Quand l'Etat perfuse Alstom c'est plus fort que Kafka, c'est Ubu Roi au pays de Belfort...<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Etat français va passer commande de 16 TGV et 32 motrices. Même Ubu roi dans la pire de ses crises de folie n'aurait pas imaginé une décision aussi aberrante.
L'Etat français va passer commande de 16 TGV et 32 motrices. Même Ubu roi dans la pire de ses crises de folie n'aurait pas imaginé une décision aussi aberrante.
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Atlantico Business

L'Etat français va passer commande de 16 TGV et 32 motrices, la décision est aberrante, pour Alstom, pour Belfort, pour le contribuable et pour l'usager des transports collectifs.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Même Ubu roi dans un accès de folie n’aurait pas imaginé une solution pareille. Après un mois de psychodrame, le gouvernement qui a vainement cherché une solution industrielle au problème d'Alstom Belfort pour sauver 400 emplois qui auraient dû déménager, se jette a l'eau et prend la décision le plus aberrante qui soit. Et pour rien. Parce que ça ne règle pas le problème.

Faute d'acheteurs sur le marché, l'Etat lui-même va passer commande pour 16 rames de TGV et 32 motrices. Avec en prime, une commande à l'étude de bus électriques, l'installation d'un centre international de la maintenance et d'un centre de recherches, qui est sans doute la moins mauvaise nouvelle.

Le cœur de la décision ne va satisfaire personne et qui plus est, va envoyer un très mauvais signal aux acteurs du monde industriel.

Tout est aberrant dans cette affaire. 

1er point : la commande elle-même de 16 rames de TGV. La SNCF n’en avait pas besoin, ces rames seront donc livrées aux régions pour le remplacement des trains Intercités. Les TGV tout neufs, formatés pour rouler à plus de 320 Km/h,  circuleront donc sur des voies de chemin de fer installées au siècle dernier et qui ne supportent que des vitesses limitées à 200 km/h.

Les 32 motrices doivent servir à l'entretien ou à tracter des TER  mais personne ne sait au juste à qui ni à quoi elles serviront. 

Notons au passage que cette commande est passée au mépris de toutes les règles "d’appel d’offre" qui ont pourtant été voulues par tous les partenaires européens et défendues par la France. Cette commande risque d’ailleurs de déclencher des réclamations de la part de nos partenaires et une enquête qui peut déboucher sur des amendes pour non respect du droit européen. Mais, l'Europe, quand le feu brûle à la maison, qui va s’en soucier ? Alors peu importe.

2e point : le coût devrait représenter au minimum 500 millions d'euros payés sur le budget du ministère des Transports. L'Etat outrepasse évidemment son rôle et sa fonction. On entre là dans la pure logique politique digne d’un système communiste au bon temps de Staline. Cette logique-là est invraisemblable parce qu'on sait que ces trains seront payés par le contribuable ou ses enfants puisque l'Etat va devoir s'endetter. Le comble est que ces trains n'ont a priori aucune utilité. 

3e point, pour les salariés d’Alstom, la décision est stupide. Elle n'offre aucun avenir. Elle permet de faire la paix sociale pendant 3 ans, et après on revient à la case départ. Alstom se porte bien globalement parce qu'elle a mis en place un modèle de fonctionnement qui tient compte des nouvelles données internationales. Alstom travaille à 90% pour les marchés étrangers parce que les besoins existent mais à l’extérieur. C'est incontournable.

4e point : la décision est humiliante pour l'ensemble du monde du travail. Comment accepter un système d'assistance comme celui qu'on met en place à Belfort. Comment expliquer aux autres salariés qui, partout en France, ont des problèmes d'adaptation et qu’on laisse en plan, parce que les projecteurs de la politique ne se braqueront pas sur leur problème, peut-être parce que les hommes politiques n'y trouvent pas de résonance.

5e point : financièrement et socialement, il aurait mieux valu distribuer les 500 millions d’euros aux 400 salariés et fermer l'usine. Chacun serait parti en pré-retraite avec plus d’un million d’euros.

6e point : la décision est contagieuse parce que toute entreprise qui a des problèmes de surstock, de rupture de production, n'a aucun intérêt a réfléchir à sa propre mutation. Qu'elle fabrique des camions, ou des avions, des voitures ou des yaourts, elle peut exiger que l'Etat lui achète les surplus. 

7point : la décision ne rend même pas service aux hommes politiques. Personne n'est dupe. L'opinion publique, à Belfort ou ailleurs, sait bien qu'une telle décision n'a pas de sens.

Même Ubu roi dans la pire de ses crises de folie n'aurait pas imaginé une décision aussi aberrante. 

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