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Syndicat de la magistrature : "Il n'y a pas besoin de modifier le droit pour protéger les policiers"
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Police secours

Nicolas Sarkozy a annoncé ce jeudi la mise en place d'une mesure de présomption de légitime défense pour les policiers et les gendarmes. Cette annonce fait suite à la mise en examen pour "homicide volontaire" d'un policier ayant abattu un braqueur multirécidiviste. L'avis de Sophie Combes, Secrétaire Nationale du syndicat de la magistrature, classé à gauche.

Sophie Combes

Sophie Combes

Actuellement secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, Sophie Combes est magistrate depuis 2004.

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Atlantico : En réaction à la mise en examen d’un policier pour homicide volontaire, Nicolas Sarkozy propose de mettre en place une présomption de légitime défense pour les policiers et les gendarmes. Que pensez-vous de cette proposition ?

Sophie Combes : Nous avons été surpris des propositions de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant. En effet, toute personne ayant été mis en examen bénéficie déjà de la présomption d’innocence. Avec cette proposition, ils indiquent que les policiers, de par leurs statuts, pourraient alors commettre des infractions si elles sont commises sur leur temps de travail. Si incident il y a, ils ne pourraient donc pas être mis en examen.

Ne faut-il pas cependant prendre en compte le caractère particulier de la fonction de policier par rapport aux autres citoyens ?

Ces éléments entrent déjà en considération au cours de l’enquête lorsque les faits sont étudiés au moment de l’investigation. En effet, les éléments particuliers de la situation, dont la profession, sont déjà pris en compte lors de l’appréciation des charges et des circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulées. Dès lors, si un policier est en situation de danger, ces éléments sont déjà pris en compte dans le cadre de la légitime défense. Il va alors falloir déterminer si la personne a réagi de manière proportionnée.

Mais si l’on créer une présomption de légitime défense spécialement conçue pour les policiers et que celle-ci ne peut être contredit, et ce, avant même toute enquête, il y a un risque : celui de créer un « permis d’infraction ».

Faut-il alors trouver un compromis entre la loi actuelle et le statut particulier des policiers ?

Nous avons surtout l’impression d’une instrumentalisation électorale. Le droit est assez bien fait en l’état actuel, il n’y a pas besoin de créer un statut particulier. Lorsque Nicolas Sarkozy parle d’une présomption de légitime défense particulière pour les policiers, il reprend les propos de Marine Le Pen.

L’émotion est légitime chez les citoyens pour une telle mesure, mais le problème n’est pas là. Le métier de policier est difficile, il faut leur accorder les moyens matériels de travailler assortis à de meilleures conditions de travail, mais pas en arguant un statut qui est soit dangereux soit inutile.

Quelles réformes seraient utiles pour combler ces  problèmes ?

La police est un service public et souffre d’une réduction de moyens humains et matériels, mais aussi d’une pression du chiffre constatée. Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur avant d’être Président, les policiers doivent donc se tourner vers lui pour un éventuel renforcement d'effectif, qu’ils travaillent mieux, qu’ils puissent mener des enquêtes appondies… Mais il ne faut pas confondre les débats.

Il faut arrêter toute récupération politique et laisser le juge d’instruction travailler pour qu’il mène l’enquête et que le policier puisse se défendre dans des conditions normales.

Comprenez-vous la colère des policiers quant à la violence à laquelle ils sont soumis ? Votre position résulte-t-elle d'un conflit entre policiers et magistrats ?

En Seine-Saint-Denis, police et magistrats travaillent ensemble tous les jours. Mais parfois les policiers travaillent sous une forte pression du fait de leur manque de moyens. Les résultats d’une enquête  ne sont donc pas toujours suffisants pour les magistrats ce qui débouche parfois sur des décisions différentes de celles qui étaient attendues par les policiers.

Je comprends la colère des policiers par rapport à leurs conditions de travail difficiles et à la violence à laquelle ils font face, mais les juges ne sont pas les bons interlocuteurs face à celle-ci.

Les syndicats de la magistrature sont souvent considérés comme étant « de gauche ». Mais il s’agit essentiellement d’un raccourci qui n’a rien avoir avec la réalité. Certes, nous sommes proches des associations qui défendent les libertés publiques par exemple. Mais ce que nous voulons, c’est le bon fonctionnement de la justice en tant que service public dans des conditions qui permettent l’égalité des citoyens quant à son accès et qui préservent les droits de chacun. Bien que syndiqués, nous sommes avant tout des magistrats.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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