Protection de l’environnement : comment le climato-catastrophisme est parvenu à s’imposer au sein des ONG, des médias et à nuire à la culture scientifique<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Paul Oury publie « Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs » chez VA Editions.
Jean-Paul Oury publie « Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs » chez VA Editions.
©FRED SCHEIBER / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Paul Oury publie « Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs » chez VA Editions. S’ils ne veulent plus entendre parler de la science pour « transformer le monde », pourquoi certains politiques de gauche et de droite (et pas seulement des idéologues verts) s’appuient-ils désormais sur elle pour gouverner ? Extrait 1/2.

Jean-Paul Oury

Docteur en histoire des sciences et technologies, Jean-Paul Oury est consultant et éditeur en chef du site Europeanscientist. com. Il est l'auteur de Greta a ressuscité Einstein (VA Editions, 2022), La querelle des OGM (PUF, 2006), Manifester des Alter-Libéraux (Michalon, 2007), OGM Moi non plus, (Business Editions, 2009) et Greta a tué Einstein: La science sacrifiée sur l’autel de l'écologisme (VA Editions, 2020).

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Limiter le nombre de mètres carrés par personne pour réduire l’empreinte carbone des logements, voici l’idée radieuse qu’a proposée Pia Mamut, chercheuse à l’université de Munster, car selon elle « pour limiter l’impact du secteur sur l’environnement, la rénovation énergétique des bâtiments n’est pas la solution ». Pour bien faire, « il faut commencer par définir un nombre de mètres carrés autorisés par personne ». Et la chargée de recherche s’est interrogée : « Combien de mètres carrés par personne sont nécessaires ? […] 14 mètres carrés minimum à 20 mètres carrés maximum pour une personne seule et 40 à 80 mètres carrés pour un ménage de 4 personnes ». Et quand les journalistes affirment que ces conditions sont extrêmes, elle répond : « les conditions contextuelles, sociales, économiques et culturelles sont déjà explorées à la fois en science et en politique ».

Autre proposition, cette fois amenée par Oxfam et Greenpeace : rétablir un ISF Climat présenté comme l’anti-taxe Gilets jaunes sur ceux qui flambent la planète. Dans un rapport paru début 2022, l’ONG Oxfam a calculé que 63 milliardaires français émettaient 152 millions de tonnes d’équivalent CO₂ 3 soit 50 % des ménages français. Dans un fil de discussion sur Twitter, Cécile Duflot s’interroge : « Vous connaissez @AUCHAN_France ? Eh bien une personne qui va y faire ses courses ou qui y travaille a-t-elle le pouvoir de choisir entre des produits bas carbone, mais chers ; et d’autres moins chers, mais plus carbonés ? NON. En revanche, la personne à la tête d’Auchan, oui… Il se trouve que Gérard Mulliez et sa famille possèdent 97 % d’Auchan. Ils sont donc responsables des émissions de CO₂ d’Auchan. On arrive ainsi dans une situation où G. Mulliez pollue autant que 11 % des Français, soit plus que tous les habitants de l’Occitanie. » La solution toute trouvée est donc de créer un ISF Climat.

Voici donc deux belles entrées en matière au cœur du problème : dans ces deux cas, il s’agit de réunir « science » et « politique » pour convaincre et faire passer une proposition qui ne serait pas forcément accueillie avec enthousiasme dans l’opinion pour les raisons que l’on peut imaginer, même si la deuxième avait sans doute plus de chance étant donné son côté démagogue.

En 2001, Richard Lindzen, un physicien américain, célèbre professeur de météorologie au Massachusetts Institute of Technology, ancien directeur (démissionnaire) du GIEC a affirmé devant le Sénat US : « Contrôler le carbone est un rêve de bureaucrate. Si vous contrôlez le carbone, vous contrôlez la vie ». Par ailleurs, il a déclaré en substance que le discours public sur le climat a moins à voir avec le discours scientifique standard, qu’avec le discours politique, dans lequel il s’agit de rassurer sa base et d’effrayer l’opposition.

Comment les politiques en utilisant l’art rhétorique qu’ils maîtrisent parfaitement réussissent ce tour de passe-passe qui est de s’appuyer sur la science du climat pour imposer de nouvelles lois et restreindre nos libertés ? Comment Pia Mamut a-t-elle pu découvrir « selon la science » que l’habitat d’un individu devait être limité à quatorze mètres carrés et qu’il fallait accoler la science et la politique pour faire passer la pilule auprès des plus récalcitrants ? En généralisant cette interrogation, je veux m’interroger sur la manière dont certains politiques tentent de créer une « Climatocratie », autrement dit, un gouvernement qui s’appuie sur la science du climat pour régenter le moindre détail de nos vies.

Le changement climatique est bien réel et l’activité humaine a un certain impact. Ce qui m’importe ici, c’est que plutôt que de s’appuyer sur la connaissance scientifique et trouver des solutions technologiques pour contrer les externalités négatives du changement climatique, certains préfèrent utilisent la science pour installer la peur, déduire des normes, fixer des limites et décréter des interdits. On pose a priori le principe que le changement climatique viendrait de la seule activité humaine et que la meilleure option consiste à promulguer des lois qui empêchent cette même activité, quitte à priver les individus de libertés. Mais que peuvent faire les législateurs pour lutter contre cette menace ? Sont-ils vraiment plus efficaces que les ingénieurs dans les actions qu’ils proposent de mettre en place ? Mais avant d’aborder cette question, il nous faut déjà nous pencher sur cette opération qui permet de passer de la science à la politique et changer ainsi d’ordre de valeurs. Commençons donc par étudier les astuces qui permettent d’effectuer cette manipulation.

1.1.Le consensus climato-catastrophiste

Alors que la France s’apprêtait à sombrer dans la période estivale de 2021, son agence de presse nationale, l’AFP, a réveillé les chroniques, en sortant sa trompette pour sonner l’alarme, en publiant de larges extraits d’un brouillon du rapport du GIEC qui aurait fuité. Comme le souligne Marianne, il s’agissait d’un brouillon daté de novembre 2020, alors que le rapport ne doit être publié qu’en février 2022 ce qui a généré de nombreux commentaires : « Attention au “rapport du GIEC” qui a été divulgué par l’AFP ce matin et qui suscite de nombreux commentaires : il s’agit d’une version très préliminaire et partielle » a dit François Gemenne, politologue et chercheur belge. Que dit en substance ce « brouillon » résumé en sept posts qui se suivent sur Twitter ?

Après avoir rappelé qu’en 2022 sortirait « l’une des compilations scientifiques les plus importantes sur les conséquences du réchauffement sur la nature et l’humanité », le document en question parle de « bien-être dégradé » avec « près de 2,5 milliards de personnes supplémentaires affectées d’ici 2050 par des risques climatiques ». Il souligne que « la production des principales cultures a déjà baissé de 4 à 10 % ces dix dernières années ». Cela aura des impacts sur la santé « si la température augmente de +1,5 °C à +2 °C » :« 1,7 milliard de personnes supplémentaires seront également exposées à de fortes chaleurs, 420 millions à des chaleurs extrêmes et 65 millions à des canicules exceptionnelles tous les cinq ans. »

Les auteurs du brouillon parlent de « nature en perdition : Les forêts, tropicales ou boréales, sont particulièrement concernées, avec l’augmentation des températures. Le permafrost, sol gelé qui renferme des volumes immenses de méthane, un gaz à effet de serre puissant, pourrait commencer à disparaître ». Au niveau économique : « Les événements climatiques extrêmes réduisent la croissance économique, à court terme, après une catastrophe, et jusqu’à dix ans après. » Le document souligne un point important qui est que : « Même avec des mesures d’adaptation [digues, drainage…], les coûts liés aux inondations pourraient d’ici 2050 être multipliés par dix, à 60 milliards de dollars par an, dans les 136 plus grandes villes côtières. »

Enfin, ils soulignent que « Chaque fraction de degré compte : Limiter le réchauffement à +1,5 °C plutôt qu’à 2 °C permettrait d’accroître le PIB par habitant. Seule une “approche transformationnelle” de nos modes de vie et de consommation pourrait enrayer le moteur du changement climatique. »

La publication de ces infos a fait réagir de nombreux experts qui n’ont pas manqué de rappeler qu’une relecture de ces éléments était nécessaire et qu’il ne s’agissait pas d’un avis définitif. Il n’empêche que les informations divulguées ont suscité la panique dans l’opinion, étant donné leur teneur catastrophiste. Ainsi le Monde a titré « Dérèglement climatique : l’humanité à l’aube de retombées cataclysmiques, alerte un projet de rapport du GIEC », Reporterre « La hausse de 2 °C de la température mondiale serait apocalyptique, prédit un rapport du GIEC », L’Obs « Le pire est à venir : l’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques, alerte le GIEC »… Cette petite liste de titres alarmistes dresse le tableau du débat médiatique. Et on se rend compte que les journalistes manquent de superlatifs pour parler du sujet.

La montée en puissance du catastrophisme dans les médias est désormais un phénomène récurrent. Le traitement journalistique du climat et notamment des rapports du GIEC est significatif. Le biais du catastrophisme semble être devenu inévitable… On peut faire remonter la systématicité de celui-ci au traitement négatif qui était donné a priori par les médias aux nouvelles technologies telles que les biotechnologies végétales, par exemple. Des études de références comme celles de Kalev Leetaru qui a appliqué la technique de l’analyse de sentiments (sentiment mining) sur les archives du New York Times entre 1945 et 2005 ainsi que sur des archives d’articles et d’émission traduites de plus de cent trente pays différents ont permis de constater que le célèbre journal avait sombré dans une ambiance littéralement morose depuis 1990 ; la « tonalité » des news n’ayant cessé de prendre une tournure toujours plus négative : un mouvement qui s’est amorcé dans le milieu des années 1970 et que l’auteur a également constaté dans les archives journalistiques des autres pays.

En règle générale, les scientifiques se plaignent régulièrement du traitement catastrophiste et biaisé de leur matière et de la tendance que les médias ont de colporter de fausses informations à leur sujet : par exemple, les chercheurs en biotechnologies accusent les médias de faire croire que les OGM sont des poisons alors que l’on dispose de suffisamment d’études et de recul pour prouver leur innocuité, les ingénieurs nucléaires de faire croire que les centrales rejettent du CO₂… A contrario, ce n’est pas le cas des climatologues qui sont ravis du traitement médiatique qui leur est réservé. Ainsi François-Marie Bréon, chercheur physicien au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, qui a participé à la rédaction du 5e rapport du GIEC et président de l’Association française pour l’information scientifique (Afis), affirme lors d’une table ronde sur « Climat et Énergie, les fausses représentations » qui a eu lieu à l’occasion du cinquantième anniversaire de cette vénérable association : « Je voudrais que vous réalisiez que contrairement aux sujets des tables rondes qui vont venir, sur le climat, on a gagné la bataille médiatique ; c’est-à-dire que les journalistes sont intimement persuadés qu’il y a changement climatique, que ce changement climatique est bien dû à l’homme, et que ce n’était pas le cas, il y a dix, quinze ans où il y avait pratiquement autant d’articles climatosceptiques que d’articles qui disaient la science… sur ce sujet on trouve dans les médias des choses qui sont assez proches de ce que dit la science » propos qui a suscité une remarque incidente de Yves Bréchet, grand spécialiste du nucléaire : « Eh bien, sur l’aspect énergétique, je crois bien que la bataille médiatique est perdue. »

Cette déclaration a quelque chose de surprenant. Qu’est-ce qui pourrait expliquer que sur les autres sujets scientifiques et techniques, les médias traitent l’information de manière biaisée, approximative, voire, totalement fausse – et rendons à ce sujet hommage à l’Afis qui s’est toujours battue pour rétablir la vérité – alors qu’ils seraient totalement objectifs sur le traitement médiatique concernant le climat ? Cela a quelque chose de déroutant et on se demande par quel miracle, tout d’un coup, les médias ne seraient plus tentés d’attirer l’attention de leur lectorat, en racontant des histoires effrayantes ou en faisant usage du marketing de la peur. Et surtout, cette affirmation contient un sous-entendu : il existe un consensus sur l’analyse catastrophiste du climat et donc le traitement médiatique doit être univoque. En conséquence de quoi, la remise en cause de cette vision relèverait de la pseudoscience.

Or qu’en est-il de ce consensus ? Le président de l’Afis se réjouit d’une bonne nouvelle : « les climatosceptiques sont une espèce en voie de disparition ». Parmi cette espèce, il distingue trois niveaux : le premier niveau, c’est de nier le changement climatique et dire que le climat a toujours varié, cette espèce est « à peu près éteinte ». Le deuxième niveau, ce sont ceux qui disent que le climat change, mais que ce n’est pas à cause de l’activité humaine… parmi eux, il y a des certains scientifiques de renom comme Vincent Courtillot ou encore François Gervais… ceux-ci ont pris la place de Claude Allègre… ils croient que c’est le soleil ou qu’il s’agit de cycles. Cette espèce de climatosceptiques est également en voie de disparition. Il y a enfin une dernière espèce qui pense que l’activité économique est plus importante que les problèmes climatiques. « Donald Trump est à ranger dans cette catégorie », selon le climatologue. « Il a décidé de sortir des accords de Paris, il a reconnu qu’il y avait du changement climatique, que celui-ci était dû aux activités humaines, mais il n’y a pas de raison que les USA fassent des efforts, ce qui est le plus important pour lui ce sont les emplois des mineurs américains. » Monsieur Bréon reconnaît que dans cette attitude on n’est plus dans une question scientifique, mais qu’on est dans une question politique et en l’occurrence ce n’est pas à l’Afis de débattre de politique.

Sur ce sujet marronnier, on a vite fait de quitter le terrain de la controverse scientifique (un débat entre experts sur l’interprétation de faits) pour rentrer dans la sphère de la polémique (des accusations ad hominem entre experts et/ou non-experts). On se retrouve, avec d’un côté les tenants de la thèse du réchauffement climatique anthropique, qui accusent les climatosceptiques (climato-réalistes) d’être dans un déni, et de l’autre ces mêmes climatosceptiques (climato-réalistes) qui accusent leurs opposants de prioriser l’agenda du GIEC, un organisme politique (c’est la thèse par exemple de Drieu Godefridi, un philosophe belge). En conséquence de quoi, le débat se fait souvent à coups de pétitions interposées. Ainsi, le 20 novembre 779 scientifiques ont signé la déclaration présentée au Parlement européen, intitulée « Il n’y a pas d’urgence climatique ». On s’arrêtera particulièrement sur la première phrase de ce manifeste : « La science du climat devrait être moins politique, alors que les politiques climatiques devraient être plus scientifiques ». Les deux camps d’experts s’accusent mutuellement de faire de la politique et non de la science.

Ajoutons à cela que la classification proposée par monsieur Bréon est un peu réductrice. En effet, le physicien Steven E Koonin, ancien conseiller scientifique de Barack Obama, par exemple, auteur de l’ouvrage « Unsettled » soutient la thèse selon laquelle le changement climatique est bien réel, l’homme y prend certes une part importante, mais on ne dispose d’aucun moyen pour dire quelle est la proportion de cette part et prétendre le contraire serait totalement erroné pour ne pas dire mensonger (voir mon analyse détaillée page 50). Il a écrit son ouvrage en s’appuyant sur les données du GIEC et ne conteste nullement leurs travaux. Mais comme il le précise, contrairement aux rapporteurs qui préparent les éléments de presse pour les décideurs et les médias, il ne s’appuie pas sur les scénarios les plus catastrophistes pour fonder ses analyses. Il n’en reste pas moins qu’il affirme être considéré comme un climatosceptique. Monsieur Koonin semble d’ailleurs regretter cette situation, car il appelle ses pairs à remettre en cause les analyses de son ouvrage, mais remarque qu’aucun ne veut débattre avec lui. Du fait qu’il ne partage pas la vision catastrophiste, il n’est plus invité à la table des discussions.

La troisième sous-catégorie de « climatosceptiques » évoquée par monsieur Bréon (ceux qui croient au réchauffement climatique, mais pensent que l’économie est plus importante) ne dispose pas non plus de toute la latitude pour s’exprimer. En effet, l’économiste de l’environnement Björn Lomborg ancien militant écologiste converti à la rationalité scientifique a été censuré par les vérificateurs de faits (fact-checkers) de Facebook ; ces derniers en effet n’ont pas aimé qu’il reprenne une étude publiée dans le journal The Lancet qui annonçait que le réchauffement climatique causait moins de morts d’une manière générale, car moins de morts du froid. En effet Lomborg a exposé le résultat de cette étude de la manière suivante : « Le réchauffement climatique sauve 166 000 vies chaque année. Les augmentations de température de 2000 à 2019 signifient plus de décès par la chaleur (116 000), mais aussi moins de décès par le froid (283 000). Cela ne correspond pas au récit de l’alarmisme climatique, hélas nous sommes mal informés quand les médias ne rapportent que les décès dus à la chaleur. » Comme s’en est plaint Lomborg sur Twitter, il y a un récit avec certains éléments de langage obligatoires et il n’est pas bon d’y contrevenir. On comprend qu’il y a plusieurs discours sur le climat et que les choses sont beaucoup plus complexes que ne le voudraient les tenants de la doxa officielle.

À ce propos qu’en est-il dudit consensus ? Tout d’abord, d’où vient cette idée ? Vous avez sans doute entendu parler d’un fameux chiffre de 97 % de scientifiques qui sont d’accord pour affirmer la thèse d’un réchauffement climatique anthropique. Il s’agit d’un article publié par Cook et ses collègues en 2016 qui à partir de l’examen des études disponibles à l’époque, affirme que « le consensus selon lequel les humains sont à l’origine du réchauffement climatique récent est partagé par 90 % à 100 % des scientifiques du climat ».

Le physicien Sébastien Point, également membre du comité de rédaction de l’AFIS et président de la SFRP (société française de radioprotection), a fait à notre connaissance, le travail le plus fouillé du point de vue épistémologique sur cette idée de consensus dans un article publié sur Europeanscientist ; voici ce qu’il affirme : « En examinant plusieurs articles qui suggèrent un niveau de consensus extrêmement élevé sur la question du Réchauffement climatique d’origine anthropique, nous avons montré que cette évaluation est construite sur une fraction significative, mais néanmoins limitée de publications scientifiques disponibles ou d’un nombre restreint d’opinions. Nous avons montré comment certains auteurs affirmant un très haut niveau de consensus sur le réchauffement climatique avaient utilisé un raisonnement circulaire pour convaincre et nous avons souligné que plusieurs biais méthodologiques (notamment les biais de confirmation, les biais de sélection, les biais de publication, l’effet de l’expérimentateur, l’acceptabilité sociale) ne semblent pas avoir été mis sous contrôle. En raison de ces biais potentiels, des niveaux de 90 % ou 100 % pourraient être des évaluations trop optimistes du consensus actuel sur la question climatique ». Cet article particulièrement long requiert un effort de concentration, aussi je ne reviendrais que sur les deux points principaux.

Le premier est la circularité de l’argumentation : certaines études ont été considérées comme faisant partie du consensus même si elles n’en parlaient pas, parce que justement il y aurait consensus et donc on n’aurait plus besoin d’aborder la question. Comme le dit S. Point : « comment accepter l’argument selon lequel le consensus existe parce qu’il y a consensus ? » Il cite le logicien Bertrand Russell, « la méthode de postuler ce que nous voulons a de nombreux avantages ; ce sont les mêmes que les avantages du vol par rapport au labeur honnête ».

Ensuite un deuxième argument massue est celui de l’acceptabilité sociale. Selon l’auteur, « les répondants sont beaucoup plus enclins à approuver une affirmation lorsqu’elle est conforme aux attentes sociales » et de fait « un autre biais potentiel majeur dans l’évaluation du consensus pourrait provenir de la façon dont les recherches sont financées et publiées ». On ne s’étonnera pas de ne pas trouver d’articles contestant la doxa du RCA (réchauffement climatique anthropique) dans les revues à comité de lecture du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, de la Société américaine de météorologie, de l’Union américaine de géophysique et de l’Association américaine pour les progrès de la science. Si selon Oreskes, « les scientifiques publiant dans des revues à comité de lecture étaient d’accord avec le GIEC et les sociétés savantes et que l’impression de dissension entre les climatologues était incorrecte », selon Point, « on pourrait également supposer que seuls les résultats cohérents avec les points de vue du GIEC sont publiés dans la littérature à comité de lecture ». Il faudrait en conséquence analyser également les résumés qui ont fait l’objet d’un rejet pour vérifier si « aucun article publié n’est en désaccord avec le point de vue du GIEC ou les articles en désaccord avec le point de vue du GIEC ne sont pas publiés ».

La conclusion de Sébastien Point au sujet du consensus est donc sans appel : « L’ensemble de la communauté scientifique du climat devrait probablement trouver un moyen plus rigoureux d’analyser son propre travail, avec une méthodologie non biaisée et vérifiée, pour construire de manière scientifique le niveau d’accord sur la théorie du réchauffement climatique et devrait éviter de laisser formuler des allégations magiques infondées qui peuvent attirer l’attention du public, mais risquent de discréditer la science. L’exigence de probité s’applique à tous les scientifiques, y compris aux scientifiques du climat. »

Et pourtant les attaques contre ceux qui ne se plient pas à la doxa du catastrophisme climatique se sont faites de plus en plus violentes : ainsi en 2015 déjà, l’avocate de profession et ancienne ministre de l’Environnement Corine Lepage affirmait lors d’un entretien à France Inter : « Moi, je suis un grand défenseur de la liberté d’expression. Dès lors, s’il y a des gens qui ont envie d’être climatosceptiques, c’est leur affaire. Je pense quand même qu’à un moment donné du temps, il va falloir tenir un registre très précis de tous ceux qui se seront prononcés et qui auront agi dans un contexte climatosceptique, pour que, dans quelques années, ils portent la responsabilité au moins morale de ce qu’ils auront fait. » Et pour enfoncer le clou : « Je pense qu’un jour on y viendra. Dans la Déclaration des Droits de l’Humanité, on a pris le choix de ne pas proposer le Tribunal Pénal International de l’Environnement et de la Santé, que personnellement je défends activement. Mais on l’a pas mis, parce qu’on s’est dit que la société n’était pas mûre pour l’accepter – la société internationale. Mais on y viendra. Là, je ne suis pas dans le juridique. Je suis au moins dans le moral ».

Si ce tribunal pénal n’a pas encore été institutionnalisé, dans l’opinion et les médias il est bel et bien là et certains accusateurs publics usent de lois virtuelles pour condamner à une mort sociale certains contrevenants. C’est ainsi que le prestigieux professeur et énergéticien italo-belge Samuele Furfari s’est vu accusé par des étudiants de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) d’être climatosceptique dans une lettre adressée aux autorités de l’Université. Le scientifique qui est un ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne et une référence en matière de politique énergétique, auteur de nombreux ouvrages, a subi les attaques d’étudiants n’ayant même pas suivi son cours. Fait d’autant plus surprenant, que ce sont des étudiants du « cercle du libre examen » – la devise de cette université. Tout a commencé à la suite d’un débat télévisé du professeur dans « C’est pas tous les jours dimanche » dans lequel Furfari a affronté Jean-Pascal Van Ypersele, professeur de climatologie à l’UC Louvain et ancien vice-président du GIEC. Lors de ce débat, Furfari a affirmé à propos du réchauffement climatique : « Ce sont des phénomènes qui ont toujours existé. La température a toujours augmenté, diminué, etc. Il y a eu une période dans l’histoire de notre terre où il y avait vingt-cinq fois plus de CO₂ qu’aujourd’hui. Et les océans n’ont pas bouilli » et, autre affirmation importante, « À la page 774 du rapport du GIEC de 2001, il est inscrit que dans le domaine de la recherche et de la modélisation climatique, nous devons reconnaître que nous avons affaire à un système chaotique non linéaire couplé et que, par conséquent, la prédiction à long terme des états climatiques futurs n’est pas possible ».

Ces propos ont déclenché la réaction d’étudiants qui ont mené une campagne d’affichage dans les couloirs de l’ULB pour dénoncer « la teneur climatosceptique des propos d’un professeur » et ont rédigé une lettre ouverte qu’ils ont adressée aux autorités académiques de l’Université Libre de Bruxelles, au doyen et au vice-doyen de l’École polytechnique où enseignait Furfari depuis dix-huit années. La jeunesse veille à ce qu’aucune tête ne dépasse et ce n’est pas peu dire.

Certains en ont même fait un sujet d’étude. Dans une étude publiée dans Nature et intitulée « Classification assistée par ordinateur des affirmations de “contrarian” (personnes à contre-courant) sur le changement climatique », Travis G. Coan, Constantine Boussalis, John Cook et Mirjam O. Nanko, proposent une taxonomie (un classement) des affirmations qui contreviennent à la doxa climatique catastrophiste.

Ces chercheurs « entendent étudier le rôle constant de la “désinformation » dans le débat sur le changement climatique », à l’aide d’un modèle qui leur permet de classer un corpus de sites Internet, de think tanks conservateurs et de blogs de contradicteurs. 

Extrait du livre de Jean-Paul Oury, «  Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs », publié chez VA Editions

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