Première bougie : ce que l’arrivée d’Emmanuel Macron, "le libéral de gauche", a apporté à François Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, "le libéral de gauche".
Emmanuel Macron, "le libéral de gauche".
©Reuters

Joyeux anniversaire

Voilà maintenant un an que le ministre de l'Economie est au gouvernement. Entre efforts de réformes et maladresses rhétoriques, ce libéral fait pourtant bouger les lignes, au moins sur le plan intellectuel.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Atlantico : Le 26 août, Emmanuel Macron fêtera son premier anniversaire au ministère de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique. En un an, avec la loi Macron, le ministre a assumé des positions perçues comme libérales, décriées aussi bien par les frondeurs que par le Front de gauche. Qu’est-ce qu'Emmanuel Macron a apporté de plus au gouvernement au cours de cette année ? Représente-t-il réellement une forme de libéralisme de gauche ?

Gaspard Koenig : Macron se définit lui-même comme libéral, ce qu’il a assumé avec un certain courage sur un plateau de France 2 en mars dernier. Il se situe dans la tradition d’un libéralisme de gauche qui ne date pas d’hier : je rappelle que Jean Jaurès vantait les “conquêtes libérales” de la révolution française et que Léon Blum revendiquait le fait de “pousser le libéralisme économique aussi loin que ne l’avait fait aucun autre gouvernement dans le passé”. Concrètement, les quelques réformes libérales des trente dernières années ont plutôt été le fait de gouvernements de gauche : Bérégovoy pour les marchés financiers, Rocard pour les retraites, Strauss-Kahn pour les privatisations. Macron ne fait que reprendre le flambeau, attirant derrière lui la génération des trentenaires formés à Terra Nova. Espérons que cela contribue à réformer le Parti socialiste.

Le manque de résultats du gouvernement de Manuel Valls n’est-il pas un désaveu pour la vision économique défendue par le ministre de l’Economie ?

Emmanuel Macron est bien évidemment en sous-régime : dans un système aussi absurdement verrouillé que la Ve République, la marge de manoeuvre d’un ministre est quasi nulle. Sur des sujets aussi microscopiques que la réforme des auto-écoles, Macron a dû abandonner ses velléités d’ouvrir le marché sous la pression de son collègue de l'Intérieur (en langage administratif, on dit : “perdre ses arbitrages”). L’ouverture des magasins le dimanche, et encore de manière très partielle et contrôlée, a nécessité le recours au 49.3. Autant vous dire qu’on est très loin des réformes de structure libérales que Macron doit avoir en tête !

L’intérêt de Macron est donc moins dans les actes que dans les paroles. Il présente de manière très juste la libéralisation non sous l’angle de la croissance économique, mais de la justice. Libéraliser, c’est donner des droits à ceux qui sont aujourd’hui exclus du marché du travail, exclus de la consommation ; c’est faire le pari de la jeunesse, aujourd’hui la première victime des protections que les baby boomers se sont octroyées. Quand il répond à Martine Aubry qu’il représente “la vraie gauche”, il faut le prendre au sérieux. Aujourd’hui, la gauche des frondeurs c’est la fausse gauche, la gauche qui défend le statu quo et les privilèges. Il faut donc réfuter avec force l’adjectif “social-libéral”, comme si la gauche pouvait être “un peu plus libérale” parce que “un peu moins sociale” : au contraire, elle est pleinement sociale quand elle devient 100% libérale !

Quelles ont été ses erreurs ? On peut penser aux illettrés de Gad, "les pauvres dans les autocars, ou les jeunes milliardaires". En quoi ce type de "sorties" ont desservi le ministre ?

Paradoxe : les médias reprochent aux politiques de mentir, mais leur font payer très cher la moindre formule de vérité ! En quoi est-ce une “erreur” de dire que l’analphabétisme est une réalité, qui entraîne des problèmes en série (notamment, dans ce cas précis, des difficultés à passer le code de la route…) ? En quoi est-ce une “erreur” que de permettre aux pauvres qui ne peuvent pas se payer un billet TGV de prendre un bus ? En quoi est-ce une “erreur” de vouloir que les jeunes vivent mieux que leurs parents, et deviennent milliardaires si tel est leur rêve ? Ce sont des vraies questions dans notre société. On ne peut résoudre que ce que l’on accepte de nommer. Les Français ne s’y trompent d’ailleurs pas : en restant authentique, fidèle à ce qu’il est et à ce qu’il pense, Emmanuel Macron enregistre une des meilleures cotes de popularités du gouvernement - 47%, qui monte à 68% chez les militants socialistes ! 

Pour certains commentateurs, l’union des libéraux de droite et de gauche permettrait d’apporter des solutions au pays. Existe-t-il encore une différence réelle entre les deux courants ? Une telle union est-elle possible, voire souhaitable ?

Je pense en effet que la ligne de fracture du XXIème siècle ne sera plus entre gauche et droite, des concepts rendus largement obsolètes par la disparition de l’idéal communiste, mais entre conservateurs/souverainistes et libéraux. En France, je rêverais d’une telle union, qui rendrait le libéralisme non seulement plus fort mais aussi plus authentique, en se déclinant à la fois sur le terrain économique et social. Le problème est d’abord que le système présidentiel, que je déplore, interdit l’émergence de coalitions parlementaires originales. Et ensuite que les libéraux à droite comme à gauche se comptent, dans la classe politique actuelle, sur les doigts d’une main ! Voilà pourquoi j’estime important de concentrer nos forces sur le premier des combats : celui des idées. Une fois l’opinion conquise, la politique suivra. 

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