Pourquoi on sous-estime le mal que l'affaire Ecomouv' a fait auprès des investisseurs étrangers<!-- --> | Atlantico.fr
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Madame Royal a décidé de mettre un terme à l’écotaxe.
Madame Royal a décidé de mettre un terme à l’écotaxe.
©Reuters

Le buzz du biz

En refusant d’indemniser la société Ecomouv' et en contestant le contrat qui la liait à l’Etat, le gouvernement a fini de décrédibiliser la parole étatique.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Les commentateurs les plus désabusés aiment répéter que le politique n’a plus de pouvoir, dépossédé par des forces qui lui échappent. Il ne lui resterait que la parole, ce qui serait bien vain. Dans le domaine économique, pourtant, cette parole publique a de lourds impacts, surtout quand elle est mal utilisée. Le gouvernement vient d’en faire la magistrale – et dramatique – démonstration, pénalisant ainsi un peu plus la compétitivité de la France.

En octobre dernier, Madame Royal a décidé de mettre un terme à l’écotaxe. Confronté à une opposition de terrain hyperactive, le Gouvernement a décidé d’enterrer le dispositif que la Droite avait adopté, s’empressant de ne pas le mettre en œuvre. Ce faisant, la ministre de l’Ecologie a clairement fait savoir qu’elle refusait d’indemniser la société Ecomouv, et entrepris de contester le contrat qui la liait à l’Etat.

Dans cette saga peu honorable, le ministre des Transports (ne voulant probablement se laisser dépasser par sa collègue), a même expliqué que l’Etat n’allait pas "payer comme ça". A l’appui de cette revendication, celui qui fut avocat, expliquait : "ce n’est pas nous qui avons signé ce contrat".

Etonnante conception du droit. Etrange définition de la continuité de l’Etat. Car, aussi pénible que cela puisse lui sembler, le Gouvernement est tenu par les engagements de ses prédécesseurs ; non parce qu’il est obligé de partager leurs convictions, mais parce que c’est l’Etat, personne morale, qui engage sa parole et sa signature et non les individus qui composent le Gouvernement.

Surprenante compréhension également de l’Etat de droit, qui conduit Madame Royal quelques jours plus tard à suggérer de modifier arbitrairement et unilatéralement le régime d’exploitation des compagnies d’autoroute. Que leurs contrats soient mal conçus n’est pas le sujet ; l’Etat est tenu par des contrats et il ne peut les considérer comme de simples bouts de papiers à déchirer selon son bon vouloir.Tous les défenseurs de l’Etat de droit devraient avoir froid dans le dos.

Ces déclarations à l’emporte-pièce n’ont pas tardé à produire des effets économiques dévastateurs. Les investisseurs se sont inquiétés : à l’étranger, avec une vision lointaine de la France, la pratique gouvernementale a fait l’effet d’une douche froide. Pourquoi lancer des projets et mobiliser son argent si, du jour au lendemain, le fait du prince peut les tuer sans justification ?

Une conséquence directe de ce naufrage, c’est que l’australien Macquarie et l’espagnol Ferovial se sont retirés du processus d’acquisition de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, s’inquiétant de la gestion de Madame Royal. D’autres pourraient à l’avenir hésiter franchement avant de se lancer dans une aventure avec l’Etat français.

L’opposition (la droite), de son côté, ne fait rien pour rassurer. A l’entendre, elle promet que si elle revient au pouvoir, elle effacera le quinquennat de François Hollande, faisant grossièrement disparaître tout ce qu’il a fait. Après le socialisme de gauche, idéologie utilisant l’Etat pour imposer ses vues, viendra le socialisme de droite, idéologie qui utilise l’Etat pour imposer ses vues, par principe opposées aux précédentes, et réciproquement. L’instabilité succèdera à l’instabilité.

En quelques semaines, le Gouvernement a décrédibilisé la parole économique de l’Etat et semé le trouble parmi les investisseurs étrangers. Il a ajouté une insécurité juridique majeure, faisant peser un risque nouveau sur les investissements. La compétitivité de la France s’en trouve pénalisée. Les adeptes de la sinistrose devraient donc se rassurer : le politique a toujours du pouvoir ; un pouvoir de nuisance.

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