français à partie et de s’élever au-dessus des querelles de partie.

En réalité, c’est quand même assez intéressant parce que c’est vrai qu’on a vu la petite critique contre le fait qu’il y ait des citoyens de seconde zone, et du coup cela va donner directement la parole aux Français. On a vu aussi beaucoup de critiques sur le fait que François Hollande ne jouait que pour sa propre réélection, que pour sa propre image avec cette idée de déchéance de nationalité. Là, pour le coup, si les Français soutiennent cela, cela devient une volonté des Français et pas seulement « Moi, Président, qui veut me placer au-dessus de la mêlée ».

Il est vrai que comme tout référendum, cela prend du temps. A chaud, les sondages étaient plutôt favorables à cette idée, mais il faut voir ce que cela peut donner dans quelques semaines, dans quelques mois. Cela peut être risqué, mais en même temps François Hollande peut se libérer de ça. Pourquoi a-t-il accepté cette déchéance de nationalité ? A un moment il avait laissé Manuel Valls parler aussi, parce qu’il s’attendait peut-être vraiment à ce que le Conseil constitutionnel retoque la mesure. Peut-être qu’il s’est retrouvé aussi un petit peu coincé. Hier, tous les articles parlaient de la reculade de François Hollande, la droite avait tout le temps ce mot à la bouche… Ce référendum lui permet aussi de dire « Je n’ai pas reculé. Si les Français refusent, la question est réglée ». C'est une tactique où le Président à tout à gagner et la droite tout à perdre.

Au vu et au su des stratégies politiques qu'emploie François Hollande, que peut-on dire du futur paysage politique de 2016 ? L'échiquier politique va-t-il être drastiquement modifié ?

Non, je ne pense pas, parce que je pense que tout le monde est un peu perdu. J’ai regardé les réactions après le Congrès : il en a parlé directement et à ce moment-là il avait été applaudi sur cette idée de déchéance de la nationalité. A ce moment, on n’a pas entendu Marie-Noëlle Lienemann… Les opposants n’allaient pas à la télévision pour dire à quel point ils étaient choqués par l’idée. Cela prouve que, à chaud, après un événement aussi dramatique, ils ne savaient pas exactement comment se positionner. Les solutions sont compliquées, et je pense que cela ne peut pas permettre un redécoupage global. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’il va y avoir une réflexion de la gauche. Cette main tendue vers le centre et cette droitisation de François Hollande critiquée par la gauche du PS, cela va poser problème. Les Verts disent qu’ils ne feront évidemment pas partie de ce bateau. Il va falloir négocier, et peut-être devoir couper vraiment les ponts avec les écologistes, envisager une unité avec la droite, ce qui a déjà été annoncé. Cela a déjà été annoncé dans le sens où l'attitude est maintenant à la main tendue vers le centre. Cela permet à Manuel Valls et François Hollande d’affirmer aussi leur position. Manuel Valls avait bien dit que pour durer il fallait élargir son assise, donc se tourner vers la droite. Pour eux, ils sont dans une sorte de continuité pour le coup. Ce qu’on pourrait vraiment lui reprocher, c’est de manquer d’autorité. Certaines voix estiment qu’il outrepasse ses fonctions de Président. Il est vrai que quand on écoute les propos de Manuel Valls et de Christiane Taubira, on a vraiment l’impression qu’il y a un côté pontifical dans la voix du Président : « Le Président a parlé ». S’il avait, d’un seul coup, reculé, on aurait encore critiqué le manque d’autorité du Président. Donc François Hollande joue en effet sa carte pour 2017, mais également pour pouvoir continuer à être Président en 2016 de manière correcte.

Après avoir asphyxié la droite en lui coupant l'herbe sous le pied, François Hollande ne joue-t-il pas des événements pour museler sa gauche et amener à lui un électorat centriste ? Quel impact cela peut-il avoir sur le plan politique ?

Bien sûr, il joue vraiment sur la situation dramatique en vue des tractations qu’il va y avoir pour voter la réforme de la Constitution à l’Assemblée. François Hollande et Manuel Valls vont jouer cette partition en disant : « mais qu’est-ce que vous voulez ? Une division de la France ? Mais c’est exactement ce que veulent les terroristes. Il faut préserver l’unité du Congrès de Versailles. Vous étiez d’accord à ce moment-là, il faut continuer dans cette voie ». C’est une évidence D’un autre côté, les Verts et la gauche de la gauche vont dire qu’à un moment donné, à force de vouloir aller dans le sens national, on marche vraiment sur les pas de Marine Le Pen, et que du coup on perd son âme.

C’est certainement une position difficile pour eux. Si jamais ils s’étaient tout de suite mobilisés contre, dès le Congrès de Versailles, cela serait plus tenable. Mais ça ne s'est pas fait. Du coup, le PS autour de François Hollande et Manuel Valls pourra les accuser de créer des dissensions à un moment où la France a besoin d’être unie. Et il y a toujours Marine Le Pen en ligne de mire également. C’est-à-dire qu’à un moment, le PS dira à sa gauche : « Mais que voulez-vous ? A force de montrer de la désunion à gauche, on va finir par dérouler encore une fois le tapis rouge à Marine Le Pen ». Celle-ci répondra sans doute : « pas du tout ! C’est justement en renonçant à tous nos idéaux, à ce qui fait la substantifique moelle de la République, qu’on fait le lit de l’extrême-droite ». C'est l'illustration de la vraie réflexion politique qui se construit autour de cette question.

François Hollande a tout de suite été attaqué par Claude Goasguen et Eric Ciotti, qui estimaient que : « le Président recule encore, à quoi bon réformer la Constitution ? ». Si jamais François Hollande n’avait pas annoncé cette décision sur la question de la déchéance de nationalité, ils auraient pu dénoncer un changement de ligne par rapport à ce qui a été annoncé à Versailles, et donc du coup plus besoin de rapprochement. la droite en aurait peut-être profité pour se libérer. François Hollande luicoupe vraiment l’herbe sous le pied. De ce fait, les gens de droite tirent sur leur cible favorite, Christiane Taubira. C’est quand même intéressant ! Manuel Valls a lui aussi été complètement désavoué dans l’affaire ! Rappelez-vous il y a quelques jours, c’est lui qui a bien fait savoir à la presse via son entourage que le Conseil constitutionnel allait certainement retoquer la réforme de la Constitution, que ce n’était pas possible, que de toutes manières c’était une mesure symbolique qui n’avait en réalité aucun effet concret sur le terrorisme… Lui aussi s’était vraiment mouillé dans l’affaire, et la droite pourrait l’attaquer, là ! Or, on constate encore une fois que la droite n’attaque pas Manuel Valls, elle attaque Christiane Taubira.

Ces manœuvres peuvent-elles suffire pour l'amener à la présidence de la République en 2017 ?

Le Président joue sa carte, et c’est d’ailleurs ce que lui ont reproché Benoît Hamon et Marie-Noëlle Lienemann l'accusant de penser d’abord à 2017, à son image de Président, au lieu de penser à la République. Il est vrai que cela sert son image, évidemment. C’est une forme de « courage politique » dans le sens où il savait qu’il allait affronter une partie de ses soutiens à gauche. Là, on ne peut pas lui reprocher comme d’habitude de manquer d’autorité, de ne pas savoir, etc. Il a même surpris son monde, ce qui prouve qu’il décide seul. Et je pense que c’est un élément important. On a notamment beaucoup reproché à Nicolas Sarkozy d’être trop influencable, en découvrant justement et après-coup la puissance de Buisson. Ici, on a affaire à un Président qui décide seul, et je pense que c’est là où il aura marqué des points. Qu’on soit d’accord ou pas, on voit qu’au bout du compte il trace quand même sa route.

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