Reconnaissance de la filiation des enfants par GPA : grand flou sur sujet clair <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Reconnaissance de la filiation des enfants par GPA : grand flou sur sujet clair
©Reuters

Grand flou

Des journalistes ont dévoilé le projet du gouvernement d’établir dans quelques semaines une circulaire reconnaissant la filiation des enfants nés sous GPA à l’étranger.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

Voir la bio »

Il existe un vide juridique concernant le statut des enfants nés sous GPA à l’étranger. Ne faut-il pas que la loi agisse ? Cette action passe-t-elle nécessairement par la filiation ?  

Bertrand Vergely : Quand on aborde les questions de PMA et de GPA il importe d’avoir à l’esprit le principe sur lequel tout repose : dans ces affaires  tout est double. 

En apparence, tout ce qui est proposé n’a qu’un seul but : résoudre au mieux des problèmes humains et pratiques. Ainsi, par le mariage pour tous, une solution est  apportée à la question de la place des couples homosexuels dans la société. Désormais, légalement, ces couples sont des couples comme les autres, avec les mêmes droits que les autres couples. Aujourd’hui, la question qui se pose n’est plus celle du couple mais  de la famille. Avec la PMA, il va être possible pour un couple de femmes homosexuelles d’être une famille comme les autres. Avec la reconnaissance de la filiation des enfants faits à l’étranger, un couple d’hommes homosexuels avec un enfant fait sous GPA va pouvoir devenir une famille comme les autres.  

Magnifique, s’exclame-t-on. Quelle tolérance ! Quelle humanité ! Comme c’est beau ! Oui, à condition de ne pas regarder ce qu’il y a derrière et de se contenter de cette apparence. Quand on regarde les choses d’un peu plus près, il en va autrement. 

Derrière tout ce qui est en train de se passer, il nous est dit que l’enjeu est humain et pratique.  On se berce de douces illusions : l’enjeu est idéologique à savoir la théorie du genre et, à travers elle, la mise en place non pas simplement d’une nouvelle société mais une autre humanité. 

Jusqu’à présent, l’humanité se reproduit par un homme et une femme, l’homme et la femme étant le seul couple capable de faire naître l’humanité. Avec la nouvelle famille qui est en train de se mettre en place, le couple homme-femme ne sera plus le seul couple à pouvoir fabriquer un enfant et ainsi à reproduire l’humanité. Les homosexuels seront considérés comme étant capables de faire des enfants au même titre que le couple homme-femme. L’homosexualité passera de ce fait du statut de sexualité à celui de sexuation. Certes, deux femmes auront toujours besoin de sperme masculin pour faire un enfant et deux hommes d’une ovule féminine, mais ce sera considéré comme secondaire, biologique, l’important étant ailleurs dans le tolérance et l’égalité. .   

Pour l’instant, on ne parle pas trop de la théorie du genre. On n’ose pas trop en parler. Les choses sont appelées à changer. On va en parler de plus en plus. Pour une raison simple : tout ce qui est en train de se bâtir, mariage pour tous, PMA et GPA, nouvelles parentalités, ne sera possible que si la théorie du genre triomphe. Si tout le monde pense qu’au fond le couple homme-femme n’est  pas indispensable pour reproduire l’humanité, mariage pour tous, PMA et GPA perdureront et prospèreront. Mais si on persiste à penser que le couple homme-femme est le seul couple capable de reproduire l’humanité, le mariage pour tous, la PMA, la GPA seront en état d’échec. 

Les choses importantes dans la vie ne se trouvent pas dans ce que l’on voit. Elles se trouvent dans ce que l’on ne voit pas. On ne voit pas la théorie du genre. Et pourtant, c’est elle qui est à l’arrière plan de tout ce qui se passe. Aux États-Unis, les mouvements de libération ne s’y rompent pas. La LGBTQ ne s’y trompe pas non plus. Ce qu’ils veulent, ce n’est pas simplement le mariage pour tous, la PMA et la PMA. C’est que l’on pense autrement. La pensée, la maîtrise de l’esprit, là est l’enjeu de tout ce qui se passe et de tout ce qui va se passer. Pour le communisme cela a été le cas. Pour la nouvelle humanité qui se prépare cela va être le cas. Qui a la pensée et l’esprit a le pouvoir et c’est le pouvoir que poursuivent les théoriciens du mariage pour tous, de la PMA et de la GPA avec les politiques qui les soutiennent. Compte tenu de cette précision, il est possible de répondre aux questions qui se posent à propos de la filiation et de la GPA. 

Il serait bon que l’on donne un statut légal aux enfants nés sous GPA à l’étranger, dit-on. Certes, qui va avoir le cœur de laisser les pauvres gosses fabriqués sous GPA vivre sans aucun statut légal. Toutefois,  quand on donne un statut légal à ces enfants, comment ne pas voir les sidérantes contradictions dans lesquelles on se perd ? 

Hier Mardi 10 Septembre, au journal du matin à la radio, on apprend que le gouvernement a l’intention d’établir une circulaire dans laquelle la filiation des enfants nés sous GPA à l’étranger sera reconnue. Au cours de l’après-midi, la ministre chargée du dossier monte à la tribune en clamant haut et fort qu’il n’est pas question pour le gouvernement de reconnaître la GPA. Commentaire au journal du soir à la radio : le gouvernement ferme la porte à la GPA. Le gouvernement a fermé la porte à la GPA ? Nullement. De fait, il la légalise.   

En donnant un statut aux enfants nés sous GPA tout en refusant que celle-ci se fasse en France que fait-on ? On est incohérent, hypocrite et cynique. 

Quand un couple fait faire un enfant sous GPA à l’étranger  il fait un acte répréhensible. Il réduit la femme à un utérus que l‘on loue. C’est indigne. Depuis un siècle  le féminisme ne cesse de lutter pour que la femme soit autre chose qu’un utérus que l’on loue. Aux yeux de la loi française c’est un délit. Faisons du  couple homosexuel qui fait faire un enfant sous GPA à l’étranger les parents légitimes de l’enfant, faisons de ce couple un couple comme un autre, On accepte que la République  fasse des lois qui ne sont pas respectées. On est de ce fait d’accord avec ceux qui les bafouent. En un mot, on ruine la République qui se fonde sur la loi et le respect de la loi. 

On est par ailleurs hypocrite. Quand un couple homosexuel fait faire un enfant sous GPA à l’étranger c’est mal. Quand ce même couple ramène cet enfant en France, c’est bien. Ce couple est une famille comme une autre. Par un effet de magie, ce qui est mal à l’étranger devient subitement bien en France.   

On est hypocrite mais on est aussi cynique. Pour avoir la conscience tranquille en France, on va interdire la GPA. On va donc obliger les couples homosexuels qui veulent un enfant à aller le  faire à l’étranger. Qui va pouvoir se payer ce voyage ? Les riches. Les enfants nés sous GPA seront donc pour les riches pas pour les pauvres.

Quand, autrement dit, on donne un statut légal à l’enfant né sous GPA à l’étranger, que se passe-t-il ? On bafoue la République et ses lois. On bafoue la femme et sa dignité. On cautionne le cynisme friqué. On est incohérent, hypocrite et cynique.  Ce n’est pas un hasard. On veut pouvoir tout faire. Être contre la GPA pour respecter l’enfant mais faire plaisir aux couples gays qui en veulent un, être féministe et respecter la femme en refusant les mères porteuses mais aussi ne pas apparaître comme homophobe et discriminant à l’égard des nouvelles parentalités,  enfin apparaître comme bon en donnant un statut légal à l’enfant tout en vilipendant le mercantilisme qui la fait naître et en le refoulant à l’étranger.

Donner un statut légal à l’enfant sans passer par la filiation arrangerait-il les choses ? On peut donner un statut légal à un enfant dans un couple homosexuel. Il suffit pour cela que les couples homosexuels renoncent à faire faire un enfant afin qu’ils soient de leur sang et que l’enfant soit adopté. C’était le projet du premier mariage pour tous. Mariage et adoption mais ni PMA ni GPA. Ce projet a volé en éclats, les couples gays voulant pouvoir faire des enfants comme les autres couples en trouvant discriminant de ne pas le pouvoir.  L’enfant sans rentrer dans les questions de la filiation, c’était le monde d’hier. Aujourd’hui, dans le nouveau monde qui se profile, plus question d’en rester là. Comme on veut l’égalité, on remet en cause sans vergogne toutes les lois de la vie et de la filiation. 

En acceptant ce projet de reconnaître la filiation des enfants nés sous GPA, ne met-on pas le doigt dans l’engrenage progressiste qui rêve de la daire légaliser ? 

Bien évidemment. Lors d’une réunion organisée à Delphes en Grèce  en Mars 2019, un participant américain a eu cette formule qui en dit long : « La théorie du genre sera la révolution qui entraînera toutes les autres ».

Au XVIIIème siècle, lorsque la question s’est posée de transformer le monde, les révolutionnaires ont pensé que pour vraiment le transformer il fallait que cette transformation soit une révolution économique, politique mais aussi sexuelle et libertine. Selon eux, il fallait pouvoir jouir comme on veut, économiquement, politiquement et sexuellement. La révolution sexuelle a été mise en veilleuse par le libéralisme économique issu de la Révolution Française ainsi que par le communisme pur et dur. Mais la question qu’il pose est demeurée vivace. Ainsi, lors du communisme Wilhelm Reich a tenté de théoriser et de pratiquer la révolution sexuelle. 

Aujourd’hui, à quoi assiste-t-on ? Le communisme s’est écroulé et le libéralisme a gagné. Le monde s’est-il transformé ? Non. Quand on rêve de le transformer que reste-t-il si l’on ne veut être ni communiste ni libéral tout en étant révolutionnaire ? L’utopie sexuelle. D’où la fortune de la théorie du genre aux États-Unis et dans l’Europe du  Nord. Imaginons que demain il n’y ait plus de différence homme-femme ni hétéro-homo, imaginons que tout soit équivalent, que tout le monde devienne un individu comme un autre, un couple comme un autre, un sexe comme un autre, une sexualité comme une autre. Cela entraînera effectivement l’égalité économique et politique, tant recherchée par les mouvements révolutionnaires,  et jamais trouvée. Les projets de PMA et de GPA qui sont en cours vont ils dans ce sens ? Bien évidemment. Ils sont l’un des maillons dans le progrès de l’idéologie révolutionnaire transgenre qui est en train d’envahir toute la culture. Est-ce un engrenage ? Bien sûr. Ce qui se passe le montre. Hier, l’heure était au mariage pour tous. Aujourd’hui, elle est à la PMA et à la GPA. Demain, elle va être à la théorie du genre qui va sérieusement s’intéresser à la question de la pensée et de l’esprit. 

La question des la filiation des enfants nés sous GPA pose un double problème : celui de l’accueil des enfants nés sous GPA et celui du refus moral de la marchandisation des femmes du fait de la GPA. Est-il possible de concilier ces deux exigences ? 

Quand le gouvernement décide de reconnaître les enfants nés sous GPA à l’étranger tout en refusant la GPA en France c’est ce qu’il fait. Il essaie d’être à la fois protecteur de l’enfant et protecteur des femmes. Il s’agit là d’une mystification qui ne protège ni l’enfant ni les femmes. 

Interdire la GPA en France, ce n’est pas interdire la GPA à l’étranger. La GPA demeure. Cela ne règle pas le problème. Cela le recule Reconnaître par ailleurs les enfants faits sous GPA à l’étranger, c’est accepter que la GPA existe à l’étranger. C’est même favoriser celle-ci. Puisque les enfants que l’on va aller faire à l’étranger seront reconnus, allons y. On ne risque plus rien. 

Avec la façon dont il entend régler la question de la GPA le gouvernement aspire à se présenter comme le protecteur de la femme et de l’enfant. Constatons le, du fait d’un cercle vicieux, il ne protège ni l’une ni l’autre. L’enfant né sous GPA étant reconnu, la femme comme mère porteuse louant son utérus est légitimée. Elle  n’est plus respectée. Étant légitimée, l’enfant qui en résulte se voit supprimer sa mère. Ce qui n’est pas respecter l’enfant.

Violence contre la femme. Violence contre l’enfant. Comment accepter tout cela ? Comment ne pas voir que ce que l’on appelle un traitement juridique de ces questions ô combien graves n’est qu’un habillage masquant des contradictions que l’on n’ose  pas aborder ? Pour sortir de tout cet imbroglio, il faudrait accepter l’idée que tout n’est pas possible et qu’il y a des limites qu’on ne peut pas dépasser. Ne rêvons pas. L’essence de la modernité résidant dans le fait qu’il ne doit y avoir aucune limite, tout doit être possible. Les théoriciens du genre sont clairs sur ce point. Quand on les interroge sur leur but, leur réponse est claire : « Ouvrir le champ des possibles en sapant toute identité et toute vérité ».

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !