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Pourquoi le duel Macron / Le Pen n’évite en rien les risques de blocage du système
©Reuters/Charles Platiau

Atlantico Business

Jamais la différence entre deux offres politiques n’aura été aussi antagoniste. Entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le risque est un blocage total du système.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ouf, quel soulagement! Les marchés financiers européens ont salué dans l’euphorie, les résultats du premier tour de la présidentielle parce qu‘ils craignaient une finale entre Le Pen et Mélenchon, qui aurait immédiatement fait exploser le système financier européen et détruit la confiance nécessaire à l'équilibre et au fonctionnement des banques. 

Si le deuxième tour nous avait laissé le choix entre Le Pen et Mélenchon, on aurait eu sans doute beaucoup de mal à travailler cette semaine. 

Avec un duel Macron/ Le Pen, ils échappent donc à la catastrophe systémique, mais le pays court quand même vers un risque de blocage.

Aucun de ces deux candidats n’a de majorité établie. Ni Emmanuel Macron, ni Marine Le Pen. Et chacun devra redessiner tout le paysage politique et entrer dans l'univers compliqué des coalitions. Or, nous n'avons pas en France cette culture de la coalition et le fonctionnement de la Ve République ne la favorise pas.

Mais ce qui va provoquer une véritable déflagration, c’est que la rencontre entre Macron et Le Pen va susciter un choc entre deux offres politiques complètement antagonistes. Violemment et diamétralement opposées. Dans toutes les composantes de l'action politique, sur tous les leviers. Entre Macron et Le Pen, c’est le jour et la nuit. Le fer et le feu.

1e Sur l’Europe, Emmanuel Macron est pro européen, pro monnaie unique. Parfaitement conscient des dysfonctionnements de la zone euro, il plaide pour une amélioration des mécanismes de solidarité et considère que le seul avenir de la France dans le monde tel qu’il est, est de participer à l'ensemble de l’Union européenne en consolidant l’axe entre Paris et Berlin. L’Europe est le facteur premier de la sécurité et du progrès économique. Donc Macron, c’est plus d’Europe.

Pour Marine Le Pen, c’est tout le contraire, la France devra retrouver ses pouvoirs, ses souverainetés, ses frontières, sa monnaie. Pour Marine Le Pen, si la France a de grandes difficultés c’est parce qu’elle a été asservie aux mécanismes de Bruxelles ou de Francfort. Pour Marine Le Pen, l'avenir passe donc par la sortie de l’euro et de l’Europe. Sans pour autant expliquer comment dans des conditions autarciques, les Français préserveraient leur modèle de vie et de société sans la solidarité européenne. Donc Marine Le Pen, c’est moins d’Europe.

2e Sur la mondialisation, les deux candidats ont également des positions inverses.

Pour Macron, la mondialisation est inéluctable, la question est donc de l'assumer pour en saisir toutes les opportunités et les richesses, parce que la mondialisation est facteur de progrès

Pour Marine Le Pen, la mondialisation a fait le lit du diable, il faut donc la réguler, la freiner, rentrer dans ses frontières sans penser une seconde aux 40 % des emplois en France qui dépendent des échanges internationaux, sans imaginer un seul instant les avantages de la spécialisation internationale.

3e Sur la politique économique, on a aussi deux positions antagonistes. Emmanuel Macron s’inscrit dans une logique de l’offre, qui donne la priorité aux entreprises, à la compétitivité cout et hors cout, qui privilégie donc l'innovation, la création d’entreprise et de valeur, la souplesse et la réactivité. Par conséquent, Macron plaide pour une réduction effective du périmètre de l'Etat et une meilleure organisation administrative, plus de service, plus d’efficacité.

Marine Le Pen, elle, s’inscrit plus dans une logique de la demande, c’est à dire que les moteurs resteraient l'Etat et la dépense publique. Peu importe le déficit budgétaire, peu importe l’endettement, peu importe l'investissement et son financement.

4e Sur la politique sociale, et le droit du travail, Emmanuel Macron est évidemment pour le maintien du modèle social français à condition qu’il soit mieux géré et donc mieux protégé dans ses équilibres et son fonctionnement. La clef est de renforcer le pouvoir syndical en le rapprochant de l'entreprise. Emmanuel Macron n’est pas éloigné de la CFDT, c’est à dire de la recherche permanente du compromis et la prise en compte des mutations technologiques ou démographiques. Donc Macron touchera à la durée du travail, à la retraite, et à l'organisation syndicale.

Marine Le Pen a un discours très classique et très conservateur dans la gestion du droit du travail et des organismes sociaux. Elle ne   touche à aucun des acquis sociaux et pour trouver des marges de fonctionnement, elle sort du champ des bénéficiaires les populations immigrées et stoppe le flux des arrivées en fermant les frontières.

5e Sur la fiscalité, le nombre et l’organisation des fonctionnaires, les conditions de sécurité, la santé, l’éducation, on retrouve les mêmes antagonismes. Alors qu’Emmanuel Macron est partisan de tout faire pour permettre à l'écosystème d’affronter la concurrence étrangère, Marine Le Pen a, elle, des réactions de protection nationale, de repliement sur elle-même, contre ce qu‘elle appelle une mondialisation sauvage, une concurrence violente et une dérégulation libérale.

Les risques d’un tel antagonisme.  Alors, un tel antagonisme, peut avoir un rôle pédagogique. L‘irruption de l’Europe dans le débat du premier tour a très certainement fait progresser la connaissance des mécanismes européens et de l’euro. Les Français ne sont pas majoritairement favorables à la sortie de l’Union européenne ni à la sortie de l’euro.

Cela dit, ces antagonismes là vont encore cristalliser plus qu’ils ne le sont actuellement, les positions politiques et vont rendre très difficiles la construction d’une coalition.

Emmanuel Macron n’a à ce jour aucun député à l'Assemblée nationale, il va devoir passer et attirer à lui des candidats et de la droite et de la gauche. C’est possible à faire

Quant à Marine Le Pen, elle n’a que deux députés, donc le problème est identique. Sauf que ça sera plus difficile. On voit mal le parti de Jean-Luc Mélenchon venir l'aider, en dépit des incertitudes et de son refus d’annoncer un désistement en faveur de Macron.

Les sondeurs, les observateurs étrangers et les marchés financiers considèrent que Macron emportera la finale dans deux semaines. Ils ont sans doute raison, sauf que, quoi qu’on dise, sa légitimité ne reposera toujours que sur 24% des électeurs. Reste que près de la moitié de la population française, celle qui a notamment voté Mélenchon, ou Le Pen se situe hors système, et s’oppose à l’organisation actuelle de la société, une organisation ouverte sur le monde et sur l'Europe, fondée sur l'économie de marché.

Dans ces conditions, le président élu n’a pas forcement le pouvoir nécessaire pour ouvrir les grands chantiers de réformes.

Si le risque Le Pen est écarté, le risque de blocage du système demeure.

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