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Pourquoi une majorité de Françaises se dit insatisfaite sexuellement
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Misère

Paradoxe. La France est considérée par ces voisins comme le pays de l'amour et de la drague. Pourtant 76,8% des Françaises se déclarent en manque ou insatisfaites sexuellement. La responsabilité n'en incombe pas seulement aux performances des amants français, mais surtout à l'abandon d'une pratique auto-érotique régulière.

Philippe Brenot

Philippe Brenot

Philippe Brenot est psychiatre, sexologue et anthropologue. Il dirige les enseignements de sexologie et sexualité humaine à l'université Paris Descartes. Récemment, il a publié Les femmes, le sexe et l'amour : 3 000 femmes témoignent aux éditions Arènes.

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Atlantico : Dans votre ouvrage Les femmes, le sexe et l'amour : 3 000 femmes témoignent, vous avez compulsé le résultat de différentes enquêtes, et l'une d'entre elles établissait que 76,8% des Françaises se déclaraient en manque de sexe ou du moins insatisfaites sexuellement. Comment expliquer ce chiffre ?

Philippe Brenot : Cette enquête scientifique a été réalisée sur 3 400 femmes qui vivent en couple hétérosexuel. Elle fait suite à une enquête qui a été faite sur 2 000 hommes l’an dernier. C’est une méthode très importante qui est là pour préciser des notions que l’on peut connaître à la suite de consultations. Il s'agit de comprendre tout ce qui est perçu, ressenti au niveau de la sexualité, de la relation avec l’autre, des sentiments.

Maintenant, il faut expliquer ces chiffres. 76.8 % des femmes sont en manque sexuel, mais cela n’implique pas un manque constant, cela veut dire que parfois les femmes éprouvent un manque. 22 % ne sont jamais en manque sexuel et cela ne veut pas dire qu’elles sont tout le temps satisfaites, car ce chiffre englobe aussi celles qui ne ressentent jamais de besoin sexuel.

Une fois ceci posé, il faut dire que la satisfaction sexuelle est très binaire. La sexualité est quelque chose de complexe qui nécessite à la fois bien sûr, la réalisation sexuelle et les conditions de l’amour. Elle est fonction de l’image sociale de la sexualité et très souvent, que l’on soit homme ou femme, on est très souvent en décalage avec l’image sociale de la sexualité, donc avec l’image de soi.

Ainsi beaucoup d’hommes et de femmes vivent très mal de ne pas réaliser leur sexualité fantasmée qui correspond à la jouissance permanente. Or, il y a une grande injustice et une grande asymétrie : la plupart des hommes jouissent très facilement, alors que la plupart des femmes jouissent peu.

Sur 3 000 femmes, lors premier rapport sexuel, très idéalisé, seules 6% des femmes ont un orgasme, contre 74 % des hommes. L'orgasme de ces derniers qui correspond à une éjaculation. Elle est d’ailleurs souvent trop rapide, ce qui les feront dire qu’ils ont été très déçus de ne pas avoir donné l'image de l’amant qu’ils auraient désiré être.

Le jour du premier rapport sexuel, 40% des femmes sont extrêmement déçues. Beaucoup de filles racontent qu’elles en ont pleuré, et certaines en resteront marquées toute leur vie. Si on regarde la jouissance, lors du rapport dans le couple, 90% des hommes ont un orgasme à chaque fois, mais la part des femmes qui disent avoir, au cours de la pénétration, un orgasme systématique n’est que de 15%.

L’asymétrie perçue lors de l’apprentissage de la sexualité et lors de la première fois se poursuit donc dans le temps et s’immisce dans le couple ?

Oui et pour une raison très simple. Les orgasmes masculins et féminins n’ont aucun rapport entre eux. Jacques Lacan disait qu’il n’y a pas de rapport sexuel, c’est-à-dire, il n’y a pas de rapport entre jouissance masculine et féminine. Cette grande différence tient à l’absence d’éducation à la sexualité qui est beaucoup plus marquante pour les femmes que pour les hommes.

La sexualité est pourtant un sujet de conversation quotidien. On a voulu la pimenter et enlever le tabou qui règne autour par les sex-toys par exemple. Malgré toutes ces choses, la sexualité n’est pas accomplie ?

On parle en effet beaucoup de sexe, mais pas de sexualité. Le sexe fait la Une des médias car tout le monde s’y intéresse. Mais c’est justement parce que tout le monde s’y intéresse que l’on sait que tout le monde n'a pas encore complètement réalisé et maîtrisé sa sexualité. Dans le cas contraire, personne ne s’y intéresserait. Nous ne savons qu’une seule chose sur la sexualité : elle est essentiellement apprise, et non naturelle comme on veut le croire et cela même chez les animaux. Si elle n’était pas apprise cela marcherait tout seul.

Le seul moyen de l’apprendre serait des modèles mais on n’en a pas en dehors du plus mauvais qui soit c’est-à-dire la pornographie. En dehors de cela, il ne reste que l’auto-érotisme et la masturbation. L’auto-érotisme est pratiqué de façon fréquente et pendant longtemps par les hommes. C’est pour cela que 90% des hommes ont une sexualité qui fonctionne, ils peuvent entrer en érection, pénétrer et éjaculer, tout simplement parce qu’ils se sont beaucoup touchés et pendant longtemps.

Pourquoi plus de la moitié des femmes ont du mal à avoir la sexualité qui leur correspond ? Parce qu’elle ne se touchent pas ou très peu de fois. C’est fondamental, et on ne le dit jamais. 44% de femmes sont très satisfaites, mais parce que pour elles, la sexualité est assez facile, grâce, en autres, à une masturbation régulière. En revanche, pour l’autre tiers des femmes, elles restent insatisfaites car cet auto-érotisme n'a pas été appliqué de façon constante.

Ce n’est pas le seul facteur qui l’explique, mais on ne peut pas nier que la masturbation reste l’élément fondamental de la sexualité. Elle permet la maturation sexuelle à l’adolescence et la pérennité de la sexualité au cours de la vie. Ce n’est pas un acte solitaire. Ni quelque chose qui ne sert qu’à soi pour compenser le manque sexuel. L’erreur, c’est d’arrêter la masturbation dès que l’on est en couple. Au contraire, elle permet que la sexualité fonctionne bien entre les deux amants.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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