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Pourquoi les paquets de cigarette "neutres" vont faire exploser l'énorme marché du tabac de contrebande (surtout alimenté par l'Algérie et la Chine)
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Dangereux pour la santé

La France est le pays d'Europe continentale où fumer coûte le plus cher, juste derrière la Norvège. Ce qui fait le jeu des trafiquants de tabac.

Comment compliquer (encore) plus la guerre des douaniers contre les trafiquants de tabac ? En faisant de la contrefaçon visuelle un jeu d'enfant, avec un seul code couleur : vert olive.

Ce sera le principal effet indésirable de l'apparition des paquets de cigarettes neutres, qui a commencé la semaine dernière en France. Présentée comme une grande victoire dans la lutte anti-tabac, la mesure sous-estime l'ampleur du marché noir, dont l'Organisation mondiale de la santé estime qu'il représente la plus grosse contrebande mondiale.

Les Français ne sont pas blancs comme neige. En 2013, les chiffres étaient édifiants : plus d'une cigarette sur quatre avait été achetée en dehors d'un bureau de tabac ; et les ventes transfrontalières, qui ne sont pas illégales mais reflètent la réaction du marché aux mesures étatiques, avaient augmenté de 36 %.

"Afin d'évaluer l'ampleur de la fraude, les quatre géants du secteur (American Tobacco, Philip Morris International, Japan Tobacco et British American Tobacco) commanditent chaque année une étude confidentielle, fondée sur la méthode dite du 'ramasse-paquets'", raconte L'Express. C'est-à-dire qu'ils récupèrent des milliers d'emballages vides et des restes de tabac dans plus d'une centaine de villes françaises, et cherchent à en déterminer l'origine.

Résultat : à Marseille, "18,2% des cigarettes viennent tout droit d'Algérie". En Seine-Saint-Denis, 14% des paquets sont issus du marché noir africain. "Les importations illicites de cigarettes algériennes ont explosé ces dernières années", poursuit le magazine.

"High profit, low risk"

"En Algérie, une cartouche de dix paquets coûte 13 ou 14 euros si l'acheteur la paie en dinars, 20 à 30 % moins cher s'il débourse des euros. Dans les rues de Marseille, les demi-grossistes la cèdent pour 30 à 35 euros aux revendeurs qui, eux, la monnaient 50 euros aux fumeurs". Philip Morris estime que le chiffre d'affaires annuel du marché noir dans le 93 s'élève à 159 millions d'euros, et 42 millions à Marseille.

En revanche, s'il est pris en flagrant délit, le trafiquant encourt des peines relativement faibles : cinq ans de prison au maximum pour "trafic en bande organisée" ; six mois derrière les barreaux et 3 750 euros d'amende pour "vente à la sauvette". Pour peu que vous vous en tiriez avec un simple rappel à la loi, comme cela arrive fréquemment…

Peu de grosses prises

Le plus souvent, les cigarettes arrivent dans les bagages des voyageurs à Marseille, qui débarquent des ferrys en provenance d'Algérie. La loi ne vous autorise qu'à rapporter une seule cartouche, si vous partez d'un pays extérieur à l'Union européenne – mais enfin, il n'est pas vraiment envisageable pour les 16 000 douaniers de fouiller toutes les valises, ce qui est aussi épuisant qu'inefficace. En somme, 5 tonnes de cigarettes algériennes ont été confisquées en 2014, mais Max Ballarin, patron de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, cité par L'Express, se désole : "Nous n'avons réalisé que 20 saisies supérieures à 100 kilos. L'essentiel de cette contrebande correspond bien à des flux de voyageurs".

La Chine n'est pas en reste, ni la Russie

La contrefaçon vient également de Chine, dans la région de Yunxiao, un district de la province du Fujian. Là, les usines seraient capables de produire 190 milliards de cigarettes par an, protégées par des portes blindées. "Les policiers doivent d'ailleurs souvent faire appel à des engins de travaux publics spécialisés pour pénétrer dans ces bunkers – selon des estimations occidentales, on en compterait plus de 200 dans la région". Toujours d'après L'Express, un paquet de Marlboro y coûte 20 centimes à produire, c'est-à-dire 20 fois moins cher que son prix de revente à la sauvette dans certaines villes européennes.

A Barbès-Rochechouart, notamment, "les paquets passent discrètement de main en main. [Ce jour-là], trois hommes s'éloignent en direction d'une voiture noire, garée un peu plus loin. Le conducteur, la soixantaine, tire de son coffre un sac en plastique plein de cigarettes qu'il troque contre quelques billets. 'Tous les jours, des gens passent pour revendre les trois, quatre ou cinq cartouches qu'ils ont rapportées d'Algérie', explique un douanier".

Enfin, c'est aussi à Kaliningrad que le marché noir fleurit. En effet, le petit territoire coincé entre la Pologne et la Lituanie possède une législation particulière, qui fait de lui un haut lieu du trafic de tabac en Europe, géré par les groupes mafieux russes. Dans leurs usines, ces derniers pourraient produire plus de 24 millions de cigarettes par an.

En somme, c'est un marché qui ne demande qu'à grossir, et à profiter des nouvelles mesures gouvernementales dont personne, semble-t-il, n'a prévu les effets indésirables. 

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