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Pourquoi Vladimir Poutine est au plus bas dans les sondages en Russie
©Alexei DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Popularité

Vladimir Poutine expérimente une brutale chute dans l'opinion. Une cause immédiate : sa réforme des retraites enclenchée depuis sa réélection.

Jean-Robert Raviot

Jean-Robert Raviot

Jean-Robert Raviot est professeur de civilisation russe contemporaine à l'Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, docteur et HDR en science politique.
 
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Atlantico : Vladimir Poutine ne cesse de chuter dans les sondages d'opinion, et n'est désormais plébiscité que par 33% des Russes, son plus bas niveau depuis 2006, rapporte le Financial Times. Que pensez-vous de ces chiffres ? De quoi résulte cette "chute" ?

Jean-Robert Raviot : Ces chiffres sont produits par des instituts de sondage très divers, ils reflètent donc bien une réalité peu controversée, d’ailleurs. Cette chute est constante depuis la réélection de Vladimir Poutine à la présidence, en mars dernier. Cette chute a une cause immédiate : la réforme des retraites et en particulier le recul de l’âge de la retraite, largement rejetée par une immense majorité de Russes. Pourquoi ? Un seul chiffre : l’âge de la retraite passe à 63 ans pour les hommes, dans un pays où l’espérance de vie masculine est justement de … 63 ans ! Cette baisse de popularité résulte aussi d’une tendance plus profonde, qui remonte aux années 2014-2015. Avec la crise ukrainienne et l’intervention russe en Syrie, le président s’est investi presqu’exclusivement sur les dossiers internationaux, semblant un peu délaisser la politique intérieure. Un nombre croissant de Russes s’en lassent et s’agacent de ce que la télévision, depuis quelques années, mette en avant les grandes questions internationales au détriment des problèmes intérieurs, qui sont à la fois nombreux et pressants…

Comment le président russe pourrait-il inverser la tendance de ces mauvais sondages ? Quelle est sa marge de manœuvre, notamment sur les dossiers internationaux, qui semblent lasser la population russe ? Sur les dossiers nationaux, notamment en ce qui concerne le pouvoir d'achat de la population ?

Dès l’amorce de la dernière campagne présidentielle, Vladimir Poutine a réorienté son discours politique sur les questions de politique intérieure et, plus précisément de politique économique et sociale. La Russie est un pays dans lequel les clivages territoriaux sont immenses et de plus en plus marqués. De nombreuses régions sont en dépression économique depuis dix ans, quand elles ne sont pas remises de la chute de l’URSS il y a près de trente ans… Sur ces dossiers nationaux, Poutine a choisi de tenir, au cours de la dernière campagne présidentielle, un discours très social et soucieux de « coller au terrain ». Dans le choix des déplacements, les régions les plus défavorisées ont été privilégiées ; dans les thématiques, les questions médicales et sanitaires ont été mises en avant. Plus que le chômage, c’est la question des travailleurs pauvres et du sort des retraités qui est la plus sensible. Ajoutons que l’engagement de l’Etat dans les régions russes fait défaut dans bien des domaines : infrastructures routières et énergétiques (notamment les réseaux qui alimentent le chauffage urbain), services publics locaux (écoles, notamment)… Une partie importante de la Russie se trouve en dehors du périmètre de la redistribution du mieux-être économique des années 2001-2008 et de la sotie de crise qui se profile depuis 2016, ce qui accentue le mécontentement.

Vladimir Poutine a été réélu en 2018 pour un mandat de 6 ans, soit jusqu'en 2024. Quel peut être la conséquence de cette baisse de popularité auprès du peuple russe ? Que peut réellement craindre le maître du Kremlin ?

Cette baisse de popularité de Poutine n’est pas la première. La plus importante, historiquement, fut celle de 205-2006, suite à la réforme dite de la « monétisation des prestations sociales », alors très impopulaire et qui avait débouché sur de nombreuses mobilisations. La confiance en Poutine-chef de l’Etat, véritable incarnation de la Russie sur la scène internationale, n’est pas fondamentalement remise en question. Mais il s’agit, de toute évidence, de son dernier mandat et l’opinion publique russe semble attendre de lui qu’il mette en place les bases d’un système économique plus juste et plus efficace, moins corrompu et plus dynamique. Il en a sans aucun doute pleine conscience… mais il n’est pas omnipotent, comme on le croit trop souvent dans la presse occidentale. Il est l’arbitre de groupes dirigeants rivaux et souvent hostiles, en désaccord sur les priorités économiques et stratégiques. Pour l’instant, il navigue à vue entre plusieurs options possibles, dans le contexte des sanctions américaines et européennes qui restreignent encore les marges de manœuvres financières de la politique économique… En l’absence d’une opposition structurée, forte, unifiée et dirigée par des leaders crédibles et pouvant se présenter comme une alternative sérieuse à Poutine, ce dernier n’a politiquement rien à craindre. Mais les manœuvres préparatoires à sa succession seront complexes. Elles seront rendues plus difficiles par une mauvaise conjoncture, ceci d’autant plus si Vladimir Poutine voit encore sa popularité baisser dans les années qui viennent…

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