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De plus en plus de voitures au design original fleurissent sur les autoroutes
De plus en plus de voitures au design original fleurissent sur les autoroutes
©REUTERS/Michaela Rehle

Roule ma beauté

La DS, la 11 chevaux, la traction... les plus belles réussites du monde automobile français restent dans les mémoires. Leur point commun ? Un design orignal et innovant. Aujourd'hui les constructeurs automobiles tentent de faire perdurer la tradition en se disputant des designers devenus de véritables stars.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : De plus en plus de voitures au design original fleurissent sur les autoroutes. Où en est le renouvellement du parc automobile en France ?

Jean-Pierre Corniou : La France dispose d’un parc de voitures particulières de 31,7 millions au 1er janvier 2014 sur 38,2 millions de véhicules. La  crise de 2008 a ralenti le renouvellement du parc et allongé la durée de vie des véhicules. Il s’est en effet vendu en 2013 près de 1,8 millions de voitures soit 5,7 % de voitures en moins qu’en 2012. L’âge moyen des voitures du parc français, est de 8,5 ans contre 6 ans en 1990.

Peut-on dire qu'un soin particulier a été apporté au design des voitures qui sont apparues sur les routes ces dernières années ?

L’automobile est le produit industriel par excellence. Fabriqué à 80 millions d’exemplaires par an, il est destiné à être mis entre des mains inexpertes, utilisé dans des environnements climatiques très contrastés et pour une gamme d’usages très large, et tout ceci pour un coût de production le plus faible possible. C’est ainsi le seul produit de grande diffusion à subir tant de contraintes. Aussi une voiture de série  est-elle toujours le fruit d’un compromis entre les contraintes techniques et économiques et la créativité du design, dictée par les considérations de l’époque. Seuls les concepts cars ou les voitures très haut de gamme peuvent se permettre de négliger cette dure loi.

La crise de l’automobile, accentuée depuis 2008 dans les pays matures déjà largement équipés de véhicules automobiles, a mis en évidence que la demande pour ce produit sophistiqué était de plus en plus exigeante. Car si l’industrie a fait des progrès considérables en matière de fiabilité, si les performances sont largement suffisantes pour les conditions réelles d’usage, si même les consommations ont été pratiquement divisées par deux en dix ans, entraînant une baisse des émissions de polluants et gaz à effet de serre, ces performances remarquables ne suffisent plus à convaincre le consommateur. Blasé, exigeant, demandeur d’un ratio prix/performance de plus en plus élevé, le consommateur ne veut pas seulement que son véhicule le conduise sans problème d’un point à un autre, il veut être séduit. C’est ce supplément de séduction, capable de déclencher une intention d’achat, que les constructeurs cherchent à introduire dans leurs gammes. Ils recourent pour cela aux armes classiques du marketing et du commerce, mais cherchent aussi à transformer le produit  à travers la course en avant technologique, imitant en cela l’industrie des biens électroniques grand public.  Mais c’est aussi dans la recherche d’une esthétique alliant l’efficacité par la mise en œuvre de formes améliorant les performances énergétiques  et le plaisir par le jeu des formes, des matières et des couleurs, destiné à créer charme et sensualité que les constructeurs rivalisent. Or le design n’est pas une science exacte, et c’est un champ complexe qui peut créer le succès ou l’échec d’un modèle même si ses  caractéristiques techniques sont accomplies. 

Les constructeurs français ont-ils mis du temps à le comprendre ? Comment expliquer ce qui peut apparaître comme un retard à l'allumage sur ce point ?

Il serait injuste de dire que les constructeurs français ont négligé le design. Il y a une longue tradition française de style automobile. Le succès de la R16, de Clio, Twingo, 205, Scenic ou Espace, pour ne citer que ces modèles tient à la créativité de leur design. Les causes des difficultés de l’industrie automobile françaises sont multiples et ne peuvent être imputées à un retard en matière de design. Les échecs de design audacieux sont aussi nombreux, comme peuvent en témoigner récemment les Renault Avantime et Vel Satis. L’identité de marque, à laquelle contribue le design, est une alchimie complexe où se mêlent facteurs objectifs et subjectifs, tenant aux caractéristiques techniques du produit, à la qualité perçue et à l’image

Quelle part du budget les constructeurs automobiles consacrent-ils aujourd'hui au design ?

C’est un chiffre difficile à identifier dans les données publiées par les constructeurs car il est intégré dans la phase amont de conception des véhicules où se mêlent les études produit, les études d’ingénierie, le marketing et le design proprement dit. Mais les équipes consacrées au seul design sont en général réduites, très qualifiées, même si la sous-traitance existe également dans ce domaine 

Comment les attentes des automobilistes ont-elles évolué quant au design ? Quel rôle celui-ci joue-t-il dans la décision d'achat, relativement aux performances techniques ?

Le design automobile n’est pas le résultat d’une pondération subtile des enquêtes d’opinion auprès des automobilistes. Cette approche "scientifique" est généralement un échec dont le cas de la Ford Edsel, en 1957, reste enseigné dans les écoles de management. La conception d’une automobile est une discipline pluridisciplinaire où vont coopérer plusieurs corps de métiers pour faire converger les facteurs techniques, les choix fonctionnels, l’intégration des analyses de marché, les décisions économiques vers un produit dont le design, in fine, est choisi au plus haut niveau de l’entreprise par le dirigeant lui-même tant les conséquences économiques sont importantes. Les courants qui marquent l’industrie automobile traduisent aussi une évolution des facteurs socio-économiques et démographiques. Le succès des monospaces, puis leur déclin face aux SUV, puis la montée des cross-over montre bien la volatilité des facteurs de décision. Enfin, les clients par construction, n’achètent que ce qui existe et c’est donc l’interprétation de leurs attentes par les industriels qui structure le marché. Or l’industrie automobile est une industrie lourde, aux cycles lents, conservatrice par nécessité. Il faut 3 à 4 ans pour lancer un nouveau modèle même si le cycle de réalisation a pu se réduire au cours des dernières années en intégrant toute la souplesse du numérique dans le cycle de conception mais aussi en recourant aux plateformes standardisées et aux banques de composants. Ce n’est pas le cas de l’électronique grand public où l’intuition des créateurs comme Steve Jobs a pu créer ex nihilo des marchés nouveaux aux cycles de renouvellement rapides inférieurs à l’année.

Laurens van den Acker a quitté Mazda pour prendre la direction du design automobile de Renault. Y a-t-il une bataille entre les marques afin de s'arracher le plus talentueux des designers ? Qui sont les designers stars ?

L’industrie n’a pas découvert récemment le rôle du design. Et les designers automobiles ont toujours été des créateurs qui ont réussi à se démarquer de la masse des ingénieurs qui coopèrent pour produire un modèle. Depuis les années trente, les véhicules automobiles ont quitté le simple champ de la technique pour apporter  à leurs propriétaires une satisfaction visuelle. Le design automobile allait alors connaître une évolution continue marquée par les grands noms du design dont le talent ne se limitait pas en général à la conception de véhicules. La coopération de Raymond Loewy avec Studebaker commencée en 1936 a donné naissance à des modèles célèbres. Les voitures Panhard ont eu dès les années trente un inspirateur visionnaire, Louis Bionier, qui a produit la Panoramique en 1936 puis la Dyna en 1954 suivie de la 24 de 1963. Il faut également citer Gabriel Voisin qui a tenté avec succès une symbiose entre l’aéronautique et l’automobile. On peut dire également que la marque Citroën, dès la traction avant 11 cv, a marqué l’histoire du design automobile dont le symbole  fut en 1955 la fameuse DS, fruit de la coopération entre le designer italien Bertoni et André Lefebvre, venu de chez Voisin. Mais le design n’a pas suffi à assurer l’avenir de ces marques qui ont souvent disparu pour de banales questions de gestion et de compréhension du marché.

Le design automobile se développe dans des firmes indépendantes comme Giugiaro, avec Italdesign, ou Pininfarina mais surtout au sein des équipes spécialisées des constructeurs.  Aujourd’hui, des marques ont su se différencier par un design pérenne entre générations de modèles. L’exemple en est Porsche qui retravaille depuis l’origine un modèle aux caractères forts, la 911 dont le premier modèle est sorti en 1963. Porsche Design est devenu une marque de design en soi. Audi et BMW ont également fait le choix de cette pérennité d’image qui a pour mérite une forte reconnaissance des valeurs de la marque et plus prosaïquement une meilleure stabilité du marché de l’occasion, le design des voitures vieillissant moins vite. Walter de Silva qui dirige le design du groupe Volkswagen est indiscutablement un des leaders actuels de la profession. Le groupe comprend des designers de talent que la concurrence n’hésite pas à arracher, comme Kia qui a embauché Peter Schreyer, anciennement chez Audi.

Les constructeurs reconnaissent désormais le rôle décisif du design dans le succès d’un véhicule. Une grande part de la performance actuelle de Renault tient au design reconnu comme réussi par l’équipe de Laurens van den Acker, designer en chef de Renault depuis 2010 de la Clio IV et de Captur. Il avait auparavant travaillé pour Audi, Ford et Mazda. Son prédécesseur, Patrick le Quément, venait lui-même de Ford puis Volkswagen avant de rejoindre Renault en 1987. Jean-Pierre Ploué, designer de PSA, vient de Renault où il avait conçu Twingo avant de renouveler la gamme Citroën avec C2 et C3.

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