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Essence : pour la concurrence, contre les taxes
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Coup de pompe

La ministre de l'Économie Christine Lagarde veut contraindre les compagnies pétrolières à répercuter la baisse des prix du pétrole sur les prix des carburants. A trop vouloir réglementer, l'État ne joue-t-il pas contre les automobilistes ?

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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L’automobile est depuis son invention un objet politique. C’est un objet politique parce que - n’en déplaise à ses détracteurs - elle est d’abord le formidable instrument d’une liberté fondamentale : la liberté de se déplacer. Tout ce qui touche à l’automobile – ou autre véhicule terrestre – devrait donc être évalué à l’aune du droit de chaque citoyen de se déplacer librement. Nos gouvernants, depuis maintenant de trop nombreuses années, ont oublié le sérieux avec lequel un sujet relevant de ce droit doit être traité. Madame Christine Lagarde, en sa qualité de ministre des Finances, vient d’en faire la démonstration avec le prix des carburants.

De l'hypocrisie de l'État...

Il n’est nul besoin d’études bien approfondies pour s’apercevoir que les variations des prix des carburants ne reflètent pas celles du prix du pétrole brut - exprimé en dollar ou en euro. Fort de ce constat appuyé par un rapport de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), il ne fait pas de doute que notre ministre des Finances convoquera les dirigeants des compagnies pétrolières dans les jours à venir afin de leur rappeler l’exigence du gouvernement de voir les prix des carburants suivre à la baisse celui de leurs ressources en brut. Ces derniers ne manqueront pas de rassurer leur interlocutrice - et par delà les Français - sur leur vigilance accrue en la matière malgré le caractère très complexe du sujet. Et quelques jours après les remontrances de façade, nul ne pensera plus à l’affaire sauf à avoir le vague sentiment que le gardien de l’intérêt général a fait son devoir. Mais sur le fond, rien ne changera car il n’est pas de l’intention réelle du ministère des Finances que cela change. Et c’est en cela que l’on peut dire que ce sujet important - touchant directement la liberté de déplacement des citoyens - n’est pas pris sérieusement ou pire traité avec le plus parfait des cynismes. On ne peut en effet à la fois prétendre vouloir faire baisser les prix des carburants et être le principal responsable de leur prix relativement élevés.

Il convient de rappeler que sur un litre de super, la TIPP (Taxe intérieure sur les produits pétroliers) est d’environ 0,61 euro (fixe que le prix du pétrole augmente ou baisse), la TVA d’environ 0,30 euro face à une marge de raffinage de 0,02 euro et de distribution entre 0,00 et 0,10 euros. Il est surprenant d’entendre celui qui prélève plus de 60 % (dont les 2/3 en valeur fixe) du prix du carburant reprocher à celui qui en prélève moins de 10 % d’être le responsable du coût élevé du dit carburant. Il n’échappe pas à l’Etat que cette situation est paradoxale. En effet la distribution de produits pétroliers raffinés souffre d’une anomalie, en regard des pratiques commerciales et fiscales généralement constatées en France : le client ne sait pas ce qu’il paye. Le montant de TVA figure sur n’importe quel ticket de caisse, mais pas sur ceux des stations services. La TIPP payée par litre n’y figure pas non plus. Avant de convoquer les pétroliers pour leur demander de s’expliquer sur leur manque de transparence, l’Etat pourrait lui-même faire preuve de cette transparence qu’il réclame, en affichant clairement le montant de TVA et de TIPP prélevé sur chaque litre d’essence.

... à la puissance des compagnies pétrolières

Il ne s’agit pas pour autant d’exonérer les compagnies pétrolières de toute responsabilité. Leur concentration favorise la constitution d’oligopoles. Si l’intensité capitalistique exigée par l’exploration et l’exploitation est une réalité confortée par les politiques nationales de nombreux pays dont la France, la distribution ne requiert pas les mêmes capitaux. Il y aurait donc intérêt pour un État réellement préoccupé par la baisse des prix des carburants, de favoriser une plus grande concurrence en matière de distribution. Il est très regrettable que les automobilistes soient face à des monopoles ou des duopoles sur des régions entières. Par ailleurs, les compagnies pétrolières occultent le fait qu’une partie très importante de leurs ressources ne dépend pas du prix « spot » (au jour le jour) du pétrole mais de contrat à long terme à prix fixes. La puissance des compagnies pétrolières - favorisée par les États - rend le débat sur le sujet quasi-impossible.

D’aucuns justifieront le cynisme politique par l’exigence écologique. Il n’est pas le propos de cet article de remettre en cause la pertinence de cette exigence. Mais ici encore, les contradictions ne manquent pas. Si l’exigence écologique devait servir de guide à l’action politique, l’Etat ne manquerait pas de créer une concurrence par la substituabilité potentielle ou existante avec d’autres carburants moins polluants. Or, les automobilistes n’ont pas le choix d’utiliser l’huile végétale pure à titre d’exemple. Si cette envie leur prenait, ils seraient immédiatement taxés sur les pertes fiscales estimées de l’Etat.  Pour aller au bout de la logique écologique, il conviendrait également que l’essentiel de la TIPP soit affectée à la recherche en matière de carburants propres et de moteurs encore plus efficients.

Les gesticulations actuelles (et régulières) du gouvernement sur le prix des carburants n’a en fait d’autre but que de dissimuler une réalité politique : un État drogué à la taxe sur les carburants (25 milliards d’euros par an). L’incurie budgétaire rend l’Etat dépendant de cette drogue. C’est un parfait exemple de la conséquence directe du déficit budgétaire sur la liberté des citoyens : plus de taxes pour combler le déficit signifie moins de liberté de déplacement des citoyens. 

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