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Réduire la dépense publique : une question de management, pas de règles ni de normes
©Flickr - FTTUB

Le temps des chefs

Il nous faut des managers, ou mieux : des patrons, avec l’appui du gouvernement bien sûr ! C’est la seule façon pour réduire la dépense publique et améliorer « en même temps » la qualité des prestations, et obtenir ainsi l’appui de la population.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Il nous faut des managers, ou mieux : des patrons, avec l’appui du gouvernement bien sûr ! C’est la seule façon pour réduire la dépense publique et améliorer « en même temps » la qualité des prestations, et obtenir ainsi l’appui de la population. Mais ce n’est pas facile à expliquer et à vendre aux Français, dont les opinions sont quand même en train de changer, vers une vraie réduction. Pas facile à mettre en œuvre non plus, même si les choses bougent.

Moderniser, former, informer, transformer : quel programme ! Mais pas par des lois. La Loi Organique relative aux Lois de Finances de 2001 (LOLF), qui devait simplifier et responsabiliser, a échoué. « C’est une Rolls sur un chemin de terre » pour Alain Lambert, pourtant l’un de ses pères. Pas de meilleur résultat avec les méthodes trop abstraites : Revue Générale des Politiques Publiques (RGPP) de Nicolas Sarkozy de 2007 (avec pourtant une embauche pour deux retraites), puis Modernisation de l’Action Publique (MAP) de Jean-Marc Ayrault  en 2012. Pas trop à attendre des règlements multiples, surtout s’ils entendent simplifier !

Il faut du courage et de l’information, pour agir et changer. Nous savons tous que la grippe frappe surtout le lundi, à l’approche des « ponts » et bien plus au Sud qu’au Nord ! Mais que faire si la mairie ou l’hôpital ne publient pas les taux et calendrier d’absentéisme et si les Ressources Humaines ne disent rien ? Nous savons que la France baisse dans les classements PISA (Programme for Institutional Student Assessment) qui teste les jeunes de 15 ans en lecture, mathématique et sciences, qu’elle brevète et exporte moins… Nous savons qu’elle perd en part de marché et voit en même temps ses salaires monter. Nous savons… Mais que faire si le problème est vu en termes de moyens et pas de résultats, sans méthodes et solutions portées par de vrais managers ?

Réduire la dépense publique ? Bien sûr que oui : nos prélèvements obligatoires (44,7% en 2015) sont énormes en zone euro, avec la fiscalité qui va avec, et sans même qu’elle suffise ! Il faut s’endetter chaque année, en sus. Bien sûr que oui : tous ceux qui paient des impôts le souhaitent, et au plus tôt. On ne compte plus les travaux qui le répètent. On lit, partout, des articles ou des ouvrages qui nous expliquent que « nous allons dans le mur » et « hypothéquons l’avenir de nos enfants », avec autant de dette publique (reconnue) que de PIB. Et on les « like » beaucoup ! On sait tous que la France est en déficit budgétaire depuis des années, que ses entreprises publiques ne pourraient pas (bien) vivre sans la garantie de l’Etat sur ses dettes (SNCF, EDF…), sans oublier par exemple les Allocations chômage, où l’Etat « garantit implicitement » les crédits bancaires et financiers (en attendant que tout se rééquilibre, bien sûr).

Alors : réduire la dépense publique ? Pas facile : une entreprise administrative gère administrativement ses problèmes, avec seulement des outils administratifs, règles, normes et autres. Dans une entreprise privée, le client proteste, se fait entendre, obtient des compensations, se fait rembourser. Au pire, il va ailleurs et on en parle ! Mais ce n’est pas facile avec une mairie, Pôle emploi, un hôpital ou une université. Crier peut-être, manifester bien sûr, écrire des tweets vengeurs, mais partir ? Dépenser moins et mieux ? On vous dira au contraire qu’il faut plus de moyens en personnel et en équipement… Il ne s’agit donc surtout pas de dépenser moins, ou alors seulement en tendance. Mais, comme dans les entités publiques les emplois sont fixes et les salaires indexés, les budgets qui montent moins pèsent en fait sur l’investissement. Réduire la dépense dans une entreprise publique à coûts fixes, c’est sous-investir, comme on le voit avec le rail. Avec les coûts énormes, que l’on découvre plus tard.

Mais les choses sont plus compliquées. Non seulement la dépense publique grimpe plus qu’ailleurs et mobilise une part croissante de nos revenus, freine notre croissance et ne suffit pas, mais voilà que les services rendus sont (ou seraient) mieux appréciés, depuis peu ! Le Baromètre de l’Institut Paul Delouvrier (entre le 25 octobre et le 8 novembre 2017) sur «  Les services publics vus par les Français et les usagers » est même surpris du résultat. « La satisfaction et surtout l’opinion des Français à l’égard des services publics s’améliorent nettement cette année après plusieurs années de stagnation ». 

Plus surprenant (et inquiétant) encore : 51% des Français veulent « Diminuer le niveau des impôts et des prélèvements, quitte à réduire les prestations fournies par les services publics », ils étaient 65% en 2014. Ils sont 48% à vouloir « Améliorer les prestations fournies par les services publics quitte à augmenter le niveau des impôts et des prélèvements », et étaient 33% en 2014. L’écart se réduit. Les opinions sont majoritairement bonnes pour la police et la gendarmerie, la santé publique, le Sécurité sociale, l’environnement et l’Education nationale, mais majoritairement négatives pour le logement, la justice, la fiscalité et les impôts et surtout la lutte contre le chômage. Il y a donc une amélioration perçue des prestations, et le souhait d’aller plus loin (cependant, l’enquête ne demande pas si ceux qui sont prêts à payer plus d’impôts… en payent).

Mais surtout, et heureusement, tout ceci est très variable. Voilà (sondage Odoxa du 7 février 2018) que 64% des Français jugent que la dépense publique devrait baisser (de 15 points) pour rejoindre le niveau des autres pays de l’OCDE. Conséquence logique mais nouvelle, 56% contre 44% sont favorables à la réduction du nombre des fonctionnaires. La proposition du « plan social » par le gouvernement semble ainsi avoir levé un verrou. La vague libérale est-elle en train de monter ? 

Les sondages montrent que les Français apprécient les efforts publics en cours, et en demandent plus. Mais, vouloir davantage de services avec une réduction significative de la dépense publique, ce qu’ils veulent aussi, c’est au fond moderniser, former et transformer. Tout ceci requiert un appui public sans faille  (d’où le choc psychologique des « moins 120 000 fonctionnaires »), plus un appui qui médite les erreurs passées, plus l’usage des techniques et formations modernes, et passe par de vrais patrons, pour avancer. 

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